Assurance-vie et transmission de patrimoine - Clinic n° 06 du 01/06/2015
 

Clinic n° 06 du 01/06/2015

 

PATRIMOINE

Catherine BEL  

PATRIMOINE PREMIER CIF réf. sous n° A043000 par la CIP Assoc. agréée par l’AMF catherinebel@patrimoinepremier.fr

Même en période de crise, l’assurance-vie demeure l’outil d’épargne chouchou des Français. Toutefois, s’il est aujourd’hui facile de souscrire un contrat d’assurance-vie, son utilisation en tant qu’outil de transmission de patrimoine n’est pas toujours optimisée. Pourtant, au regard des tarifs parfois exorbitants des droits de succession, il devient indispensable d’organiser à l’avance la transmission de son patrimoine afin d’en réduire le coût fiscal.

Rappel des règles en la matière

Application d’un abattement

Dans une succession, la part nette d’un héritier taxable aux droits de succession est réduite d’un abattement légal dont le montant varie en fonction de la qualité de l’héritier. Ainsi, chaque enfant du défunt bénéficie d’un abattement de 100 000 € sur sa part nette taxable. Cet abattement est réduit à 15 932 € pour chaque frère et sœur du défunt et tombe à 7 967 € pour chaque neveu ou nièce. L’héritier déclaré handicapé au décès du défunt bénéficie d’un abattement majoré à 159 325 €. Enfin, à défaut d’avoir un lien de parenté avec le défunt ou de justifier d’une infirmité physique ou mentale attestée, l’héritier bénéficie d’un abattement symbolique de 1 594 €.

Taux de taxation

En matière de droits de succession, plus l’héritier est un proche parent du défunt et moins le montant des droits à payer sera important. Ainsi, si le conjoint ou le partenaire pacsé (désigné par testament) est aujourd’hui totalement exonéré de droits de succession, les enfants du défunt sont taxés à un taux progressif (oscillant entre 5 et 30 % jusqu’à un plafond de 900 000 € environ et entre 40 et 45 % au-delà). Les frères et sœurs du défunt se voient, quant à eux, appliquer un taux de 35 %, voire 45 % dès que le seuil des 24 000 € est dépassé ! Les autres héritiers (neveux, nièces, oncles, tantes et grands-parents notamment) sont encore plus mal traités puisqu’ils sont imposés au taux de 55 %. Quant aux petits-cousins ou arrière-cousins, ils sont taxés au taux record de 60 % !

L’assurance-vie : un bel outil d’optimisation en matière de transmission de patrimoine

En matière d’assurance-vie, il convient d’opérer une distinction pour déterminer la fiscalité applicable à la transmission du capital placé :

• versements de primes avant l’âge de 70 ans du souscripteur : exonération de droits de mutation dans la limite d’un abattement de 152 500 € par bénéficiaire et par souscripteur tous contrats confondus. Au-delà de 152 500 € et jusqu’à 852 500 €, prélèvement de 20 % sur la part revenant à chaque bénéficiaire. Au-delà de 852 500 €, le prélèvement passe à 31,25 %. Notez que les contrats « génération-vie » bénéficient d’un abattement supplémentaire de 20 % sous réserve du respect de certaines conditions ;

• versements de primes après les 70 ans du souscripteur : exonération des primes dans la limite globale de 30 500 € tous contrats et tous bénéficiaires confondus et les intérêts acquis sont exonérés sans limite ; au-delà, les droits de mutation sont fonction du degré de parenté du bénéficiaire.

De l’articulation de l’assurance-vie avec les règles de transmission

Les souscripteurs de contrats d’assurance-vie, bien que mariés (ou pacsés), et alors qu’ils sont du fait de ce statut exonérés de droits de mutation, choisissent encore trop souvent leur conjoint (ou partenaire) comme bénéficiaire exclusif de leur contrat d’assurance-vie (exemple : mon épouse, à défaut mes enfants).

Or, ce désir très légitime de protéger son conjoint est porteur de conséquences pour le moins fâcheuses en matière de droits de mutation. En effet, dans ce cas de figure, les enfants ne pourront pas bénéficier de l’abattement prévu en matière d’assurance-vie de 152 500 € mais seulement de l’abattement légal de 100 000 € sur leur part nette taxable aux droits de succession. Et si le conjoint survivant a plus de 70 ans, cette somme ne pourra être aussi avantageusement replacée en assurance-vie à leur profit (les avantages en termes de droits de succession étant dans ce cas beaucoup plus limités).

La transmission n’aura pas été optimisée.

Cela est d’autant plus dommage que le conjoint survivant est exonéré de droits de succession dans tous les cas, qu’il soit bénéficiaire ou non d’un contrat d’assurance-vie. Autrement dit, dans cette hypothèse les abattements fiscaux n’auront pas été utilisés.

Si vous êtes dans ce cas, nous vous conseillons donc vivement de revoir votre copie en vous suggérant deux recommandations :

• si le conjoint survivant n’a pas besoin réellement de ces contrats d’assurance-vie (car il a suffisamment de capital par ailleurs pour financer son train de vie), il est plus opportun pour le souscripteur de modifier sa clause bénéficiaire, afin d’opter pour une transmission directe au profit de ses enfants (plutôt qu’au profit de son conjoint), qui seront dès lors bénéficiaires de ces contrats en pleine propriété ; chaque enfant bénéficiera alors sur ces sommes reçues en assurance-vie d’un abattement de 152 500 €, avant une taxation réduite à 20 %.

Autre solution : lors du décès du souscripteur, le conjoint survivant peut toujours renoncer au contrat d’assurance-vie dont il est bénéficiaire (au profit des enfants) ;

• si le conjoint survivant a besoin pour partie de ce capital, il peut être pertinent d’opter pour une clause bénéficiaire démembrée entre le conjoint usufruitier et les enfants nus-propriétaires. Ainsi, le conjoint pourra prélever sur le capital reçu ce dont il a besoin (puisque, en tant qu’usufruitier, il a un droit de jouissance sur les capitaux transmis).

Réponse ministérielle « Bacquet »

Supposons que des époux aient souscrit, chacun à son nom, un contrat d’assurance-vie alors qu’ils sont mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts.

Dans ce cas, chaque contrat est réputé avoir été alimenté avec des fonds communs.

Or, en vertu de la réponse ministérielle Bacquet, en cas de décès de l’un des époux, le contrat souscrit par l’autre époux (celui qui survit) est intégré dans l’actif de la succession pour moitié.

Conséquence : les enfants devront payer des droits de succession sur la moitié de ce contrat. En outre, le conjoint survivant sera contraint d’en partager la propriété avec les héritiers de son époux décédé.

Ainsi est-il préférable, dans un régime de communauté légale réduite aux acquêts (peut-être plus que dans tout autre régime), de choisir ses enfants comme bénéficiaires.

Il existe aussi d’autres solutions, à étudier au cas par cas !

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