Efficacité et lenteur conjuguées - Clinic n° 06 du 01/06/2015
 

Clinic n° 06 du 01/06/2015

 

PASSIONS

Catherine bigot  

Le tai-chi est entré dans la vie d’Alexandre Garcia en 1992 et ne l’a plus quitté depuis. Dans son cabinet de Saint-Maixent-l’École (Deux-Sèvres), l’omnipraticien se sert tous les jours de ce que cet art martial, également pratique de santé, lui a appris.

Qu’est-ce que le tai-chi ?

C’est à la fois un art de combat, une pratique de santé et une voie spirituelle. Il est né en Chine et signifie littéralement « boxe du faîte suprême ».

Comment êtes-vous entré en contact ?

Un peu par hasard. Étudiant, je me suis d’abord laissé entraîner vers la boxe. Au moment de mon installation à Saint-Maixent il y a 30 ans, j’ai commencé par faire de l’aïkido mais je trouvais cela trop brutal. Une amie m’a alors parlé du tai-chi et fait découvrir la pratique dans son club.

Cela vous a tout de suite plu ?

Oui, ce fut comme une évidence. On m’a appris à me mettre dans une posture énergétique qui donne un sentiment d’invincibilité. C’est cet aspect très étonnant qui m’a immédiatement séduit.

J’ai pratiqué ainsi durant 2 ans, sous forme de stages car le club était loin de chez moi et n’avait pas d’équivalent proche de Saint-Maixent.

Comment votre pratique s’est-elle perfectionnée ?

Par l’intermédiaire d’une association qui s’est créée un peu plus tard à Parthenay, à seulement 30 kilomètres de mon cabinet. Quand j’y suis allé, je ne savais pas ce que j’allais y trouver. Or, le professeur à l’origine de ce club avait rencontré un maître chinois de l’école Chen, alors que ma première approche du tai-chi était liée à l’école Yang.

Il y a donc différentes écoles de tai-chi…

Différentes écoles et différents « styles ».

L’école Yang a été développée pour que le tai-chi puisse être pratiqué par tout le monde. C’est l’école qui a le plus essaimé dans le monde et est aujourd’hui la plus connue.

L’école Chen est restée davantage repliée sur elle-même. Elle est aussi la plus prestigieuse de Chine car née dans un village qui s’est spécialisé dans l’enseignement du combat et qui préparait des hommes à devenir soldats pour la garde impériale.

Les formes de base enseignées dans les deux écoles sont similaires mais ce qu’elles expriment est très différent. En Chine, il y a des milliers d’écoles de tai-chi. Autant que de villages, paraît-il !

Comment avez-vous réussi à progresser ?

À Parthenay, j’ai travaillé avec maître Wang Xian, de l’école Chen. En 1999, nous avons réussi à le faire venir de Chine alors que nous n’étions qu’une toute petite association. Recevoir l’enseignement d’un homme de cette stature était exceptionnel pour des pratiquants débutants comme nous l’étions ! Dans son pays, il n’avait affaire qu’à des élèves de très haut niveau.

Que vous a apporté maître Wang Xian ?

J’étais pour la première fois en présence de quelqu’un qui incarnait l’énergie, le chi. Quand son énergie vous passe à travers le corps, c’est très impressionnant. D’un point de vue martial, ce fut une révélation.

Il m’a enseigné des techniques de lenteur qui affinent le travail du corps. Le corps finit par trouver son propre chemin et va là où il consomme le moins d’énergie tout en exprimant le plus de vitesse et de puissance. C’est le paradoxe du tai-chi : l’infinie lenteur donne l’infinie vitesse.

Qu’avez-vous appris en 20 ans de pratique ?

Que c’est le corps entier qui participe au mouvement. Le tai-chi développe la notion de centre et fait circuler l’énergie. Les endroits les plus faibles sont redynamisés et ceux sous tension se relâchent. Peu à peu le corps se posture, se transforme. Le câblage neurologique qui se crée fait que le mouvement, répété des centaines de fois, n’est plus que réflexe et « se fait tout seul ». Le tai-chi est un outil que j’utilise maintenant partout.

Le tai-chi est-il sans risque ?

Il faut le pratiquer en sachant se protéger. Si les postures ne sont pas justes, les articulations, les ligaments et les cartilages souffrent. Ce n’est pas une pratique anodine !

Quelle place a le tai-chi dans votre emploi du temps ?

J’ai pratiqué tous les jours durant 15 ans et même enseigné. Mais j’ai 5 enfants et un métier prenant. C’était trop dur à mener de front. Aujourd’hui, je pratique moins en dehors du cabinet… et plus en travaillant.

Justement, en quoi le tai-chi influence-t-il votre exercice professionnel ?

Je travaille en milieu rural, dans un quasi désert médical. Il y a beaucoup d’urgences et nous sommes peu de praticiens à pouvoir intervenir. Le tai-chi m’aide à être efficace en économisant mon énergie, aussi bien debout qu’assis. Au fauteuil, tous mes mouvements sont centrés et enroulés. Je vais toujours saisir mes instruments en restant placé. Le tai-chi aide à ne pas s’épuiser, à ne pas se faire mal. À avoir la tension nécessaire minimale, avec des vertèbres empilées et des articulations bien placées.

Quel est le plus important pour vous ?

Dans mon métier comme dans d’autres domaines, le geste juste est devenu une obsession ! Je m’exerce à tout faire en bougeant le moins possible. Tout ce qui peut améliorer ma pratique professionnelle en la rendant plus précise et plus juste me passionne.