La profession est régulièrement attaquée sur les refus de soins aux personnes bénéficiaires de la CMU. Comment réagissez-vous ? - Clinic n° 01 du 01/01/2011
 

Clinic n° 01 du 01/01/2011

 

TRIBUNE

Refus de soins ou arrêt de soins ?

Hubert Tollet (Cherbourg-Octeville – 50)

Nous avons peu de problèmes de refus de soins dans le département de la Manche. Je l’observe localement en tant que membre des instances paritaires départementales de la Sécurité sociale. Plutôt qu’une discrimination entre les personnes que l’on accepterait ou non de soigner selon qu’elles seraient ou non bénéficiaires de la CMU, le problème vient, d’une façon plus générale,...


Refus de soins ou arrêt de soins ?

Hubert Tollet (Cherbourg-Octeville – 50)

Nous avons peu de problèmes de refus de soins dans le département de la Manche. Je l’observe localement en tant que membre des instances paritaires départementales de la Sécurité sociale. Plutôt qu’une discrimination entre les personnes que l’on accepterait ou non de soigner selon qu’elles seraient ou non bénéficiaires de la CMU, le problème vient, d’une façon plus générale, des patients qui ne se présentent pas à leur rendez-vous et/ou qui ne vont pas jusqu’au bout de leur traitement. Je vois deux raisons à cela : un manque de motivation et une désocialisation de la personne. Cette situation touche particulièrement les chômeurs de longue durée qui perdent la notion du temps.

Le cas de Cherbourg

Cherbourg-Octeville comprend une zone franche de près de 12 000 habitants, dont une bonne part bénéficie de la CMU-C. Des cabinets limitrophes en reçoivent jusqu’à 45 %, sans pour autant profiter des avantages fiscaux liés à la zone franche. Or, la décote des honoraires prothétiques met l’équilibre financier de ces cabinets en péril. En même temps, compte tenu de la diminution du nombre des praticiens en ville, le délai pour un rendez-vous s’allonge à 2 ou 3 mois et certains cabinets refusent les nouveaux patients.

Pour ma part, je réalise 9 % de mon chiffre d’affaires en soignant des patients bénéficiaires de la CMU (15 % de mes patients). J’éprouve beaucoup de satisfaction à les soigner quand ils sont motivés. Nous pouvons leur rendre un réel service qui correspond à notre vocation de soignants. En début de traitement, je leur explique que s’ils respectent leurs rendez-vous et se présentent 10 minutes à l’avance, ils repartiront avec une bouche complète (soins, couronnes, stellites). Je précise que mon assistante rappelle toujours les patients la veille de leur rendez-vous, qu’ils soient ou non bénéficiaires de la CMU.

Arrêt des traitements

Malgré la gratuité des soins, une forte proportion de bénéficiaires de la CMU ne poursuit pas son traitement jusqu’au bout. Mais ils ne sont pas les seuls ! D’une manière générale, ce sont les patients qui viennent en urgence avec des bouches négligées depuis longtemps. Or, plus la bouche est en mauvais état, plus les soins sont longs et, donc, plus la motivation doit être importante… L’arrêt du traitement pose le problème des couronnes et des prothèses qui restent non payées dans nos tiroirs. Le praticien-conseil peut essayer de convoquer les patients pour les motiver. Mais personne n’a le droit de les forcer à se faire soigner.

Nous ne recevons plus les patients qui ne se présentent pas une, voire deux fois de suite à leur rendez-vous, qu’ils soient ou non bénéficiaires de la CMU. Mais il arrive que ces patients mettent en avant ce statut pour dire que nous les refusons. Le conciliateur nommé par la caisse d’Assurance maladie il y a 2 ans aide à désamorcer d’éventuels conflits. Il recommande dans ce cas au patient de s’adresser à un autre chirurgien-dentiste et de ne pas rater ce nouveau rendez-vous.

Des solutions ?

On en arrive à une situation inverse, de discrimination des patients envers nous. En effet, un patient qui n’achève pas son traitement alors qu’il a signé le devis prothétique est susceptible d’être poursuivi par huissier. Ce n’est pas possible pour les patients bénéficiaires de la CMU-C puisque nous n’avons pas le droit de les faire payer. Nous sommes alors pénalisés.

Nous sommes en discussion aux niveaux départemental et national pour voir si la Sécurité sociale ne pourrait pas prendre en charge le prix de la prothèse non posée ainsi que le temps passé, et si elle ne pourrait pas mieux honorer les actes réalisés dans le cadre de la CMU.