Succession et comptes bancaires : les bonnes questions ! - Clinic n° 09 du 01/10/2015
 

Clinic n° 09 du 01/10/2015

 

Patrimoine

Catherine BEL  

Lors du décès d’un proche, et dans le cadre du règlement de la succession, que deviennent les comptes bancaires ? Quels sont les formalités et les choix à accomplir ? Quels sont les points de vigilance ? C’est ce que nous allons voir ensemble.

Rappel des règles s’appliquant en cas de décès

C’est au moment où les banques sont informées du décès (par les héritiers directement ou par le notaire chargé du règlement de la succession) que les comptes au nom du défunt vont être bloqués.

Cela signifie que plus aucun mouvement (débit ou crédit) ne peut intervenir sur les comptes : virement des salaires, des retraites, prélèvements automatiques sont suspendus… Le fait d’avoir procuration sur le compte n’y change rien : le compte est également bloqué dans ce cas.

Il y a des exceptions au principe du blocage :

• la première est le compte joint. Au décès, le compte passe directement au nom du « codétenteur » ;

• la seconde concerne les frais d’obsèques et les dépenses de la vie courante, 5 000 € pour chacun de ces postes pouvant être débloqués.

Une fois que vous aurez ouvert la succession chez le notaire, ce dernier va créer en son étude un compte au nom du défunt. C’est sur ce compte que les fonds seront versés (comptes bancaires, retraites, salaires…) et les dettes acquittées (impôts, factures…).

Puis intervient la signature de l’acte de notoriété (l’acte qui liste les héritiers et leur quote-part dans la succession). À l’issue de celle-ci, le notaire délivre un certificat d’hérédité (attestation qui résume l’acte de notoriété) qu’il transmettra aux banques avec les instructions des héritiers.

Lors du déblocage, il existe deux catégories de comptes :

• les comptes courants et réglementés (livret A, CEL, LDD, LEP…). Ils seront clôturés et virés chez le notaire ;

• les autres comptes. Les héritiers transmettent leurs instructions au notaire qui les envoie à son tour aux banques.

Pour les PEA, les titres sont transférés sur le compte titres du défunt s’il en détenait un. À défaut, il en est ouvert un au nom de la succession. Les fonds du compte en espèces sont virés sur le compte chèque du défunt.

Pour les comptes titres, soit le compte est repris par un ou tous les héritiers en indivision, soit les titres sont vendus et le solde est transféré chez le notaire.

Attention ! Les droits de succession sont calculés sur une valorisation des actifs au jour du décès. Lors du krach de 2001, les cours ont chuté de 50 % en seulement quelques mois. Cela signifie que des héritiers ont été doublement pénalisés : ils ont pour certains payé les droits sur la base des titres valorisés au plus haut (avant le krach) mais ils ont perdu la moitié de la valeur de ces titres au moment de les débloquer (car ils ont procédé aux ordres de vente après le krach). Cette circonstance exceptionnelle n’a pas donné lieu à un nouveau calcul des droits pour l’Administration fiscale. Choisissez donc bien votre moment, si vous le pouvez, pour demander cette clôture ! N’hésitez pas non plus à prendre conseil sur l’opportunité ou non de conserver un compte titres en fonction des actions qu’il peut contenir, conseil qui peut être très rentable !

Nos conseils

Demander un chiffrage de la succession

Une fois que le notaire aura fait le calcul des dettes du défunt restant à rembourser, de ses honoraires (qui sont fonction de l’actif de succession) et des droits de succession, vous aurez une idée des sommes à débourser. Ce chiffrage vous permettra de prendre sereinement une décision avant de demander le déblocage total des comptes.

Attention ! Ce chiffrage peut prendre plus ou moins de temps selon les dossiers. En effet, si le défunt a séjourné dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou un établissement pour personnes handicapées, des sommes peuvent être à rembourser au Conseil général : c’est ce qu’on appelle la créance d’aide sociale. Certaines aides dont le défunt a pu bénéficier sont considérées comme un prêt : au décès, les héritiers doivent rembourser un montant déterminé par le Conseil général. Ce montant est fixé après examen du montant de l’actif successoral (s’il dépasse un certain seuil, le remboursement est obligatoire). Cette réponse peut mettre plusieurs mois à intervenir et la somme à rembourser par les héritiers peut être très élevée ! Une surprise à découvrir ! Si le défunt a séjourné dans un établissement dans un autre département que celui de son lieu de résidence, il faut l’indiquer à votre notaire. Ce dernier interrogera le Conseil général de ce département pour voir si une créance d’aide sociale est due. Plusieurs conseils généraux peuvent ainsi avoir à réclamer leur dû !

Signer une convention de quasi-usufruit

Le quasi-usufruit, c’est l’usufruit des choses consomptibles, c’est-à-dire des choses qui se consomment par le premier usage, comme l’argent ou les comptes bancaires.

Cette convention est régularisée chez le notaire lors de la clôture de la succession. Elle a pour objet d’organiser les rapports juridiques entre l’usufruitier et le nu-propriétaire sur les comptes bancaires ou les fonds qui en sont issus si ces comptes ont été débloqués. Le quasi-usufruitier pourra utiliser les fonds comme bon lui semble. De son côté, le nu-propriétaire exercera sa créance/ses droits lorsque l’usufruit s’éteindra (c’est-à-dire lors de la succession de l’usufruitier).

Si les héritiers sont le conjoint survivant (s’il reçoit l’usufruit) et ses enfants, cette solution peut s’avérer être très intéressante. Le conjoint est protégé puisqu’il peut utiliser comme bon lui semble les sommes reçues, tout en préservant ses enfants.

Sans cette convention, les héritiers devraient acquitter deux fois les droits de succession (lors du décès de chacun des parents) sur les mêmes comptes bancaires !

Attention à ce que la convention soit rédigée correctement pour que l’administration fiscale la considère comme valable. N’hésitez pas à vous faire conseiller à ce sujet.

En cas de mauvaise entente ou d’enfants issus d’une autre union

Dans cette situation, mieux vaut éviter l’indivision. Pour en sortir, il faut que chaque héritier récupère sa part. Pour ce faire, nous vous conseillons de faire régulariser par le notaire un « compte de répartition » (si la succession ne comprend pas d’immobilier) : les enfants et le conjoint, sur la base de ce document, recueilleront chacun les sommes issues des comptes bancaires en proportion de leurs droits dans la succession. Si le défunt possédait des biens immobiliers, il y aura lieu de signer un acte de partage global.

Conclusion

Dans le cadre du règlement d’une succession, mieux vaut ne pas se précipiter pour faire les bons choix en matière de comptes bancaires. N’hésitez pas à prendre conseil afin d’optimiser le présent et les transmissions à venir !

EXEMPLE

Le conjoint survivant est héritier pour l’usufruit dans la succession. Au titre des comptes, il a reçu 100 000 €. Au cours de sa vie, il aura utilisé 50 000 €.

Pour le calcul des droits de succession, les 100 000 € seront déductibles lors du second décès si une convention de quasi-usufruit a été signée.

Si l’actif lors du second décès est de 500 000 €, la succession sera taxable à hauteur de (500 000 € + 50 000 € - 100 000 €) = 450 000 €.

En l’absence de la convention de quasi-usufruit, l’actif taxable au décès du conjoint aurait été de 550 000 € !

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