Facettes composites Componeer™ et amélogenèse imparfaite - Clinic n° 05 du 01/05/2015
 

Clinic n° 05 du 01/05/2015

 

ODONTOLOGIE PÉDIATRIQUE

Annie BERTHET*   Louis-Frédéric JACQUELIN**  


*MCU-PH en odontologie pédiatrique
**Faculté d’odontologie
Université de Reims Champagne-Ardenne
2, rue du Général-Koenig
51100 Reims
***Pôle odontologie
CHU de Reims
45, rue Cognacq-Jay
51100 Reims
****PU-PH en odontologie pédiatrique
*****Faculté d’odontologie
Université de Reims Champagne-Ardenne
2, rue du Général-Koenig
51100 Reims
******Pôle odontologie
CHU de Reims
45, rue Cognacq-Jay
51100 Reims

L’amélogenèse imparfaite s’exprime par une anomalie grave de la structure de l’émail et porte préjudice au « sourire » du jeune patient. Les facettes composites Componeer™ (Coltène/Whaledent®) sont une solution thérapeutique simple, peu invasive et au rendu esthétique très satisfaisant.

La mise sur le marché des facettes esthétiques pelliculaires Componeer™ (Coltène/Whaledent®) ouvre une nouvelle voie pour le traitement des anomalies de structure. Chez un patient jeune, selon le degré de gravité de la lésion tissulaire, la restauration des incisives permanentes est souvent complexe, tout particulièrement dans le cadre de l’amélogenèse imparfaite.

L’amélogenèse imparfaite est une pathologie héréditaire qui se manifeste principalement par une anomalie de structure de l’émail. Elle touche, selon les études, de 1/700 à 1/14 000 personnes. L’ensemble des dents temporaires et permanentes peut être atteint [1]. L’amélogenèse imparfaite présente une large variation d’expressions cliniques. Dans le type « hypoplasique », l’émail peut être présent mais en quantité réduite. Le type « hypomature » correspond à un émail d’une dureté et d’une épaisseur normales, avec présence de zones blanches hypominéralisées. Le type « hypocalcifié » correspond à un émail tendre et fragile. Sans traitement, cet émail s’effrite et disparaît rapidement [2].

Le préjudice esthétique porte atteinte à la vie sociale du grand enfant et de l’adolescent. La demande de ces patients est, avant tout, de pouvoir « sourire » comme les autres [3]. Les facettes préformées Componeer™ permettent de protéger le tissu dysplasié et de restaurer la face vestibulaire de manière esthétique [4].

Présentation du cas

Romane B., âgée de 12 ans, est reçue à la consultation d’odontologie pédiatrique du Pôle odontologie du CHU de Reims. Elle présente une amélogenèse imparfaite de type hypoplasique/hypocalcifié, tout comme son père, sa sœur et son frère. L’interrogatoire ne révèle aucun antécédent médico-chirurgical. La jeune patiente exprime une forte demande esthétique. L’entrée au collège s’est accompagnée de difficultés scolaires et d’un manque de confiance en soi.

L’examen endobuccal met en évidence un risque carieux élevé, caractérisé par la présence de plaque et de tartre en quantité associée à une gingivite. De nombreuses restaurations sont observées. Les dents présentent une teinte jaunâtre, avec un état de surface irrégulier. L’émail est pratiquement inexistant. Les restaurations composites du secteur antérieur ne sont pas satisfaisantes : les limites sont infiltrées et leur forme est disgracieuse (fig. 1).

La patiente est en phase d’établissement de la denture adulte jeune. L’examen des arcades montre des malpositions, une endognathie maxillaire associée à une infraclusion des secteurs latéraux et une classe I d’Angle. Il persiste une déglutition de type primaire. L’examen radiologique ne révèle pas d’anomalie de nombre.

La prise en charge est pluridisciplinaire. L’objectif est à la fois esthétique et fonctionnel.

Restauration esthétique du secteur antérieur

Il est proposé à Romane la restauration de ses incisives maxillaires par collage de facettes préformées Componeer™. Ces coquilles préfabriquées sont en composite nanohybride de haute densité. Leur surface est brillante et d’aspect naturel. Elles ont une épaisseur minimale de 0,3 mm, ce qui évite une préparation invasive de la surface dentaire. Elles existent pour les incisives aussi bien maxillaires que mandibulaires. Le kit Componeer™ contient les différentes catégories de facettes, l’instrumentation spécifique (fig. 2) et les matériaux de collage.

Le protocole est le suivant :

Dépose des anciennes restaurations

Le composite présent sur la surface vestibulaire, est altéré. Il est éliminé afin d’obtenir une étanchéité et d’éviter une surépaisseur (fig. 3).

Choix des facettes

Les gabarits Componeer™ permettent de choisir la forme et la taille. Il suffit de positionner le gabarit sur la dent concernée, sa transparence bleutée facilite la sélection. Quatre tailles de facettes (S, M, L et XL) sont disponibles. Pour chaque taille, il existe 6 formes différentes. Le choix est dicté par le diamètre mésio-distal de la dent (fig. 4).

Le nuancier composite Synergy® D6 est composé de 2 secteurs :

• le premier secteur permet de choisir la teinte « émail » des facettes. Celles-ci sont proposées sous trois masques de couleur qui correspondent à une opacité plus ou moins dense : universal, white opalescent et, depuis peu, bleach opaque. Ces gradients de translucidité permettent un choix judicieux en fonction de la densité de la dyscoloration initiale ;

• le second secteur sert de guide de choix de la teinte « dentine » (composite Synergy® D6 dentin). Il est possible d’emboîter l’échantillon dentine dans la coque émail du teintier. L’association des deux donne un bon aperçu de la teinte finale (fig. 5).

Ajustage des facettes

Chaque facette sélectionnée est maintenue à l’aide de la pince Componeer™ « Holder » dotée d’embouts noirs antidérapants pour éviter le glissement car elle ne peut être travaillée direc?tement en main. Un meulage par petites touches à l’aide du disque bague « noire » SwissFlex™ Diatech permet d’ajuster au plus près le bord cervical de la coque. Pour la finition, le disque bague « bleue » de granulométrie plus fine est utilisé (fig. 6).

Collage des facettes

Un cordonnet est alors positionné sur le pourtour du collet de chaque dent pour bien visualiser les limites de la préparation.

Le mordançage à l’aide d’acide orthophosphorique (Etchant Gel S) est effectué pendant 15 secondes. La dent est rincée puis séchée modérément.

La structure interne micro-rétentive de la facette renforce le pouvoir d’adhésion (fig. 7).

L’adhésif One Coat Bond, monocomposant photopolymérisable dont la mouillabilité facilite la mise en place, est appliqué à la fois sur la préparation et sur l’intrados de la facette maintenue par la précelle « Holder ».

Un séchage doux est réalisé. Seul l’adhésif de la préparation est photopolymérisé.

Le composite Synergy® D6 (teinte dentin A3/D3 pour Romane) est appliqué sur la préparation avec l’instrument de modelage MB5 « Modelling instrument » et sur l’intrados de la facette. Cette facette est ensuite positionnée délicatement sur la dent à l’aide de l’auxiliaire de positionnement à bout mousse « Placer ». Le composite en excès est éliminé avant la polymérisation avec l’extrémité fine et affûtée de l’instrument de modelage MB5 (fig. 8).

Finition et polissage

À l’aide d’une fraise diamantée de faible granulométrie, le joint composite cervical est poli. Les limites mésiale et distale des facettes sont polies avec des disques de finition SwissFlex™ Diatech de granulométrie décroissante (fig. 6).

Pour préserver le caractère esthétique, le bord occlusal de la facette ne doit pas être retouché. Le contrôle réalisé au bout de 7 jours ne montre aucune inflammation gingivale (fig. 9).

Restauration fonctionnelle du secteur postérieur

Des coiffes pédodontiques sont ajustées sur les premières molaires permanentes pour protéger le complexe dentino-pulpaire et pour maintenir la dimension verticale d’occlusion [1]. Dans un second temps, un disjoncteur semi-rapide est mis en place pour réduire l’insuffisance transversale maxillaire [2].

Discussion

Les facettes composites préformées Componeer™ au niveau du secteur antérieur sont décrites dans la littérature médicale comme une solution transitoire [4]. Cependant, cette technique semble plus pérenne que les restaurations directes par composite qui nécessitent de multiples réinterventions [5]. Elle a l’avantage de pouvoir être réalisée dès la fin de la maturation radiculaire. Elle constitue une excellente alternative par rapport aux facettes classiques réalisées en laboratoire, en raison de sa mise en œuvre directe et d’une préparation moins invasive. De plus, elle a un coût raisonnable. Le rendu esthétique est supérieur à celui obtenu avec un composite. La brillance naturelle de la surface et l’aspect lisse ajoutent un atout incontestable (fig. 10).

Le champ opératoire, recommandé lors du collage, n’a pas pu être posé. L’infraclusion des prémolaires et des molaires maxillaires, associée à la persistance des canines temporaires, ont empêché la pose de crampons et la mise en place de systèmes de maintien du type Wedjet™. Le travail « à quatre mains » ainsi qu’une très bonne coopération de la patiente ont permis de réaliser le collage des facettes dans de bonnes conditions.

Il a été montré que les altérations de l’émail sont susceptibles d’influencer l’adhésion des restaurations collées. Un état de surface crayeux et opaque après mordançage assure une adhésion adéquate [6]. Un prétraitement à l’hypochlorite de sodium à 5 % permet d’améliorer l’adhésion sur les amélogenèses du type hypocalcifié et hypomature [7, 8].

La face palatine des dents restaurées par ces facettes n’est pas recouverte. L’émail hypoplasique et hypomature est exposé au niveau du site palatin. Un certain degré de sensibilité peut persister pour cette raison. La difficulté d’accès lors du brossage induit une accumulation de plaque sur cette surface irrégulière.

La mise en place de ces facettes avant le traitement orthodontique a été justifiée par la demande esthétique. Des facettes sur les incisives mandibulaires vont être collées dans un second temps.

Conclusion

Le suivi est indispensable pour rappeler au ?patient la nécessité d’un brossage régulier et efficace. Les facettes Componeer™ sont une solution thérapeutique facile à mettre en œuvre. Elles répondent au besoin esthétique pour ces cas d’anomalie de structure. Elles rendent le « sourire » aux jeunes patients soucieux de leur image vis-à-vis de leur entourage (fig. 11).

  • [1] Crawford PJ, Aldred M, Bloch-Zupan A. Amelogenesis imperfecta. Orphanet J Rare Dis 2007; 1:17.
  • [2] Aldred MJ, Savarirayan R, Crawford PJM. Amelogenesis imperfecta: a classification and catalogue for the 21st century. Oral Dis 2003;9:19-23.
  • [3] Beslot A, Villette F. Prise en charge précoce de l’amélogenèse imparfaite. Inf Dent 2010;4:11-19.
  • [4] Lopez-Cazaux S, Baroni K, Alliot-lich B, Roy E. Facettes composites préformées Componeer™ : utilisation chez un enfant présentant une amélogenèse imparfaite. Clinic 2012;33:397-403.
  • [5] Chen CF, Hu JCC, Estrella MRP, Peters MC, Bresciani E. Assessment of restorative treatment of patients with amelogenesis imperfecta. Pediatr Dent 2013;35:337-342.
  • [6] Schmidlin PR. Structure et composition de l’émail de l’amélogenèse imparfaite. Rev Mens Suisse Odontostomatol 2005; 115:1047-1051.
  • [7] Saroglu I, Aras S, Oztas D. Effect of deproteinization on composite bond strength in hypocalcified amelogenesis imperfecta. Oral Dis 2006;12:305-308.
  • [8] Oliveira IKCS, Fonseca J de FB, do Amaral FLB, Pecorari VGA, Basting RT, França FMG. Diagnosis and esthetic functional rehabilitation of a patient with amelogenesis imperfecta. Quintessence Int 1985 2011;42:463-469.