Abord chirurgical des canines incluses maxillaires : apport de la reconstruction tridimensionnelle - Clinic n° 01 du 01/01/2012
 

Clinic n° 01 du 01/01/2012

 

CHIRURGIE-ORTHODONTIE

Matthieu FABRIS*   Thomas BELANGEON**   Hélène PERTUIT***   Marie-Laure PIQUAND****   Anne-Gaëlle BODARD*****   Jean-Loup COUDERT******   Frédéric TRUNDE*******  


*Assistant hospitalo-universitaire
Service de chirurgie buccale
Service de consultations et de traitements dentaires
Hospices Civils de Lyon
6-8, place Depérêt 69007 LYON
**Ancien interne en odontologie
Service de consultations et de traitements dentaires
Hospices Civils de Lyon
6-8, place Depérêt 69007 LYON
***Assistante hospitalo-universitaire
Service d’orthodonti
Service de consultations et de traitements dentaires
Hospices Civils de Lyon
6-8, place Depérêt 69007 LYONe
****Service d’orthodontie
Service de consultations et de traitements dentaires
Hospices Civils de Lyon
6-8, place Depérêt 69007 LYON
*****Maître de conférences
Service de chirurgie buccale
Service de consultations et de traitements dentaires
Hospices Civils de Lyon
6-8, place Depérêt 69007 LYON
******Professeur des Universités
Service de chirurgie buccale
Service de consultations et de traitements dentaires
Hospices Civils de Lyon
6-8, place Depérêt 69007 LYON
*******3D Néovision
Service de consultations et de traitements dentaires
Hospices Civils de Lyon
6-8, place Depérêt 69007 LYON

Le traitement orthodontico-chirurgical est le plus approprié face à une canine incluse. Il implique une parfaite connaissance de la position de la canine afin de réaliser le geste chirurgical dans les meilleures conditions. Les examens scanner ou cone beam CT sont indispensables et la reconstruction tridimensionnelle surfacique permet d’anticiper au mieux l’intervention afin de réaliser une chirurgie minimalement invasive.

Une dent incluse est une dent qui est située dans les maxillaires au-delà de sa date d’éruption normale mais entourée de son sac péricoronaire et sans communication avec la cavité buccale.

Après les troisièmes molaires, la canine maxillaire est la dent le plus fréquemment incluse. Cela concerne environ 2 % de la population [1, 2]. Cette canine incluse peut occuper trois positions distinctes dans le sens vestibulo-palatin :

• palatine, la face vestibulaire de la couronne est située en palatin par rapport au couloir virtuel formé par les dents maxillaires adjacentes ;

• vestibulaire, la face vestibulaire de la couronne est située en vestibulaire par rapport au couloir virtuel formé par les dents maxillaires adjacentes ;

• intermédiaire, la couronne de la canine se situe à l’intérieur du couloir dans une position intermédiaire par rapport aux deux autres.

La position palatine de la canine est fréquente : 85 % des cas selon Ericson et Kurol [3].

Le diagnostic de canine incluse se fait à partir des examens cliniques et radiographiques.

La thérapeutique la plus fréquente est un traitement orthodontico-chirurgical. Après aménagement de l’espace, il fait appel à un dégagement chirurgical puis au collage de l’attache orthodontique sur la couronne de la canine et, enfin, à la traction.

Pour l’abord chirurgical, la position anatomique (vestibulaire, intermédiaire ou palatine) de la canine doit être précisée.

La radiologie conventionnelle en deux dimensions et les examens cliniques ne permettent pas toujours de préciser cette position dans les trois plans de l’espace.

Les examens tomodensitométriques (scanner X ou cone beam CT) apportent la troisième dimension absente sur les radiographies 2D. Ils donnent la position vestibulaire, intermédiaire ou palatine. Cependant, la reconstruction mentale du volume anatomique considéré est difficile. L’exploitation de coupes successives dans les trois dimensions de l’espace est laborieuse et souvent source d’erreurs.

La reconstruction tridimensionnelle (ou 3D) à partir des informations quantitatives fournies par les coupes d’acquisition de tomodensitométrie apporte une scène dans laquelle les éléments anatomiques d’intérêt sont individualisés et se présentent aux yeux de l’opérateur comme l’image qu’il perçoit après une dissection sur cadavre.

La 3D, qui intéresse les odontologistes, existe sous deux formes : la reconstruction tridimensionnelle surfacique et la reconstruction tridimensionnelle volumique.

Dans cet article, la représentation surfacique est utilisée car la reconstruction volumique ne permet pas d’individualiser chaque élément anatomique d’intérêt et peut être génératrice d’erreurs.

La reconstruction surfacique fait appel à une segmentation des éléments qui va isoler les voxels appartenant à une entité anatomique (dent, os, sinus, canal mandibulaire) à l’intérieur du volume des coupes d’acquisition. Cette reconstruction tridimensionnelle représente un volume virtuel dont les dimensions correspondent au volume réel : expression de la réalité sans déformation ni interprétation.

Concrètement, l’image est vue sur un support (écran ou papier). Les informaticiens parlent d’une scène dans laquelle chaque élément anatomique devient un acteur indépendant. Cela permet l’étude de chaque acteur et de leurs rapports. Des mesures peuvent être effectuées entre les différents points de la surface des acteurs d’intérêt.

La reconstruction tridimensionnelle permet de simuler, sur un ordinateur, le geste chirurgical en prenant des repères qui seront aisément reportés en bouche le jour de l’intervention.

Cas clinique

Mlle B, 15 ans, est prise en charge pour un traitement d’orthodontie et présente sa 23 incluse. Après préparation orthodontique, cette patiente est adressée au service compétent pour dégagement chirurgical de la canine maxillaire gauche.

L’examen clinique montre une voussure palatine (fig. 1). La radiographie panoramique confirme l’inclusion de la canine (fig. 2) et l’examen tomodensitométrique la présence de la canine incluse en position palatine.

À partir des coupes d’acquisition, le logiciel de reconstruction tridimensionnelle permet de créer la scène 3D contenant les acteurs anatomiques d’intérêt et qui montre que la canine est en situation palatine (fig. 3).

Classiquement, la voie d’abord devrait être palatine. Cependant, la vue vestibulaire montre que la couronne de la canine peut être atteinte par une voie d’abord vestibulaire (fig. 4).

L’axe de traction de 23, permettant sa mise en place sur l’arcade, est positionné dans la scène par l’orthodontiste (fig. 5). Ainsi, le point central où doit être collée l’attache orthodontique sur la canine est défini.

Un couloir d’accès chirurgical, matérialisé par un cylindre de 8 mm de diamètre, permet de vérifier le respect de l’intégrité du parodonte des deux dents qui bordent l’espace aménagé créé par le traitement orthodontique pour recevoir la 23 (fig. 6). Il part du point où l’attache orthodontique doit être positionnée. La position de l’attache est décidée en fonction de la situation clinique de la dent et de la direction de la force à appliquer pour guider la dent dans son site alvéolaire préalablement préparé [4, 5].

Afin de reporter le couloir chirurgical du virtuel au réel, des points remarquables accessibles dans le virtuel et dans le réel sont positionnés dans la scène :

• 1 point osseux vestibulaire (virtuel) situé au centre du cylindre du couloir chirurgical ;

• 2 points (réels) situés sur les attaches des dents bordant l’hiatus d’édentation (fig. 7).

Le logiciel permet de connaître la distance entre chacun de ces 3 points dessinant un triangle : figure géométrique indéformable. Ces mesures permettent de réaliser un gabarit triangulaire pour le report en bouche.

Lors de l’interaction, la base du triangle est placée sur les attaches orthodontiques de la 22 et de la 24 (fig. 8). Le tracé du lambeau est réalisé à partir du point défini par le sommet du triangle (fig. 9).

Le lambeau est décollé puis le gabarit est replacé pour localiser le site d’alvéolectomie dans le couloir chirurgical. L’alvéolectomie permet de découvrir la surface amélaire (fig. 10) sur laquelle est réalisé le collage de l’attache orthodontique (fig. 11).

Le collage est effectué classiquement en peropératoire. Le lambeau est repositionné et suturé [6].

Conclusion

La reconstruction tridimensionnelle surfacique, après segmentation des éléments anatomiques, permet de simuler l’intervention chirurgicale dans le virtuel de l’ordinateur tout en anticipant le déplacement de la dent incluse dans le maxillaire. Ainsi, l’opérateur peut reporter en bouche les repères et réaliser une chirurgie a minima en s’inscrivant dans le concept de la chirurgie minimalement invasive.

Bibliographie

  • [1] Kuftinec MM, Shapira Y. The impacted maxillary canine. I. Review of concepts. J Dent Child 1995 ; 62 : 317-324.
  • [2] Kuftinec MM, Stom D, Shapira Y. The impacted maxillary canines. II. Clinical approaches and solutions. J Dent Child 1995 ; 6 : 325-334.
  • [3] Ericson S, Kurol J. Radiographic examination of ectopically erupted maxillary canines. Am J Orthod 1987 ; 91 : 483-492.
  • [4] Dorignac D, Bardinet E, Bazert C, Devert N, Diongue AA, Duhart AM. Biomécanique orthodontique et notion de force légère. Encycl Med Chir (Elsevier Masson SAS, Paris), Odontologie/Orthopédie dentofaciale 2008 ; 23-490-B-10.
  • [5] Korbendau JM, Patti A. Le traitement orthodontique et chirurgical des dents incluses. Paris : Quintessence international, 2005.
  • [6] Korbendeau JM, Guyomard F. Chirurgie parodontale orthodontique. Rueil-Malmaison : Éditions CdP, 1998.

ÉVALUEZ-VOUS !

TESTEZ VOS CONNAISSANCES SUITE À LA LECTURE DE CET ARTICLE EN RÉPONDANT AUX QUESTIONS SUIVANTES :

1 La position de la canine incluse la plus fréquemment retrouvée chez les individus est vestibulaire.

• a. Vrai.

• b. Faux.

2 La reconstruction tridimensionnelle permettant d’individualiser les éléments anatomiques de la scène est :

• a. La reconstruction volumique ;

• b. La reconstruction surfacique.

3 La voie d’abord de la canine incluse présentée dans ce cas clinique est une voie palatine.

• a. Vrai.

• b. Faux.

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