Congrès ADF : faut-il chasser les marchands du Temple ? - Clinic n° 06 du 01/06/2011
 

Clinic n° 06 du 01/06/2011

 

De bouche à oreille

Frédéric Besse  

Lorsque nous nous rendons à Paris, une fois par an, pour découvrir les nouveautés techniques et suivre quelques conférences, le contact avec la science odontologique peut être déstabilisant.

Dès la sortie du métro, nous sommes accueillis par des étudiantes court vêtues qui vantent à coup de sourires enjôleurs les mérites d’une poudre miraculeuse censée guérir toutes les maladies, sauf peut être les écrouelles. Une fois dépêtrés de ces sirènes, nous pénétrons...


Lorsque nous nous rendons à Paris, une fois par an, pour découvrir les nouveautés techniques et suivre quelques conférences, le contact avec la science odontologique peut être déstabilisant.

Dès la sortie du métro, nous sommes accueillis par des étudiantes court vêtues qui vantent à coup de sourires enjôleurs les mérites d’une poudre miraculeuse censée guérir toutes les maladies, sauf peut être les écrouelles. Une fois dépêtrés de ces sirènes, nous pénétrons dans le temple de la dentisterie. La multitude des stands nous étourdit, et c’est, noyés sous un flot de couleurs criardes et de comptoirs avant-gardistes, que nous tentons de découvrir les derniers progrès de notre exercice.

Les vendeurs, affamés, nous reçoivent avec un sourire carnassier et comme seule arrière-pensée le montant de leur chiffre d’affaires. Un peu étourdis par tant de presse et grisés par la perspective de tripler, pour le moins, notre productivité grâce aux solutions miracle qui nous sont proposées, nous nous sentons pousser des ailes et achetons beaucoup. D’autant plus que ce « congrès » se situant, heureux hasard, en fin d’année, nombreux sont les confrères qui sont persuadés qu’en « faisant des frais » ils réduiront leur imposition. Nous, chirurgiens-dentistes, avons la haine des impôts, ce qui nous conduit souvent à faire n’importe quoi pour en payer le moins possible. Tout cela est petit lait pour les vendeurs de gadgets dentaires. Mais le summum du délire commercial est atteint lorsque nous rejoignons le troisième étage, où sont concentrés les marchands de visserie titane. Les stands y sont rutilants, les hôtesses les plus sexy ont été recrutées pour l’occasion. Les vendeurs sont agressifs, les présentoirs croulent sous les sushis, les petits fours et le champagne, et, à la méridienne, le déjeuner est offert partout. Les propositions commerciales, aguicheuses, feraient rougir des marchands de tapis grecs. De cinquante implants plus cinquante gratuits au voyage sous les tropiques, tout est bon pour fourguer sa camelote. À ce stade, la tête nous tourne et notre compte en banque implose.

Par contre, depuis l’entrée, personne ne nous a considérés comme des médecins de la bouche capables d’analyser des faits scientifiques. La poudre, les instruments d’endodontie, les matériaux de comblement et autres, miraculeux, quelle littérature pour soutenir ces affirmations ? Litté… quoi ? Si nous demandons des publications, nous recevons des publicités. Si nous les critiquons, nous sommes méprisés.

Tout cela discrédite l’ADF en tant que congrès scientifique, surtout si l’on y ajoute, de l’avis général, le niveau variable des conférences. Un choix doit être fait par ses responsables. L’ADF, comme mégafoire dentaire dans laquelle il ne manque que les manèges et des lots en pelu­ches ? C’est réussi. L’ADF, congrès scientifique où sobriété rime avec sérieux et démarche responsable ? Il y a pas mal de concepts à revoir !