Main dans la main - Clinic n° 06 du 01/06/2011
 

Clinic n° 06 du 01/06/2011

 

GÉRER

ÉQUIPE ET ESPACE

Catherine FAYE  

À Albi, dans le Tarn, 4 omnipraticiens complémentaires et impliqués ont imaginé un cabinet à 8 mains. Un espace de travail, géré comme une petite entreprise, avec pour objectif d’être toujours dans l’échange et de pouvoir s’équiper au mieux. Pour le plaisir de travailler dans le confort, tout en offrant des soins à la pointe des données acquises de la science.

En s’associant, Alexandre Fabre, Karine Guitard-Bonami, Frédéric Milliet et Serge Mismetti-Laleure ont réussi le pari de mettre en commun matériel de pointe, compétences diverses et bonne humeur. L’idée ? Exercer ensemble, dans des conditions optimales, et offrir à leur patientèle une prise en charge de qualité. « Nous avons mutualisé les moyens, en gardant chacun sa salle de soins et ses propres patients. Les urgences peuvent être prises en charge par un autre praticien », assure Karine Guitard-Bonami. La SCM (société civile de moyens), dont chacun détient 25 %, existe depuis maintenant 2 ans et, forte d’une organisation bien pensée, favorise une méthode de travail où individualités et mise en commun vont de pair.

Il y a encore 3 ans, Karine Guitard-Bonami et Frédéric Milliet partageaient un cabinet : « Nous avions envie de changement, de progresser et de nous donner plus de moyens. » C’est leur confrère Alexandre Fabre qui lance le projet lorsqu’une équipe de kinésithérapeutes propose d’acheter ensemble une vieille maison à rénover et à réagencer, située en face du parc Rochegude, un espace vert de 4 hectares. L’impulsion est donnée et Serge Mismetti-Laleure les rejoint dans l’aventure. « Chacun a décidé des plans et de la décoration de son propre cabinet au sein du centre médical », raconte le praticien. Un même architecte installe les 3 étages de la maison, « en calculant tout au plus pratique, dont un parking après le porche destiné aux patients ». Adaptés et conformes aux normes CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), les locaux de la SCI (société civile immobilière) regroupent aujourd’hui 17 professionnels de santé.

Cabinet de groupe

Diplômés de la faculté dentaire de Toulouse et titulaires d’un DU d’implantologie, les 4 chirurgiens-dentistes ont également suivi des formations en parodontologie et en occlusodontie. Par ailleurs, Alexandre Fabre possède un DU d’esthétique. Ils officient au 1er étage, sur environ 200 m2, dans leurs 4 salles de soins personnalisées. Tout le reste de l’espace a été mis en commun : accueil, salle d’attente, bloc opératoire, stérilisation, panoramique Sirona, Orthophos XG3, salle de repos. L’esprit du cabinet repose sur un jeu subtil de reflets, de miroirs et de lignes déhanchées. Dès l’accueil, une envolée de miroirs ronds de différentes tailles fait écho aux sources de lumière et renvoie la transparence des fauteuils de la salle d’attente, signés Starck. Peu de choses : un mur pour casser l’espace, un écran de télévision, un bouquet minimaliste. « Nous partageons à quatre la salle d’attente et ne nous permettons aucun retard », confirme l’équipe. Le cabinet fonctionne à son rythme, constant et serein. Au plafond, un sky ceiling, sorte de panneau lumineux en trompe-l’œil, représente des nuages sur un fond azur.

L’originalité de cette association ? Un socle commun avec, pour chacun, ses particularités. Karine Guitard-Bonami, l’unique femme praticien, allie perfectionnisme, tolérance et douceur. Alexandre Fabre, énergique et imaginatif, crée la nouveauté tandis que Serge Mismetti-Laleure, plus réservé et bon vivant, et Frédéric Milliet, minutieux et bricoleur, jonglent entre réflexion et humour. « On se complète bien, assure ce dernier. J’ai toujours voulu travailler en équipe, pouvoir communiquer, mettre en commun nos connaissances, évoluer. Ce qui a été fédérateur, c’est cette envie de s’investir personnellement et financièrement, ensemble, dans une même vision. »

Un quotidien bien pensé

Chaque praticien reçoit une quinzaine de patients par jour et travaille de plus en plus sur des rendez-vous longs en groupement de soins. « Les chirurgiens-dentistes albigeois qui partent à la retraite ne sont pas remplacés. Et puis, les patients sont de plus en plus exigeants », développe Alexandre Fabre. Délais d’attente ? Entre 1 mois et 1 mois et demi. Mais les longues journées de soins n’altèrent en rien la bonne humeur. « On déjeune ensemble et, en été, c’est l’occasion de faire des barbecues avec les praticiens installés dans les autres étages du bâtiment : kinésithérapeutes, médecins généralistes, infirmières et une psychologue. »

Chaque salle de soins est dotée d’une couleur de prédilection : mauve, vert, bleu marine, rouge assorti de noir. Des miroirs omni­présents renvoient les silhouettes et l’espace avec esthétisme : signés Starck, comme les fauteuils de la salle d’attente, ils oscillent entre grand et petit formats. La signalétique et les tons gris et blancs laissent une empreinte à la fois classique et dépouillée. Tout a été pensé pour optimiser l’espace, la circulation, la clarté. Clou du spectacle : une immense horloge peinte et installée sur l’intégralité d’un mur au bout du couloir. Une idée créative et pratique. Quant au couloir, il dessert toutes les pièces, y compris une seconde porte de sortie pour les patients, si nécessaire, et l’équipe.

« Nous travaillons chacun avec notre propre assistante, nos prothésistes et nos habitudes », continue Karine Guitard-Bonami tandis que Delphine, son assistante, nettoie son fauteuil, un Sternweber, après le départ d’une patiente. Membre du Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes (SFCD) et de la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD), elle confirme : « C’est très complémentaire de travailler avec des hommes. Mais, surtout, on se tire tous vers le haut, dans une grande cohésion. » De son côté, Alexandre Fabre vient de quitter sa salle de soins aux tons verts et bois, dont le fauteuil est signé Eurodent, comme celui de Serge Mismetti : « Si on doit changer de fauteuil, cela nous permet d’être à l’aise. » Il rejoint son assistante Aurélie au bloc opératoire afin d’extraire les fragments restants d’une racine de dent cassée chez un joueur de rugby et de lui poser un implant : « Je lui ai fait une prise de sang pour faire du PRF, un concentré plaquettaire après centrifugation du sang. »

Tous ensemble

L’intérêt de partager des locaux avec d’autres spécialités médicales tient à l’interaction : « Un patient peut bénéficier dans un même lieu d’un suivi médical et dentaire. Par ailleurs, il arrive qu’un médecin s’adresse à l’un d’entre nous et vice-versa. Si je reçois une personne “polymédiquée” et qu’elle ne m’explique pas clairement sa pathologie, je peux monter voir un médecin et on discute ensemble. Autre exemple : les bilans biologiques, lorsqu’ils sont poussés, sont interprétés avec les médecins afin de ne pas passer à côté d’un problème. De même, un médecin peut nous adresser un patient pour un bilan dentaire… » Par ailleurs, les 4 chirurgiens-dentistes se sont engagés avec les médecins et les kinésithérapeutes à recevoir, en priorité, les patients du centre.

Mutualisation des frais, partage d’expériences, tout est mis en œuvre pour consolider et permettre à cette association de perdurer. « On se réunit tous les 4 en dehors du cabinet, 2 heures, tous les 15 jours, pour faire le point. Et puis, tous les mois, c’est à 9 que cela se passe : avec nos 4 assistantes et Christel, notre secrétaire. » Une façon concrète de régler les petits problèmes et d’optimiser les détails du quotidien. Derrière le comptoir d’accueil, Christel jongle entre prises de rendez-vous et travail administratif. L’ambiance du cabinet oscille entre énergie et calme. Entre le rachat de 160 m2 dans la maison mitoyenne, le recrutement d’une seconde secrétaire et l’acquisition d’un scanner cone beam, l’équipe ne tarit pas de projets.

ON AIME : L’organisation et le partage des tâches, bien pensés : « Chaque année, l’un d’entre nous s’occupe des comptes, un autre de la gestion du personnel, un autre encore de la gestion des réunions bimensuelles et le dernier de l’entretien. On tourne. » Sans oublier la mise en place d’un règlement intérieur, créé par toute l’équipe.