Carnet de voyage au Laos pour l’AOI - Clinic n° 02 du 01/02/2012
 

Clinic n° 02 du 01/02/2012

 

PASSIONS

Philippe Mignard, membre actif de l’AOI (Aide odontologique internationale) depuis vingt-cinq ans, suit le projet de l’ONG au Laos (1). Il rentre d’un voyage d’observation avec son épouse Catherine. Extraits de leur carnet de voyage.

Vientiane, entre tradition et modernité. Patchwork de verdures détrempées, moiteurs et brumes, sourires… une certaine nonchalance provinciale accueille le voyageur. À deux pas du Wat Simuang, le lieu le plus vénéré de la ville où l’on vient pour faire un vœu et une offrande de fleurs ou de fruits, on trouve l’antre de l’AOI, situé à l’étage d’une maison calme. On laisse ses chaussures au bas de l’escalier, comme toujours au Laos. C’est là que Gwenaëlle, jeune et dynamique chef de projet, a réuni son équipe ; Kongkeo et Anousson sont deux interprètes. Il s’agit de préparer la mission, dont l’objectif est d’évaluer le niveau des infirmiers de quatre centres de santé et celui des chirurgiens-dentistes de deux hôpitaux. Nous partons tous avec le Dr Phonsavanh, chirurgien-dentiste référent de la faculté chargé de les superviser.

Xieng-Me, un petit centre de santé, dessert cinq villages. Le travail dans les rizières, pendant les mois de juillet et août, est journalier ; on récolte le riz une seule fois par an au Laos. Une bonne mousson est la promesse d’une année fructueuse.

Soigner ses dents n’est donc pas une priorité, sauf urgence ! On descend à pied des montagnes ou, au mieux, à moto. Une femme, un père de famille et ses trois enfants viennent d’arriver. On envoie souvent les enfants pour voir comment le chirurgien-dentiste travaille ! L’infirmier les reçoit, rejoint par son collègue. Les trois chirurgiens-dentistes supervisent leur travail ; mémoriser les différents instruments ne semble pas chose facile, probablement par manque de pratique !

L’équipe montre aux infirmiers un film sur le contrôle des infections croisées réalisé par Alain Guillemot assisté du Dr François Courtel, membre actif de l’AOI. Tant d’erreurs accumulées par le « Dr Brouillon » provoquent l’hilarité de l’auditoire. Cette prise de conscience laisse-t-elle augurer une évolution dans le comportement en matière d’hygiène ?

Pour se rendre à Paktone, situé dans un district agricole, c’est poussière et ornières assurées ! Le coquet cabinet dentaire du centre de santé a été aménagé puis rénové en 2011 par l’AOI. Il a servi de cadre au film sur l’hygiène. On y retrouve également l’acteur principal, Khonsavan, 34 ans, laborantin et infirmier dans le rôle du « Dr Brouillon ». Mais, loin de la fiction, la réalité est tout autre : le « Dr Brouillon » s’est métamorphosé en « Dr Propre » ! Assurance, rigueur, précision du geste pour l’extraction d’une molaire mandibulaire chez cette patiente qui repartira avec le sourire. Un peu plus tard, une femme âgée de 79 ans répond au questionnaire médical de l’infirmier : pas de maladie, marche sans bâton, mauvaise vue, souffre d’une dent et vient pour l’extraire.

Khonsavan, parfaitement à l’aise dans sa pratique et dans la maîtrise des protocoles d’hygiène, pourrait devenir un bon formateur pour les infirmiers des centres de santé. Il vient d’ailleurs d’obtenir une promotion et est devenu chef du centre. Comme chaque jour, son après-midi sera consacré au programme de santé communautaire. Il se rendra sur le terrain où différentes tâches l’attendent en fonction des besoins : programme destiné aux mères et aux enfants, vaccinations, prévention bucco-dentaire…

Depuis février 2011, on trouve du sel iodé et fluoré sur le marché de Vientiane. L’AOI a mis en place un programme de fluoration du sel. Nous nous rendons à l’usine de Khoh Saath, une des plus importantes du pays. En ce jour de début de carême bouddhique correspondant à la saison des pluies, les ouvriers commenceront par aller à la pagode apporter des offrandes avant de se rendre à leur travail. Ainsi, à cette heure matinale, « la machine se repose ». En attendant, nous sommes reçus par une partie du personnel qui, autour d’une tasse de café lao, nous présente courtoisement la longue chaîne de fabrication du sel. Les cristaux obtenus par évaporation au soleil dans les cristallisoirs sont ramassés avant de sécher naturellement. Puis une solution iodée et fluorée est ajoutée simultanément au sel lavé et purifié.

Sur le marché de Souanmonne, quand Manithong interroge les commerçantes vendant ces nouveaux paquets de sel fluoré, les avis sont partagés. Certaines consommatrices lui reprochent de mal se dissoudre ou lui trouvent un goût plus salé, modifiant ainsi la recette du fameux padek, ce poisson frais macéré longuement dans du sel et utilisé dans de nombreuses préparations comme les salades de papayes. Les clientes préfèrent parfois acheter la marque concurrente qui distribue des paquets de 500 g, plus pratiques. Au marché de Nonghan, il ne reste que deux sacs de 10 kg à cette épicière ; elle a vendu tout le reste, l’a elle-même testé et ne jure que par ce sel fluoré dont elle vante les qualités à ses clientes.

Il faudra continuer la campagne de promotion à la radio pour que les habitudes changent peu à peu, car ces petits spots d’une minute diffusés sur les ondes semblent avoir été entendus par des oreilles attentives !

(1) Au Laos, l’AOI appuie la faculté dentaire de Vientiane (réhabilitation et équipement des services, mise en place d’une stérilisation centrale, formations post-universitaires pour les enseignants, équipement en informatique…). Retrouvez toutes les interventions de l’AOI à travers le monde sur le site : www.aoi-fr.org