Traitement des taches de l’émail par l’érosion-infiltration - Clinic n° 05 du 01/05/2015
 

Clinic n° 05 du 01/05/2015

 

DENTISTERIE RESTAURATRICE

Thomas TARRIDAS*   Gabriel DOMINICI**   Elsa BRUGEAUD***   Bruno PELISSIER****  


*UFR d’Odontologie
545, avenue du Professeur-Jean-Louis-Viala
34193 Montpellier cedex 5
**UFR d’Odontologie
545, avenue du Professeur-Jean-Louis-Viala
34193 Montpellier cedex 5
***UFR d’Odontologie
545, avenue du Professeur-Jean-Louis-Viala
34193 Montpellier cedex 5
****UFR d’Odontologie
545, avenue du Professeur-Jean-Louis-Viala
34193 Montpellier cedex 5

Le sourire est devenu un élément clé dans nos relations sociales et la présence de taches peut être vécue comme un obstacle. En effet, les taches blanches antérieures posent un réel problème esthétique. On distinguera les atteintes pré-éruptives (fluorose, hypominéralisation traumatique, hypominéralisation molaires-incisives, ou MIH) des atteintes postéruptives (white spots). L’origine de ces taches se trouve dans la présence de porosités (air, eau) au sein de l’émail qui modifient l’indice de réfaction. On assiste alors à un phénomène optique avec déviation de la lumière d’une façon différente de l’émail naturel.

L’indice de réfraction de l’émail est de 1,62, celui de l’air 1,0 et celui de l’eau et des fluides organiques de 1,33. Les porosités dues à une fluorose légère apparaissent blanches en raison de leur faible indice de réfraction (fig. 1 et 2).

En dentisterie a minima, il existe de nombreuses techniques pour masquer ces taches mais elles sont invasives pour la majorité car elles nécessitent une préparation des dents plus ou moins importante ; pour respecter un gradient thérapeutique, il est nécessaire de privilégier les traitements les plus conservateurs possible (fig. 3 à 5). Il existe une technique préservant les tissus qui doit être proposée en première intention. L’érosion-infiltration a, dans un premier temps, été utilisée pour traiter les caries débutantes dans un protocole conservateur sans fraisage ni restauration [1-3]. Un de ses effets secondaire est sa capacité à masquer les taches en modifiant les propriétés optiques de l’émail. Le traitement est réalisé sans anesthésie, sans fraisage et en un seul temps. Cette technique consiste à injecter, au niveau des porosités de l’émail, une résine à très basse viscosité ayant un indice de réfraction proche de l’émail naturel (fig. 6 à 11). En effet, les inclusions d’air et d’eau survenant pendant le processus cariogène ou causées par les pathologies de minéralisation présentent un indice de réfraction plus faible que la substance dentaire saine. Cela conduit à des décolorations inesthétiques, les taches blanches. L’infiltrant résineux présente un indice de réfraction semblable à celui de la substance dentaire saine et permet ainsi de compenser la différence dans la réfraction (fig. 1 et 2). L’aspect de la lésion infiltrée peut ainsi être adapté à l’émail environnant sain. L’infiltration par Icon® est indiquée dans les cas de taches liées aux fluoroses, aux caries débutantes et à l’hypominéralisation traumatique. L’effet de masque dépendra de la profondeur et de l’activité de la lésion [4].

Premier cas clinique

Une jeune patiente de 17 ans présentant une tache de fluorose inesthétique sur la 11 désire avoir un sourire plus harmonieux. L’analyse de la situation clinique conduit logiquement à lui proposer un traitement d’érosion-infiltration (fig. 12). Après un nettoyage des dents éliminant le biofilm et les protéines salivaires, et la prise de photographies de référence, la pose de la digue est effectuée ; elle est indispensable non seulement pour éviter les atteintes liées à l’Icon®-Etch et à sa solution d’acide chlorhydrique à 15 % – donc pour protéger les muqueuses dentaires – mais aussi pour se trouver à l’abri de l’humidité lors de l’infiltration résineuse (fig. 13).

Une première application de l’Icon®-Etch a été réalisée pendant 2 minutes ; cette étape consiste à accéder aux lésions de fluorose hypominéralisées. L’érosion de l’émail est réalisée par un acide chlorhydrique à 15 % à l’aide d’un applicateur, mais il est nécessaire ensuite de bien brosser la zone pour avoir une érosion homogène (fig. 14). Un rinçage à l’eau pendant 30 secondes permet de bien éliminer l’acide, puis un séchage donne un aperçu du changement de teinte (fig. 15). La première application de l’Icon®-Dry, solution d’éthanol à 99 % qu’on laisse agir 30 secondes, ne donne pas un résultat satisfaisant. Une seconde application d’Icon®-Etch pendant 2 minutes est alors indiquée car la luminosité de la lésion n’a pas diminué. Comme lors de la première application, un rinçage à l’eau puis un séchage afin de bien éliminer l’acide et l’eau sont réalisés. La seconde application Icon®-Dry donne un résultat satisfaisant (fig. 16) ; cette déshydratation est importante pour l’application de la résine Icon®-Infiltrant qui est hydrophobe. Cette application se fait par l’embout applicateur éponge et l’infiltration se fait alors pendant 3 minutes. Cette résine à base de TEGDMA, de couleur jaune clair, a un indice de réfraction de 1,52, proche de celui de l’émail qui est de 1,62. Selon le fabricant, sa pénétration est plus importante et plus profonde que celle des adhésifs (fig. 17). Après avoir éliminé les solvants avec de l’air, les excès sont supprimés. La photopolymérisation de la résine pendant 40 secondes (temps proposé lors du protocole clinique par DMG) entraîne la consommation de la camphoroquinone, ce qui donne alors un aspect transparent esthétique (fig. 18).

Cette procédure d’infiltration est répétée une seconde fois, avec un temps d’application réduit à 1 minute, pour avoir un état de surface sans porosités. La tache de fluorose a disparu. Un polissage soigneux, étape capitale dans la réussite et la pérennité de ce type de traitement, termine les différentes étapes du protocole (fig. 19).

Le résultat au bout de 2 mois, à la suite de la réhydratation, donne une grande satisfaction esthétique à cette jeune patiente (fig. 20).

Le temps par temps du protocole est détaillé par les figures 21 à 28.

Second cas clinique

Une patiente de 21 ans présente des taches de fluorose importantes et profondes sur la 11 et la 21 (fig. 29 et 30). Analysées en mode polarisé, les taches apparaissent bien définies par une meilleure visualisation de la transparence et de la profondeur (fig. 31 et 32). La réussite du traitement par érosion-infiltration dépend en grande partie du degré de fluorose. Cette technique est généralement indiquée pour les fluoroses légères simples ou modérées [5]. Pour ce cas clinique, même s’il y a deux grandes taches profondes de fluorose, cette technique non invasive a été choisie car elle s’intègre parfaitement dans l’approche très conservatrice de la dentisterie moderne. Il a fallu réaliser 5 cycles à l’aide de l’Icon®-Etch/Icon®-Dry avant d’obtenir un résultat satisfaisant (fig. 33 à 35), l’analyse en mode polarisé montrant bien la « disparition des taches » (fig. 34). Il aurait été nécessaire de faire un sablage pour avoir un résultat plus rapide comme on le remarque dans le tableau final décisionnel [6]. Mais, les taches de fluorose ont disparu. Après la réalisation d’un polissage rigoureux, le résultat obtenu est remarquable. Il satisfait totalement la patiente (fig. 35 et 36).

Pour ce cas clinique, les photographies ont été réalisées par la technique Smile Capture® (www.smileline-by-styleitaliano.com), outil très pratique, simple d’utilisation et « connecté et en phase » avec la vie moderne des réseaux sociaux et de la communication. La photographie dentaire avec Smile Capture® permet de coupler son Smile Lite® et son smartphone pour la photographie dentaire au quotidien (fig. 30). C’est un appareil simple d’emploi pour des résultats de très bonne qualité. Smile Capture® permet des prises de vue sans ou avec le filtre polarisant du Smile Lite® (fig. 32). Le Smile Lite® utilise un type de LED (technologie SMD) de la plus haute qualité et de la toute dernière génération avec une très bonne durée de vie. Il est équipé d’une batterie lithium-ion rechargeable grâce au câble mini-USB. Un filtre spécial à polarisation « live », adaptable au Smile Lite®, annihile de manière spectaculaire la réflexion de lumière (spéculaire et diffuse). Il permet à l’utilisateur d’observer les dents d’un œil totalement nouveau : appréciation facilitée de la couleur, meilleure visualisation de la profondeur et des transparences, mise en évidence des moindres détails et caractérisations (fig. 34 et 38).

Conclusion

L’érosion-infiltration est, par sa simplicité et sa rapidité de protocole, une solution intéressante pour le traitement des taches blanches de l’émail. Le diagnostic est très important dans la décision thérapeutique. La connaissance tridimensionnelle de la lésion blanche à traiter va influencer l’approche thérapeutique et clinique par un protocole d’érosion-infiltration différent (fig. 39). Ce traitement s’inscrit dans la logique du gradient thérapeutique [7] car il est toujours préférable d’opter pour des thérapeutiques non ou peu invasives. Les résines infiltrantes doivent être proposées en première intention aux patients présentant des taches blanches mais aussi pour le traitement des lésions carieuses initiales et débutantes. Les résultats intéressants obtenus par l’érosion-infiltration permettent d’agrandir le champ des thérapeutiques esthétiques en accord avec le principe de préservation tissulaire [8].

Bibliographie

  • [1] Lasfargues JJ, Bonte E, Guerrieri A, Fezzani L. Inhibition carieuse par infiltration résineuse. Real Clin 2011;22:257-267.
  • [2] Paris S, Hopfenmuller W, Meyer-Lueckel H. Resin infiltration of caries lesions: an efficacy randomized trial. J Dent Res 2010;89: 823-826.
  • [3] Tirlet G, Attal JP. L’érosion/ infiltration : une nouvelle théra- peutique pour masquer les taches blanches. Inf Dent 2011;26:12-17.
  • [4] Attal JP, Denis M, Atlan A, Vennat E, Tirlet G. L’infiltration en profondeur : un nouveau concept pour le masquage des taches blanches. Partie I. Inf Dent 2013;19: 4-79.
  • [5] Denis M, Atlan A, Vennat E, Tirlet G, Attal JP. L’infiltration en profondeur : un nouveau concept pour le masquage des taches blanches : traitement d’une fluorose sévère. Partie II. Inf Dent 2014;5:18-23.
  • [6] Attal JP, Atlan A, Denis M, Vennat E, Tirlet G. L’infiltration en profondeur : un nouveau concept pour le masquage des taches blanches : traitement d’une MIH sévère. Partie III. Inf Dent 2014;18: 20-24.
  • [7] Clement M, Noharet R. L’érosion-infiltration au service de la préservation tissulaire. Inf Dent 2013;33:2-7.
  • [8] Denis M, Atlan A, Attal JP. Érosion/infiltration : un nouveau traitement des taches blanches. Les entretiens de Bichat 2012:31- 35.