Le secteur dentaire britannique se réforme - Clinic n° 05 du 01/05/2012
 

Clinic n° 05 du 01/05/2012

 

ENQUÊTE

Stéphanie Salti  

Le nouveau contrat dentaire introduit en 2006 est actuellement en refonte. Cette opération devrait permettre de replacer le patient au centre des attentions.

Depuis 2006, Ian Mills, responsable de la Torrington Dental Practice dans le nord du Devon, une région rurale du sud de l’Angleterre, ne s’occupe plus que de patients privés. Ce chirurgien-dentiste, qui avait pourtant exercé son activité au Service de la santé publique britannique, le NHS (National Health Service), pendant la plus grande partie de sa carrière, n’a pas supporté les effets d’une ultime réforme voulue par le gouvernement de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair. Outre-manche, le système de santé public est entre les mains de primary care trusts (PCT’s), des comités sanitaires locaux, qui tentent d’ajuster les besoins en matière de santé de la communauté locale aux praticiens locaux. « Si, à titre personnel, j’ai décidé de me consacrer à des patients privés, les chirurgiens-dentistes les plus juniors du cabinet continuent à traiter des patients dans le système public et nous continuons donc à travailler avec notre PCT local en bonne intelligence », explique ainsi Ian Mills. Pour ce chirurgien-dentiste, l’introduction d’un nouveau contrat dentaire à destination du secteur public, le General dental services contract, fondé sur l’instauration d’unités de performances, appelées UDA’s (units of dental activities), a marqué un véritable point de rupture. « Alors que par le passé, nous étions payés en fonction de l’acte médical réalisé, le système des UDA’s signifie que quel que soit le nombre de plombages réalisés, le nombre d’UDA’s comptabilisé par patient est le même », explique Ian Mills, Et pour compliquer encore le processus, ces mesures de performances sont assorties de clauses de récupération (clawback) annuelles : si le chirurgiendentiste ne parvient pas à fournir le nombre d’unités de performances demandées par son comité sanitaire local, il devra alors lui reverser une somme d’argent. « L’an dernier encore, mon cabinet a dû repayer pour l’exercice 2010-2011 quelque 15 000 livres parce que nous n’avions pas atteint nos cibles de performances et c’était déjà le cas l’année précédente. Mon cabinet avait pourtant été impliqué dans les tout premiers pilotes en 2004 », poursuit-il, « or, le contrat tel qu’il a été mis en œuvre différait considérablement des pilotes réalisés. Au bout de quelques mois sous ce nouveau système, je commençais à voir le patient comme une source d’UDA’s et j’ai réalisé que cela n’avait aucun sens », explique Ian Mills.

La réforme en question

Personne ne conteste pourtant l’intérêt d’une telle réforme : « Au fil des ans, les tarifs payés par le gouvernement aux chirurgiens-dentistes travaillant pour le système de santé public britannique, le NHS, ne tenaient plus compte de l’inflation et du coût de gestion d’un cabinet dentaire. Ce qui a contraint les chirurgiens-dentistes du NHS à travailler plus pour gagner moins », explique Susie Sanderson, présidente du conseil exécutif du BDA (British Dental Association, association qui représente les chirurgiens-dentistes outre-manche). « Par ailleurs, le système précédent était beaucoup trop compliqué à comprendre pour les patients car il comprenait quelque 400 actes différents », poursuit-elle. Six ans après la mise en place du système, le contrat est aujourd’hui sur la sellette : « Le contrat n’est pas parvenu à promouvoir l’approche de soins modernes et préventifs que les chirurgiens-dentistes voulaient donner à leurs patients. Les objectifs ont été placés au-dessus de la santé alors que la santé aurait dû constituer l’objectif. » Par suite d’un rapport parlementaire accablant, une analyse du secteur conduite par le professeur Steele a prôné la nécessité de réintroduire un contrat pour les praticiens fondé sur des éléments de capitation associés au niveau d’activité du chirurgien-dentiste. Il y est aussi question de réaffirmer la primauté de la prévention au détriment d’un système assis sur le nombre de traitements réalisés et sur des objectifs de résultats.

Tests

L’absence de tests à grande échelle avait également constitué l’un des points d’achoppement du premier contrat. Depuis juillet dernier, une soixantaine de cabinets dentaires en Angleterre et au Pays de Galles testent un nouveau mode de fonctionnement se fondant sur les recommandations du rapport Steele : « 700 cabinets dentaires ont demandé à faire partie de cette nouvelle phase de test » explique Ben Atkins, directeur du cabinet Revive Dental Care à Manchester. Le praticien évoque d’ores et déjà des améliorations qualitatives dans le processus de soins avec une durée de rendez-vous qui s’est allongée de 10 à 30 minutes. Mais il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions définitives.

NHS ET DENTAIRE PRIVÉ

→ « S’il y a peu de différence entre les types de soins prodigués d’un système à l’autre, les matériaux utilisés sont souvent de meilleure qualité dans le système privé », explique Ian Mills. Les patients privés peuvent obtenir un rendez-vous rapidement, ce qui n’est pas le cas des patients du NHS, contraints de subir de longues files d’attente. Les soins dans le système privé sont en revanche beaucoup plus onéreux, parfois le double voire le triple de ceux du NHS. Dans le système public, les soins sont gratuits pour les enfants et les femmes.

→ Chiffres-clés : 27 000 chirurgiens-dentistes travaillent en partie pour la NHS

3 500 uniquement pour le secteur privé

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