Quelques points à retenir du texte voté à l’Assemblée nationale - Clinic n° 05 du 01/05/2015
 

Clinic n° 05 du 01/05/2015

 

PROJET DE LOI DE SANTÉ

ACTU

ANNE-CHANTAL DE DIVONNE  

Les débats sur le projet de loi de « modernisation de notre système de santé » entamés en séance plénière à l’Assemblée nationale le 31 mars se sont achevés le 10 avril. Le texte commencera dans les prochains mois la seconde étape de son parcours parlementaire au Sénat. Voici une sélection non exhaustive de quelques articles intéressant de près ou de loin la chirurgie dentaire.

Le tiers payant généralisé

Mesure phare du projet de loi qui a cristallisé l’opposition des professions de santé, la généralisation du tiers payant (article 18) à la fin de 2017 a été adoptée dans un Hémicycle clairsemé. Pendant les débats, les parlementaires de l’opposition ont relayé les inquiétudes exprimées lors de la manifestation du 15 mars. Mais Marisol Touraine, qui avait l’appui du Premier ministre, est restée sur sa position tout au long des débats, affirmant que « dans 10 ans, on ne parlera plus du tiers payant » parce qu’il sera « devenu une banalité » et que beaucoup de réticences viennent de « l’inquiétude quant à la mise en œuvre technique et concrète du système ».

Le texte prévoit une avancée par étapes. Le tiers payant sera effectif pour les bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé (ACS) dès le 1er juillet 2015, à partir de 2016 pour les patients en affection longue durée (ALD) et à compter de 2017 pour tous les Français. Les modalités de mise en œuvre seront élaborées « conjointement » par les assurances maladie obligatoire et complémentaires. Elles devront permettre d’« assurer aux professionnels de santé la simplicité d’utilisation, la lisibilité des droits et la garantie du paiement ». Un rapport transmis au plus tard le 31 octobre 2015 à la ministre de la Santé doit présenter les solutions techniques. Il devra inclure une évaluation de la « faisabilité technique et financière de chaque solution ». Un comité de pilotage composé de représentants des organismes complémentaires et de professionnels de santé aura pour tâche d’assister l’Assurance maladie dans sa « mission générale de pilotage du déploiement et de l’application du tiers payant ».

Ordre et refus de soins

Le projet de loi confie aux ordres professionnels (article 19) le soin d’évaluer « l’importance et la nature des pratiques de refus de soin par les moyens qu’ils jugent appropriés ». Ainsi la notion de « test » contenue dans le texte initial du projet de loi disparaît. Un bilan annuel des travaux des ordres sera adressé au ministre de la Santé et au défenseur des droits. Les associations de patients agréées participeront aux travaux.

ACS et prothèses dentaires

Les députés ont voté l’encadrement des prix des prothèses auditives, des lunettes et des prothèses dentaires (article 20) pour les personnes bénéficiaires de l’aide à la complémentaire de santé, comme c’est déjà le cas pour les patients bénéficiaires de la CMU. Le dispositif prévoit que les partenaires conventionnels se voient confier le pouvoir de fixer les tarifs maximums applicables aux bénéficiaires de l’ACS pour les biens concernés ; à ce titre, les négociations pourraient aboutir à fixer des tarifs distincts, pour les bénéficiaires de l’ACS, de ceux applicables aux bénéficiaires de la CMU-C.

Les députés ont aussi adopté un amendement de Sandrine Mazetier (PS, Aveyron) concernant l’information sur l’origine des prothèses. Ainsi, les devis pour les soins orthodontiques et prothétiques vont devoir mentionner le pays de fabrication des dispositifs médicaux et le pays d’activité du prothésiste. Cette information a paru utile aux députés pour valoriser le « made in France » ainsi que la proximité entre le praticien et le prothésiste, « gage pour la qualité des soins ».

Assistants dentaires : des professionnels de santé

Les députés ont confirmé un amendement adopté lors de l’examen à la commission des Affaires sociales qui reconnaît les assistants dentaires comme des professionnels de santé (article 30 ter). Le métier d’assistant dentaire a été ajouté au Code de la santé à la suite de celui d’ambulancier. Le texte précise que « la profession d’assistant dentaire consiste a assister le chirurgien-dentiste ou le médecin exerçant dans le champ de la chirurgie dentaire dans son activité professionnelle, sous sa responsabilité et son contrôle effectif ». Dans ce cadre, il contribue aux « activités de prévention et d’éducation pour la santé dans le domaine bucco-dentaire ». Il est soumis au secret professionnel.

Les modalités de la formation sont fixées par arrêté du ministère de la Santé après avis d’une commission comprenant des représentants de l’État, des partenaires sociaux, des chirurgiens-dentistes et des assistants dentaires. Diverses dispositions établissent les conditions d’exercice du métier sur le territoire.

Évaluation de l’état dentaire lors d’une incarcération

À titre expérimental et jusqu’au 1er janvier 2018, dans des conditions fixées par arrêté ministériel, « l’État peut autoriser une évaluation de l’état dentaire de la personne détenue au début de son incarcération dans un nombre limité d’établissements pénitentiaires ». La loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale a intégré les personnes détenues dans le droit commun, avec l’affiliation au régime général d’assurance maladie et l’accès aux soins. Elle avait permis la création des unités de consultation et de soins ambulatoires (UCSA). Mais le mauvais état de la denture de plus d’un entrant sur deux en détention est un véritable enjeu de santé et un marqueur social qui a fait l’objet d’une recommandation du contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport de 2012. Il y rappelle les instructions sur ce sujet du ministère de la Santé d’août 2011, en s’appuyant sur une étude de la Direction générale de la santé qui révèle que cet examen n’est réalisé qu’une fois sur deux à l’arrivée du détenu.

Nouvelle réforme du DPC

Les députés ont voté pour un développement professionnel continu (DPC) dont l’objectif est « le maintien et l’actualisation des connaissances et des compétences ainsi que l’améliorations des pratiques ». L’obligation de DPC pour tous les professionnels de santé ne sera plus annuelle mais triennale. Chaque professionnel va devoir justifier, pour une période de 3 ans, de son engagement dans une démarche de DPC comportant des actions de formation continue, d’analyse, d’évaluation et d’amélioration de ses pratiques et de gestion des risques. L’engagement dans une démarche d’accréditation vaut engagement dans une démarche de DPC. Le texte prévoit aussi que la profession assure la gestion scientifique et pédagogique du DPC via les conseils nationaux professionnels de spécialité. Il réaffirme le rôle d’expertise pédagogique des universités dans la dimension scientifique du DPC.

Réforme du DMP

Le DMP ne sera désormais plus le dossier médical « personnel » mais « partagé » et son pilotage sera assuré par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

Diverses mesures de prévention

On le sait, au grand dam de toute la profession, la prévention dans le domaine bucco-dentaire est totalement absente du projet de loi. D’autres articles de la loi visent à changer les habitudes néfastes pour la santé générale des patients, habitudes qui ont, de près ou de loin, un impact sur la santé bucco-dentaire :

• dans le cadre de la lutte contre le tabagisme, un amendement interdisant de fumer en voiture en présence d’une personne de moins de 18 ans a été adopté. Cette mesure est plus contraignante que celle d’origine qui fixait l’interdiction de fumer dans les voitures transportant des mineurs de moins de 12 ans. L’interdiction de la vente du tabac aux mineurs a été renforcée par diverses mesures parmi lesquelles l’obligation pour le buraliste d’exiger du client qu’il établisse la preuve de sa majorité, l’interdiction à la vente des « cigarettes à capsules » ainsi que celle de l’installation d’un débit de tabac à proximité d’un établissement scolaire. Enfin, les paquets de cigarettes neutres et sans logo ont été instaurés ;

• pour lutter contre le phénomène de l’anorexie, il a été créé un délit d’incitation à la maigreur excessive qui vise notamment les sites Internet pro-anorexie. L’exercice d’une activité de mannequin sera interdite à toute personne dont l’indice de masse corporelle (IMC) sera inférieur à des niveaux définis sur proposition de la Haute Autorité de santé. Enfin, la mention « photographie retouchée » devra obligatoirement figurer sur les photos à usage commercial de mannequins dont l’apparence aura été modifiée par logiciel ;

• la mise à disposition en libre-service (payant ou non) de fontaines à sodas est prohibée.