Facettes composites préformées Componeer : utilisation chez un enfant présentant une amélo­genèse imparfaite - Clinic n° 08 du 01/09/2012
 

Clinic n° 08 du 01/09/2012

 

ODONTOLOGIE PÉDIATRIQUE

Serena LOPEZ-CAZAUX*   Kylan BARONI**   Brigitte ALLIOT-LICHT***   Élisabeth ROY****   Sylvie DAJEAN-TRUTAUD*****  


*MCU-PH en odontologie pédiatrique
Faculté de chirurgie dentaire et CHU de Nantes
**Étudiant en 6e année de chirurgie dentaire à Nantes
***PU-PH en sciences biologiques
Faculté de chirurgie dentaire et CHU de Nantes
****MCU-PH en odontologie pédiatrique
Faculté de chirurgie dentaire et CHU de Nantes
*****MCU-PH en odontologie pédiatrique
Faculté de chirurgie dentaire et CHU de Nantes
1 place Alexis-Ricordeau
BP 84215 - 44042 Nantes cedex 1

Avec la mise au point des facettes composites préformées, le chirurgien-dentiste a à sa disposition une nouvelle option thérapeutique pour la restauration du secteur antérieur. Nous présentons le cas d’un patient de 11 ans, atteint d’une amélogenèse imparfaite préjudiciable d’un point de vue esthétique. Les étapes de la réalisation de facettes composites préformées sur l’ensemble des incisives maxillaires et mandibulaires sont détaillées.

L’amélogenèse imparfaite héréditaire est une anomalie de structure qui touche l’émail. Elle présente une grande diversité dans son expression clinique. Différentes formes sont décrites : hypoplasiques, hypomatures et hypominéralisées [1-3]. Les répercussions de cette pathologie sont multiples : esthétiques, fonctionnelles et psychologiques. La prise en charge des enfants atteints d’amélogenèse imparfaite doit être précoce. Pour la restauration des dents ­antérieures, différentes solutions thérapeutiques sont à notre disposition en fonction du cas clinique. Chez l’enfant, on utilise le plus souvent des restaurations composites, facilement réalisables et réadaptables [4-8]. Des facettes composites préformées ont récemment été mises au point. Elles constituent une nouvelle option thérapeutique.

Présentation du cas

Le patient est un garçon de 11 ans, suivi dans le Service d’odontologie conservatrice et pédiatrique du Centre de soins et de traitements dentaires du CHU de Nantes. Le motif de consultation est à la fois l’établissement d’un diagnostic et une prise en charge adaptée. L’interrogatoire révèle que l’enfant est en bonne santé générale et qu’il ne présente aucun antécédent médical. Aucun membre de sa famille ne présente une anomalie dentaire. Les examens cliniques et radiologiques montrent qu’il présente une amélogenèse imparfaite, de type hypoplasique géné­ralisé (type IG selon la classification de Witkop) [1-3]. Les dents ont une teinte jaune ; l’émail est très fin, voire inexistant (fig. 1). Le patient présente un mauvais contrôle de plaque et une inflammation gingivale récurrente, liés à l’état de surface de ces dents. Il présente une classe II squelettique et d’Angle ainsi qu’une endoalvéolie maxillaire, une béance antérieure et latérale et un surplomb augmenté. La problématique est à la fois esthétique et fonctionnelle. Un traitement global est nécessaire. Dans cet article, nous aborderons uniquement la restauration du secteur antérieur.

Protocole de réalisation de la restauration antérieure

La restauration antérieure s’est faite en deux séances (une par arcade). Des facettes composites préformées Componeer (Coltène Whaledent) (fig. 2) ont été utilisées en suivant le protocole préconisé par le fabricant.

La restauration des incisives maxillaires a été réalisée en suivant différentes étapes :

• pour le choix des facettes, les gabarits proposés sont utilisés (fig. 3). Leur positionnement sur les dents à restaurer permet de sélectionner la facette qui est la plus adaptée, parmi les trois tailles dont on dispose. Dans le cas présent, la taille medium et la teinte enamel white opalescent sont choisies ;

• une fois sélectionnées, les facettes sont essayées en bouche et adaptées à la situation clinique. Des retouches sont possibles à l’aide d’un disque monté sur contre-angle (fig. 4) ou d’une fraise diamantée sur turbine ;

• les facettes sont ensuite positionnées en bouche à l’aide d’un petit plot de composite non photopoly­mérisé servant de moyen de rétention. Cela permet de valider la situation (rendu esthétique et parallélisme avec la ligne bipupillaire) (fig. 5 et 6) ;

• un fil rétracteur est inséré dans le sulcus des dents à restaurer afin de dégager le rebord cervical et d’avoir un meilleur accès aux limites de la restauration ;

• le protocole classique de collage est réalisé :

– etching à l’acide orthophosphorique des surfaces dentaires (fig. 7) puis rinçage et séchage,

– mise en place de l’adhésif One Coat Bond, fourni par le fabricant (fig. 8), en couche fine étalée à l’aide d’un pinceau, puis léger séchage,

– photopolymérisation (fig. 9),

– application d’une couche fine d’adhésif également sur l’intrados des facettes sans photopolymérisation (fig. 10) ;

• une couche de composite, Synergy D6 teinte dentine A2/B2, est ensuite appliquée sur la face vestibulaire de 11 et 21 (fig. 11) et dans l’intrados des facettes. Celles-ci sont ensuite positionnées à l’aide de l’instrument fourni par le fabriquant en exerçant une légère pression (fig. 12). Les excès de composite sont retirés ;

• le bon positionnement de la facette est contrôlé : rebord cervical, axe de la facette, parallélisme par rapport à la ligne bipupillaire (fig. 13) ;

• les facettes sont ensuite photopolymérisées en commençant, de manière indirecte, par la face palatine, puis en vestibulaire (fig. 14). La présence de diastèmes entre 11 et 21 dispense du positionnement d’une matrice en celluloïd entre les incisives lors de cette étape ;

• le même protocole est réalisé pour la restauration de 12 et 22 (fig. 15 et 16). Des bandes de matrice en celluloïd sont positionnées entre 12/11 et 22/21, puis la photopolymérisation est réalisée (fig. 17) ;

• une finition et un polissage soigneux sont réalisés à l’aide de fraises diamantées, de faible granulométrie, montées sur turbine, de strips abrasifs et de disques montés sur un mandrin et utilisés avec un contre-angle (fig. 18).

La restauration des incisives mandibulaires est effectuée lors d’une seconde séance en suivant le même protocole (fig. 19 à 21).

Le résultat esthétique à la fin de cette séance (fig. 21) et au bout de 1 semaine est satisfaisant (fig. 22 et 23).

Discussion

Dans ce cas clinique, la restauration du secteur antérieur s’inscrit dans une prise en charge globale et pluridisciplinaire. À son arrivée, le patient présente un déficit esthétique évident mais également une problématique fonctionnelle majeure qui nécessite une prise en charge orthodontique. Même s’il va très rapidement être appareillé, il nous semble important de restaurer l’esthétique antérieure avant le début du traitement orthodontique. En effet, le patient entre dans l’adolescence et le préjudice esthétique commence à avoir des répercussions psychologiques. L’utilisation de facettes composites a déjà été décrite chez l’adulte [9]. Il est décidé de restaurer les incisives maxillaires et mandibulaires de ce patient en utilisant des facettes composites préformées Componeer (Coltène Whaledent).

Pour restaurer les dents antérieures de ce jeune patient, il a fallu faire certains compromis indépendants de la technique choisie mais liés à la situation clinique. La mise en place d’un champ opératoire (digue) est préconisée dans toute restauration au composite. Cependant, dans le cas présent, les dents sont de dépouille et ont une faible hauteur occlusale. Les molaires temporaires supérieures sont mobiles et les canines permanentes mandibulaires n’ont pas encore fait leur éruption. Le travail a donc été effectué à quatre mains en positionnant un écarteur, des cotons salivaires et une aspiration efficace.

La deuxième particularité de ce cas est la teinte initiale, très jaune, des dents à restaurer. Afin d’obtenir un résultat esthétique satisfaisant, des facettes de teinte enamel white opalescent ont été utilisées. Pour leur collage , du composite Synergy D6 teinte dentine A2/B2 a été employé. Il sert en quelque sorte d’« opaqueur ». Cela permet d’obtenir un ­aspect final satisfaisant au niveau de la teinte.

Le troisième élément à considérer est la maturation parodontale qui est inachevée sur l’ensemble des dents mais surtout au niveau des incisives mandibulaires. En effet, après la fin de l’éruption dentaire parallèlement à la croissance alvéolo-dentaire, on observe des mouvements dentaires postéruptifs avec une migration apicale du parodonte cervical [10]. Le traitement orthodontique aura également une incidence sur le positionnement des tissus mous. Il a quand même été décidé de restaurer l’ensemble des incisives à l’aide des facettes composites préformées afin d’avoir un rendu esthétique homogène. Dans un second temps, une adjonction de composite en cervical sera toujours possible, si nécessaire, au cours ou après le traitement orthodontique, avant d’envisager la réfection des facettes.

L’utilisation de facettes composites préformées présente plusieurs avantages : il est possible de restaurer plusieurs dents par séance. Le résultat est homogène en ce qui concerne la taille, la forme et la teinte des dents. L’état de surface est également supérieur à celui obtenu avec une restauration composite en technique directe.

La mise en place de facettes composites préformées nécessite la réalisation d’une préparation amélaire le plus souvent sous anesthésie locale. Dans le cas présenté ici, il n’a pas été nécessaire de réaliser une anesthésie ni une préparation initiale à la fraise des surfaces dentaires. L’émail, pratiquement inexistant, et la présence de diastèmes ont permis de positionner les facettes. Les axes dentaires n’ont pas été modifiés car le traitement orthodontique permettra de les rectifier.

La mise en place des facettes a également permis une amélioration du contrôle de plaque et une diminution de la gingivite, observable dès la seconde séance de soins.

Conclusion

L’utilisation de facettes composites préformées pour la restauration des dents antérieures d’enfants et d’adolescents présentant des anomalies de structure (notamment une amélogenèse imparfaite) semble une option thérapeutique intéressante. Le coût de cette technique de restauration du secteur antérieur est à considérer car il est plus élevé que des techniques plus conventionnelles (restauration au composite en technique directe par exemple). La mise en œuvre est simple mais nécessite une bonne coopération du patient. Le résultat esthétique à court terme est très satisfaisant ; celui à long terme reste encore à évaluer.

Les facettes composites préformées constituent donc une bonne solution transitoire en attendant la fin de la croissance de nos patients.

Bibliographie

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  • [9] Brignall I, Mehta SB, Banerji S, Millar BJ. Aesthetic composite veneers for an adult patient with amelogenesis imperfecta: a case report. Dent Update 2011;38:594-596.
  • [10] Ten Cate AR and Nanci A. Physiologic tooth movement: eruption and shedding. Chapter 10 in Ten Cate’s Oral histology. Development, Structure, and function. Mosby, Sixth Edition.