Disparition programmée des ordres : la fin de notre indépendance ? - Clinic n° 12 du 01/12/2012
 

Clinic n° 12 du 01/12/2012

 

DE BOUCHE À OREILLE

Frédéric BESSE  

Notre ministre de tutelle, Marisol Touraine, a récemment fait part de son intention de déposer un projet de loi afin de « libérer » les professionnels libéraux de l’obligation d’adhérer à un ordre. Bien sûr, la rhétorique habituelle concernant les ordres, leur origine vichyste, les soupçons de collusion, le rappel d’affaires minimisées, voire étouffées, ne sont là que pour mieux faire passer l’idée. Lorsque l’on veut tuer son chien on prétend qu’il a la...


Notre ministre de tutelle, Marisol Touraine, a récemment fait part de son intention de déposer un projet de loi afin de « libérer » les professionnels libéraux de l’obligation d’adhérer à un ordre. Bien sûr, la rhétorique habituelle concernant les ordres, leur origine vichyste, les soupçons de collusion, le rappel d’affaires minimisées, voire étouffées, ne sont là que pour mieux faire passer l’idée. Lorsque l’on veut tuer son chien on prétend qu’il a la rage !

Rappelons que par définition, les professions libérales sont encadrées et administrées par un ordre : toutes les professions médicales et paramédicales, les architectes, les avocats, etc.

Or, par défaut de communication, par négligence, par sentiment de sécurité, ces différents ordres ne font pas connaître leurs fonctions et leur travail. De ce fait, il est probable que l’immense majorité des professionnels libéraux ne continueront pas à payer une cotisation qu’ils jugent au mieux inutile, au pire injuste et abusive.

C’est exactement ce que souhaite le gouvernement, qui ne veut pas ouvrir un énième front de révolte dans le pays. En effet, par manque de moyens, les ordres ne tarderaient pas à s’étioler et à disparaître. C’est une technique de manipulation habile digne de staliniens dogmatiques ulcérés par la seule idée de liberté.

Or, il est impensable que des professions aussi importantes pour la vie d’une société se maintiennent sans aucun contrôle. Imagine-t-on, en ce qui concerne notre profession, les relations entre praticiens, les relations entre patients et praticiens, le contrôle de la conformité de nos installations laissés au seul libre arbitre des praticiens, avec en recours ultime une justice débordée, d’une lenteur chronique et inacceptable ?

De fait, l’État aurait tôt fait de remplacer nos ordres par son administration. En l’occurrence, les Agences régionales de santé pour l’ensemble des professions de santé. Lorsque l’on connaît ces entités, leur incapacité à seulement s’organiser et se mettre en place, la stupidité de leurs suggestions, le gaspillage délirant de leur structure, on ne peut être qu’effrayé par l’idée d’être un jour dirigé, contrôlé, sanctionné et réparti par ces fonctionnaires carriéristes et le plus souvent étrangers à la médecine.

Ne nous y trompons pas : le but ultime de cette proposition, c’est la mainmise de l’État et, à travers lui, des gouvernements (car il est à craindre qu’une fois la mesure aboutie, tout le monde trouve cela confortable) sur des professions jugées beaucoup trop indépendantes.

Quel bénéfice l’État ou la population retirerait de ce changement ? Aucun, si ce n’est une lourdeur administrative de plus. Et la jubilation d’une partie de la population et de la classe politique, issue du salariat et de l’Administration, de pouvoir enfin maîtriser des catégories professionnelles à leurs yeux trop libres et trop indépendantes.

Voilà pourquoi, quels que soient leurs défauts et leur coût, il faut protéger nos ordres car leur chute serait la première étape de notre étatisation.