Privatisation de la médecine : arriverons-nous à nous adapter ? - Clinic n° 05 du 01/05/2015
 

Clinic n° 05 du 01/05/2015

 

DE BOUCHE À OREILLE

Frédéric BESSE  

frbesse@hotmail.fr

La guerre qui nous oppose aux pouvoirs publics et à leurs alliés mutualistes sera longue et dévastatrice. Peu à peu se met en place un processus qui, s’il était effectué au grand jour et appelé par son nom, susciterait une révolution : la privatisation d’une partie de la médecine, dont la dentisterie. Les pouvoirs exorbitants concédés aux mutuelles par la loi Leroux, le renforcement des réseaux de soins, la mise en place de la CCAM, le tiers payant généralisé, qui sera une...


La guerre qui nous oppose aux pouvoirs publics et à leurs alliés mutualistes sera longue et dévastatrice. Peu à peu se met en place un processus qui, s’il était effectué au grand jour et appelé par son nom, susciterait une révolution : la privatisation d’une partie de la médecine, dont la dentisterie. Les pouvoirs exorbitants concédés aux mutuelles par la loi Leroux, le renforcement des réseaux de soins, la mise en place de la CCAM, le tiers payant généralisé, qui sera une catastrophe administrative pour nous, les multiples normes, règlements, procédures vexatoires et inutiles n’ont d’autre but que de transférer aux assureurs privés des professions de santé laminées et prêtes à tout accepter.

Nos adversaires sont puissants, décidés et disposent de trois atouts : leur force de frappe financière, leur savoir-faire en communication et l’appui d’un gouvernement qui fait peu de cas de l’entreprise et des libéraux. Une bataille de cette guerre se déroule sous nos yeux : Santéclair a porté plainte contre la Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL) parce que cette dernière recommande de ne pas mettre le doigt dans un engrenage dévastateur. Quelle sera l’attitude du Gouvernement : va-t-il de nouveau faire appel à une de ses polices politiques pour enfoncer le clou ?

Santéclair se remettra de cette égratignure et, en l’absence d’un changement radical de politique en 2017, nos professions seront, dans un avenir pas si lointain (2020 ?, 2022 ?), passées d’un assureur plutôt débonnaire et laxiste (trop ?), la CPAM, à des financiers sans autre foi ni loi que leurs courbes de résultats et de bénéfices.

Avec pour conséquence un « encadrement » rigide de nos tarifs.

Nous n’aurons alors d’autre choix que de nous déconventionner ou de nous adapter. « Heureusement », il y a des pistes de réflexion :

• honoraires réduits signifient réduction de nos frais de fonctionnement :

– fini les produits de qualité, place aux imitations,

– fini les prothésistes de proximité, les petites mains dans des laboratoires à l’autre bout de la planète fourniront des « prothèses » à des tarifs imbattables,

– fini les assistantes dentaires individuelles, deux ou trois praticiens se partageront la même et investiront dans des chaînes de stérilisation automatisées, des robots nettoyeurs et des secrétaires externalisées pour répondre au téléphone ;

• le tiers payant sera géré par des organismes indépendants, comme cela est déjà le cas pour les infirmiers et les opticiens ;

• enfin, en travaillant sur des fauteuils chinois dans des locaux minuscules et partagés, en accélérant les protocoles de soins pour faire des gains de productivité (pas plus de 20 minutes pour une endo-molaire, au-delà on extraira !), en négligeant tous les soins trop longs, nous arriverons à continuer à vivre de notre travail. Mais guère plus. De quoi inciter nos jeunes confrères à s’installer ailleurs et à les remplacer par des praticiens dont on ne connaît pas le contenu du diplôme.

Se met en place un processus qui, s’il était appelé par son nom, susciterait une révolution : la privatisation d’une partie de la médecine