Le Piazzola de la dentisterie - Clinic n° 09 du 01/10/2011
 

Clinic n° 09 du 01/10/2011

 

ÉQUIPE ET ESPACE

CATHERINE FAYE  

À Buenos Aires, Hector Alvarez-Cantoni est l’un des grands noms de la dentisterie. Vice-doyen de la faculté d’odontologie, il exerce dans un cabinet qui surplombe la capitale du tango. À ses côtés, son fils, sa fille et toute une équipe pluridisciplinaire soignent les patients dans une ambiance familiale et amicale.

C’est l’automne porteño, lourd et moite. L’après-midi se noie dans les bourrasques et les coups de klaxons. À quelques mètres de l’obélisque, le cabinet d’Hector Alvarez-Cantoni surplombe la célèbre avenue 9-de-Julio, asphyxiée sous son défilé d’embouteillages. Un emplacement exceptionnel.

Au 8e étage, les portes de l’ascenseur ouvrent sur un palier chic. On entre dans un appartement cossu : moquette épaisse, natures mortes, grands bouquets de fleurs. Au fond d’un couloir éclairé de faisceaux lumineux, deux patients lisent dans les fauteuils confortables de la salle d’attente, un vaste salon dont les portes-fenêtres plongent sur les toits de Buenos Aires. Le va-et-vient d’une pluie violente inonde le balcon et la rumeur du trafic et des sirènes grimpe jusque dans le cabinet.

Sur les murs, bois, tissu bleu marine, marbre. L’espace abrite deux décennies de dentisterie. « Autrefois, j’étais installé dans un autre quartier, rue Carabobo, à une quarantaine de pâtés de maison d’ici. L’avantage de cette adresse, c’est que nous sommes au cœur de la ville. Nous pouvons accueillir les gens qui travaillent dans le centre-ville », explique le praticien.

Avec une file active d’environ 3 000 patients dont un dixième suit un plan de traitement, le cabinet ressemble à une petite entreprise familiale. Hector Alvarez-Cantoni, qui n’est jamais à court de projets, vient d’ailleurs de lancer une série de travaux de modernisation et de réaménagement de son lieu de travail. « J’ai décidé de transformer la partie où se trouvent cuisine, stérilisation, laboratoire et salle de réunion en une salle de chirurgie de pointe accolée à la stérilisation refaite à neuf. »

Sagrada familia

Le patriarche affiche une certaine fierté, notamment lorsqu’il parle de ses enfants qui exercent à ses côtés. « Mais pas seulement ! Mon fils, José Manuel, est aussi champion de golf et ma fille, Mariela, professeur à la faculté d’odontologie, comme moi. » On sonne à la porte. Un patient, cheveux ras, lunettes de soleil relevées sur la tête, entre et se dirige vers le praticien qu’il embrasse : en Argentine, il n’est pas rare de serrer son médecin dans ses bras. Dehors, l’orage tonne. L’air est pesant.

« Quand j’ai acheté cet appartement, continue le maître des lieux, c’était l’atelier d’une artiste peintre. J’ai fait transformer la grande terrasse de 60 m2. » Le cabinet fait aujourd’hui 230 m2 avec 36 m2 de balcon. Deux architectes réputés, Mariela Castro et Antonio di Leva, ont permis une telle restauration. Un moment fort dans la vie d’Hector Alvarez-Cantoni, qu’il a immortalisé dans plusieurs albums photos où l’on voit la métamorphose des lieux sous le regard enthousiaste du praticien et de ses proches, dont son père, qui fut chirurgien-dentiste, et sa mère qui a aujourd’hui 100 ans.

Le 14 septembre 1990, jour de l’ouverture du cabinet, reste une date clé. « Je suis passé de la bonne dentisterie de quartier à des soins de référence à l’échelle internationale. Il faut dire que, depuis 1985, j’avais déjà commencé à faire de la restauration prothétique implantaire, alors qu’elle n’en était qu’à ses tout débuts. » Installé derrière son bureau de ministre, il glisse des mots d’anglais dans ses phrases à l’accentuation argentine : une façon bien particulière de parler la langue de Cervantès. Ses diplômes encadrés recouvrent les murs jusque dans son petit salon privé aux faux airs de cabinet de psychanalyste. Il y reçoit confrères et patients.

Les lieux reflètent la personnalité du chirurgien-dentiste : énergique et visionnaire. « Il vit à cent à l’heure, explique son bras droit, Gloria Meitin, l’assistante-gestionnaire en chef. Il est également vice-doyen de la faculté d’odontologie de Buenos Aires, où il dirige la filière de spécialisation en restauration prothétique de grande complexité avec une orientation en prothèse implantaire assistée et prothèse partielle fixe. » Pour ce spécialiste d’ostéologie maxillaire et d’implantologie, les journées de travail durent 14 heures, voire plus. Il consacre ses matinées à la faculté et ses après-midi, qui s’étirent jusqu’à 20 ou 21 heures, au cabinet. Le reste du temps, il se partage entre ses voyages et ses activités à la campagne où il est propriétaire d’une hacienda et d’une exploitation agricole à 600 kilomètres de la capitale. Il écrit ses ouvrages et ses articles dans l’avion lorsqu’il part aux quatre coins du pays, mais aussi vers le Brésil, les États-Unis ou Israël faire des conférences, des formations ou donner des cours.

D’une main de maître

Le cabinet fonctionne avec une armada de professionnels qui se relait et instille un dynamisme prégnant. Sept assistantes secondent autant de chirurgiens-dentistes, dont les principaux sont Mariela et José Manuel, sa fille et son fils. Une endodontiste, un parodontiste, qui a également un rôle d’hygiéniste, et une orthodontiste travaillent à leurs côtés. Selon un planning préétabli, l’équipe se partage quatre salles de soins dont l’une est équipée d’un microscope Zeiss. Les fauteuils sont signés Sirona, Eurodent, Dürr, Quirofano… Pas de radio panoramique : « La thermographie infrarouge effectuée dans des centres en ville nous permet de mieux appréhender les problématiques de nos patients », confirme le propriétaire des lieux.

Hector Alvarez-Cantoni est très exigeant avec chacun. L’organisation du cabinet fonctionne grâce à la gestion pointue de Gloria Meitin, le pivot du cabinet, qui travaille à ses côtés depuis 40 ans. Dans son bureau, situé entre l’accueil et la salle d’attente, elle s’occupe également de l’administration. C’est elle qui crée l’équilibre de la structure complexe du cabinet. De son poste de radio s’échappent des chansons populaires argentines. Paola et Maritza, les secrétaires, et Sergio, qui veille aux relations avec les laboratoires et gère la partie financière, se partagent un bureau voisin.

En Argentine, il n’y a pas de numerus clausus et la dentisterie est en plein essor. Hector Alvarez-Cantoni et son équipe veillent à soigner leurs patients dans une prise en charge globale, en lien avec d’autres spécialités médicales : otorhinolaryngologistes, traumatologues, cardiologues… Esprit que le père des lieux a également développé à la faculté, une autre de ses fiertés. « Ici, nous n’avons pas de carte Vitale. Seule 1 personne sur 1 000 peut venir se faire soigner chez moi. Alors, le blanchiment, l’implantologie à tout va et l’apanage du sourire parfait, ce n’est pas ma philosophie. Pour moi, l’esthétique poussée à l’extrême est un commerce. Je suis un fonctionnaliste : tout ce qui est beau mais qui n’a pas d’utilité ne sert à rien. » Dans son cabinet luxueux, ce disciple de Malinowski garde la tête froide. « Ici, nous sommes une famille qui veut faire les choses bien et simplement. Ce qui reste simple évite nombre de complications. »

ON AIME !

Près de la porte d’entrée, une sculpture de l’Argentin Leo Vinci. Un corps fendu, le bras tendu qui pointe vers l’avenir. C’est aussi le message d’Hector Alvarez-Cantoni, toujours animé de projets à réaliser, d’objectifs à atteindre.