Divorce : l’enjeu patrimonial - Clinic n° 03 du 01/03/2011
 

Clinic n° 03 du 01/03/2011

 

FAMILLE

GÉRER

PATRIMOINE

Robert GROSSELIN  

L’épreuve est psychologiquement douloureuse et financièrement éprouvante. L’accident n’arrivant pas qu’aux autres, les modalités du dénouement doivent être connues par avance. Conseils.

Les praticiens libéraux optent majoritairement, lors du mariage, pour le régime de la séparation de biens parce qu’ils ont un outil de travail à ménager. Les salariés et ceux que l’amour aveugle optent pour la communauté.

Lorsque le couple se défait par divorce, il dispose, depuis la loi de mai 2004, de quatre modalités : le consentement mutuel, l’acceptation du principe de la rupture, l’altération définitive du lien conjugal et la faute. Il faut savoir que le choix initial de la procédure ne préjuge pas que cette option est définitive. On peut, après avoir débuté les formalités, en changer. Dans le sens de l’apaisement, en allant vers le consentement mutuel, ou dans le conflit ouvert, en allant vers la faute.

Au-delà de ces fondamentaux juridiq­ues, c’est naturellement l’aspect économique et financier qui nous préoccupe. Avec deux volets : la prestation compensatoire et la liquidation du régime matrimonial. Les pensions alimentaires sont réservées aux enfants. Le conjoint réputé affecté économiquement par cette séparation aura droit à une prestation compensatoire, qui sera versée en capital le plus souvent, en nature parfois, totalement ou partiellement, et exceptionnellement en rente. Le principe de cette indemnisation est de « compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » dit l’article 270 du Code civil. Elle n’a pas pour objet de remettre les époux sur un pied d’égalité mais de compenser une différence qui serait choquante. La prestation compensatoire est une sorte d’indemnité de licenciement conjugal. Et c’est au juge d’en établir le montant en fonction de la situation financière des époux, sans qu’aucune grille ne soit préétablie pour déterminer ce montant. Le régime matrimonial importe peu, pas plus que l’antériorité du couple. À titre indicatif, pour certains experts, le montant doit être établi sur la base de la capacité d’épargne prévisible de l’époux qui indemnise pendant les 8 années à venir. Les experts avertis ont la sagesse de reconstituer cette épargne en l’amputant de l’impôt sur le revenu et des contributions sociales et, naturellement, en partageant par deux. On imagine le caractère arbitraire dans le cas des praticiens libéraux, dont le revenu est aléatoire.

Le régime fiscal de la prestation varie selon que le versement intervient dans les 12 mois du jugement ou au-delà. Dans le premier cas, la réduction d’impôt pour l’époux versant s’établit à 25 % des sommes versées, dans la limite de 30 500 €, soit 7 625 €. L’époux bénéficiaire ne règle pas de fiscalité sur ce capital, à l’exception de faibles droits d’enregistrement. Si le versement intervient plus de 12 mois après le prononcé du divorce, la totalité du capital est déductible pour celui qui verse mais est symétriquement imposable pour celui qui reçoit.

Simultanément, il faut dénouer le régime matrimonial, c’est-à-dire partager ou répartir. Lorsque les époux sont mariés sous un régime de communauté, chacun détient sa quote-part, 50 % de la totalité, et la difficulté relève de l’estimation et de l’attribution. Seuls les biens propres personnels restent individuels. La liquidation du régime de séparation de biens s’effectuerait aisément s’il n’y avait pas, dans la plupart des cas, des biens qui sont juridiquement en indivision entre les époux.

Il s’agit habituellement de la réside­nce principale dont les deux époux ont été titrés chez le notaire lors de l’acquisition. Mais dans ce cas, si l’un des conjoints – l’épouse le plus souvent – n’a pas participé au remboursement des emprunts, elle est redevable d’une créance envers son époux. Et là, le bât blesse, l’épouse refusant de rembourser, au motif que son mari avait, selon le Code civil, « l’obligation de contribuer aux charges du mariage ». Cette difficulté dans la liquidation sera mieux traitée si les époux ont formulé leurs demandes liquidatives au cours de la procédure et n’ont pas attendu le jugement. Une autre difficulté, naguère classique, portait sur les capitaux des contrats d’assurance-vie. L’époux titulaire du contrat désignait son conjoint comme bénéficiaire et celui-ci se déclarait acceptant. La disposition était, il y a quelques années encore, irrévocable.

Dorénavant, depuis décembre 2007, la validation de l’acceptation requiert l’accord des deux parties. L’époux souscripteur, on l’aura compris, aura la sagesse de ne jamais valider l’acceptation de son conjoint si celui-ci venait à la formuler.

Mon conseil

Isabelle VASSIA, juriste, cabinet EGA

Anticipation et vigilance sont les maîtres mots de la période du divor­ce.

L’anticipation débute avec le choix du régime matrimonial puisqu’il déterminera le sort du patrimoine acquis lors du divorce. Au cours de la vie du couple, on saura que les donations entre époux ne sont plus révocables. Si les époux sont tous deux titrés sur un bien immobilier, le conjoint qui n’a pas participé au remboursement de l’emprunt reste redevable d’une créance vis-à-vis de son époux pouvant diminuer significativement sa propre richesse. Lorsque les époux sont mariés en communauté, tous leurs avoirs sont communs, y compris, dorénavant, les contrats d’assurance-vie. Sauf ceux qui ont été alimentés par des capitaux individuels, en provenance de donation, succession ou vente de biens propres. Nous recommandons d’ouvrir un contrat spécifique à ces capitaux pour en assurer la traçabilité.

La procédure, une fois engagée, demande de la vigilance. Les mesures provisoires prises au cours de la procédure préfigurent souvent les mesures définitives. Il est aussi recommandé de formuler les demandes liquidatives au cours de la procédure et de ne pas les différer au-delà du prononcé. Financièrement, le plus aléatoire est le montant de la prestation compensatoire, pour laquelle il n’y a pas de règle précise, et la valeur du cabinet, les magistrats et avocats étant incrédules sur la modicité de sa valeur du fait du bénéfice qu’il dégage.