Le phénomène « low cost » - Clinic n° 04 du 01/04/2012
 

Clinic n° 04 du 01/04/2012

 

ENQUÊTE

Anne-Chantal de Divonne  

La presse a fait un large écho ces dernières semaines à l’ouverture de centres dentaires dits low cost en France. L’organisation de l’exercice en Allemagne est certes bien différente, mais des cabinets low cost s’y installent aussi depuis quelques années, avec plus ou moins de succès.

En France, l’ouverture de centres dentaires dits low cost dans le quartier Saint-Lazare à Paris et dans le 6e arrondissement de Lyon sous le nom de Dentexia a fait l’objet de nombreux articles dans différents médias depuis le début de l’année. Pour attirer les patients, ces structures mettent en avant « des prix près de trois fois inférieurs à ceux couramment constatés ». Sont ainsi mis en avant des forfaits de 970 € pour la pose d’un implant et de 390 € pour une couronne céramique. Le tout « sans céder à la qualité et au protocole de sécurité », est-il spécifié dans la plaquette de présentation. Ces centres créés et dirigés par Pascal Steichen sont ouverts quatre jours par semaine jusqu’à 18 h, à l’exclusion du mercredi et du samedi. La structure retenue par ce coach de cabinets dentaires pour chapeauter ces centres dentaires est une association loi 1901. C’est en effet la seule façon pour une personne qui n’est pas chirurgien-dentiste de disposer d’un ou de plusieurs cabinets dentaires. L’ensemble du personnel, y compris les chirurgiens-dentistes, est employé comme salarié de l’association. Celle-ci doit déclarer l’ouverture de chaque centre auprès de l’Agence régionale de santé (ARS) dont il dépend. À charge pour cette dernière de vérifier que le centre respecte les règles d’exercice de la profession en matière d’hygiène, de matériel utilisé, d’accessibilité, de protection des employés… L’ARS a ensuite la possibilité d’effectuer des contrôles.

Et la santé publique ?

Voilà quelques éléments de ces nouvelles structures. La réaction des responsables syndicaux et ordinaux est unanime. Ce type de centre « pose un problème de santé publique car ces cabinets ne sont ouverts ni le mercredi ni le samedi. Si tous les chirurgiens-dentistes s’organisent de cette façon, qui soignera les dents, effectuera les détartrages… ? », interroge Christian Couzinou, président de l’Ordre national, qui a d’ailleurs fait part de cette inquiétude au ministre de la Santé, Xavier Bertrand.

« Au-delà du semblant d’humanité que revêt l’annonce de tarifs divisés par deux, c’est le rejet de la mission de santé publique des chirurgiens-dentistes qui transparaît », constate le président de la CNSD, Roland L’Herron.

Un problème d’honoraires

Quant aux causes de l’ouverture de ce type d’établissement, tous les syndicats sont d’accord pour pointer l’insuffisance des honoraires des soins. À l’UJCD, Philippe Denoyelle critique la « course à la rentabilité » qui se cache derrière ce concept. « En se positionnant principalement sur l’implantologie, ces cabinets laissent de côté les actes de base, comme le détartrage ou le soin des caries, qui sont moins rémunérateurs mais qui représentent la majorité des besoins des Français ». Et Roland L’Herron explique que ces centres sont « la vitrine de l’effet pervers de la sous-évaluation des soins conservateurs. Des personnes mettent tout simplement en place des structures qui permettent de laisser les soins de côté. Le Gouvernement est responsable de cette situation. Nous ne pouvons que l’alerter ». Et Jean-François Chabenat à la FSDL ne dit pas autre chose lorsqu’il explique que le low cost est « révélateur du problème de la sous-évaluation des soins ».

L’ouverture d’autres centres est prévue au cours des prochains mois. 

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