Comprendre la lésion d’origine endodontique - Clinic n° 04 du 01/04/2013
 

Clinic n° 04 du 01/04/2013

 

ENDO… AUTREMENT

Marjorie ZANINI*   Stéphane SIMON**  


*Ancienne interne des Hôpitaux de Paris Assistante hospitalo-universitaire
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière – Charles-Foix
Étudiante diplôme universitaire européen d’endodontologie clinique (université Paris Diderot)
**Maître de conférences en sciences biologiques et endodontie (université Paris Diderot)
Praticien hospitalier Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière – Charles-Foix
Directeur du diplôme universitaire européen d’endodontologie clinique
stephane.simon@univ-paris-diderot.frwww.due-garanciere.fr

La LIPOE (lésion inflammatoire périradiculaire d’origine endodontique) provient d’un processus inflammatoire engendrant une destruction des tissus durs périradiculaires dont l’étiologie est la présence d’agents irritants au niveau endodontique. L’objectif de ce texte est de détailler simplement les processus impliqués dans le développement d’une lésion d’origine endodontique afin de mieux la comprendre et, surtout, de mieux appréhender les voies thérapeutiques nécessaires pour la soigner.

Selon le dictionnaire francophone des termes d’odontologie conservatrice, la parodontite apicale est définie comme « un processus inflammatoire localisé au parodonte périradiculaire (le plus souvent périapical) en réponse à une agression d’origine endodontique : infectieuse (bactéries ou toxines), mécanique ou chimique » [1]. Cette destruction tissulaire est donc le résultat direct des mécanismes de défenses immunitaires localisées au niveau périradiculaire luttant contre les agents irritants bien protégés car confinés dans le système endodontique.

Étiologie de la LIPOE

L’étiologie de la LIPOE est l’infection bactérienne du système endodontique.

Pour la suite, nous préférerons les dénominations « lésion d’origine endodontique » (LOE) ou « parodontite apicale ». Cette dernière trouve notamment son homonyme dans la terminologie anglo-saxonne : apical periodontitis.

L’article de référence est la publication de Kakehashi en 1965 [2].

Ironiquement, l’objectif de l’étude n’était pas de connaître l’étiologie de la parodontite apicale mais, plutôt, d’étudier le processus de réparation pulpaire après exposition pulpaire et les effets des bactéries sur ce processus. En effet, brièvement, cette étude in vivo a travaillé sur 36 rats répartis en 2 groupes : le groupe contrôle comprenait 15 rats élevés en condition septique (dites normales). Les 21 rats restants (groupe expérimental) avaient été élevés en condition stérile, dite abiotique. Pour chaque rat, l’exposition pulpaire a été réalisée, sous anesthésie générale, au niveau de la face occlusale de la première molaire maxillaire droite. Les rats ont été sacrifiés à intervalles réguliers entre les 1er et 42e jours postopératoires. Puis des analyses histologiques ont été effectuées.

Les résultats du groupe contrôle montrent ce qui suit :

• 8 jours après exposition pulpaire, seule la partie apicale reste pulpée, les bactéries ont commencé à coloniser le système endodontique ;

• à partir du 8e jour postopératoire :

– la pulpe est entièrement nécrosée,

– une inflammation périapicale chronique est visible,

– la formation d’abcès apicaux, et dans le cas d’un rat, la formation d’un granulome apical sont objectivables,

– la présence de débris alimentaires au niveau des tissus périapicaux, qui déclenche la prolifération de cellules épithéliales (c’est-à-dire les débris de Malassez). Cela est à l’origine de la formation de lésions parodontales et de poches.

Les résultats du groupe expérimental ne montrent :

• aucune nécrose pulpaire ;

• aucun abcès apical visible.

En revanche, la formation d’un pont dentinaire est objectivable dès le 14e jour postopératoire.

En conclusion, la colonisation du système endodontique par les bactéries induit donc la nécrose pulpaire et la formation d’une réponse périapicale variable : la parodontite apicale.

Bactéries intracanalaires

La dent nécrosée procure un environnement non seulement humide et nutritif (par le biais de la pulpe nécrosée, des protéines issues des fluides tissulaires et exsudats provenant des foramens apicaux et latéraux, des débris alimentaires provenant de la cavité orale et des produits du métabolisme des autres bactéries) mais aussi anaérobique (l’espace endodontique est sans oxygène surtout au niveau du tiers apical), ce qui est idéal pour la colonisation et la croissance bactériennes.

Les bactéries le plus souvent incriminées dans l’infection endodontique sont donc des bactéries anaérobies qui sont capables de survivre dans des conditions écologiques adaptées au système endodontique (apport nutritif avec faible concentration en oxygène).

Actuellement, un canal infecté pourrait présenter entre 103 et 108 bactéries comprenant des espèces différentes mais l’identification de chacune d’entre elles, malgré des techniques de plus en plus précises, est encore largement impossible [3-5].

Les bactéries peuvent être présentes soit sous forme planctonique (en suspension), soit sous forme de biofilm (agrégées et adhérentes). Dans le système endodontique, elles sont le plus souvent retrouvées sous forme de biofilm et cette organisation les rend plus résistantes aux cellules de défense et aux médications antibiotiques [6], et donc plus réfractaires aux thérapeutiques. Leur localisation dans l’anatomie endodontique complexe (tubules dentinaires, isthmes, canaux latéraux) les rend également inaccessibles aux instruments endodontiques.

Les bactéries à Gram négatif sont le plus souvent retrouvées dans les infections dites primaires (dents nécrosées) et les bactéries à Gram positif dans les infections secondaires (infections après traitement endodontique) ou persistantes [7, 8].

C’est la présence des bactéries et de leurs facteurs de virulence qui est responsable du déclenchement de la réponse immunitaire péridentaire.

Parmi les facteurs de virulence, on distingue :

• les toxines bactériennes, soit :

– les endotoxines. La plus connue est le lipopolysaccharide (LPS) qui est une macromolécule retrouvée au niveau de la paroi des bactéries à Gram négatif,

– les exotoxines, qui sont protéines solubles produites par les bactéries à Gram positif et à Gram négatif ;

• les peptidoglycanes, retrouvés dans la paroi des bactéries à Gram positif et à Gram négatif ;

• l’acide lipotéichoïque (LTA, lipoteichoic acid) retrouvé dans la paroi des bactéries à Gram positif ;

• des enzymes protéolytiques qui :

– ont pour but de lyser ou détruire les protéines du tissu pulpaire, permettant la progression des micro-organismes,

– court-circuitent la réaction immunitaire de l’hôte en détruisant les complexes immuns ou complexes d’anticorps.

Ces facteurs de virulence vont être reconnus comme des corps étrangers par les cellules de ? défense, ce qui va permettre une activation de la voie immunitaire de l’hôte.

Mécanisme physiopathologique

Stades préalables à l’infection endodontique

Il est commun de dire que l’organe dentaire présente deux niveaux de défense dont le but premier est de limiter l’infection et d’éviter sa dissémination :

• le premier niveau est constitué par la pulpe ;

• le second niveau est périapical.

La pulpe est un tissu conjonctif. Comme tous les tissus conjonctifs, elle réagit à l’infection bactérienne par une inflammation. Au cours de l’avancée bactérienne, les stades suivants sont progressivement atteints à son niveau :

• l’inflammation pulpaire, qui atteint progressivement un stade irréversible ou non contrôlable ;

• la nécrose pulpaire, résultat de l’évolution de l’inflammation ;

• l’envahissement bactérien du tissu pulpaire nécrotique.

Il est à noter cependant que les premiers signes d’inflammation périapicale peuvent apparaître avant la nécrose complète de la pulpe.

Mécanismes de défense périapicale

Une fois que les bactéries ont infecté le système endodontique, et donc que le premier niveau de défense n’existe plus, c’est au second niveau de défense d’intervenir afin de limiter la diffusion de l’infection.

Au niveau périapical, c’est d’abord l’immunité innée qui intervient. Celle-ci s’organise en plusieurs phases :

• la préinflammation (fig. 1) :

– lorsque les bactéries envahissent le tissu pulpaire, elles sont immédiatement reconnues par les macrophages résidants et par le système du complément,

– cette phase va déclencher la libération de molécules ou médiateurs de l’inflammation ;

• l’inflammation à proprement parler qui, elle, est déclenchée par la libération des médiateurs précédents. Elle se caractérise notamment par des changements vasculaires (fig. 2) ;

• l’intervention de l’immunité adaptative. Les bactéries vont persister au niveau intracanalaire (le seul moyen de les éliminer est le traitement endodontique) ; en effet, elles ne peuvent pas être éliminées par les défenses « bloquées » au niveau des tissus périapicaux qui sont incapables de pénétrer dans le système endodontique. Ainsi, la défense innée va faire appel à la défense adaptative.

Stade de préinflammation

Les composants bactériens vont être reconnus comme étrangers (= antigènes) et vont activer les macrophages résidants du tissu apical mais également le système du complément.

En effet, les macrophages et les autres cellules immunitaires possèdent des récepteurs à leur surface qui sont capables de reconnaître les bactéries ou, plus précisément, certains composants bactériens, ce qui active leurs fonctions antibactériennes et inflammatoires. Les récepteurs les plus connus sont les TLR (toll-like receptor). Ils sont de plus en plus étudiés. Il en existe différents types qui reconnaissent de manière spécifique certains composants bactériens. Par exemple, TLR-4 reconnaît le lipopolysaccharide des bactéries à Gram négatif, le TLR-2 reconnaît les peptidoglycanes, l’acide lipotéichoïque des bactéries à Gram positif, le TLR-5 reconnaît les flagelles, etc. [10, 11].

Dès que les macrophages ont reconnu un élément étranger bactérien (c’est-à-dire un antigène), leurs fonctions de présentation d’antigènes ou de phagocytose sont exacerbées. De plus, ils vont produire plusieurs types de substances (des cytokines) : interleukines (IL1 et IL6), du TNF-α (tumor necrosis factorα ou facteur de nécrose tumorale α), des chémokines (IL8), des prostaglandines, des leucotriènes, des métabolites de l’oxygène, de l’oxyde nitrique, des enzymes lysosomiales. Ces substances ont un rôle important dans la phase d’inflammation.

Les composants bactériens vont également activer le système du complément. Celui-ci a pour but :

• la cytolyse des cellules cibles ;

• l’opsonisation, afin de faciliter la phagocytose ;

• la production de médiateurs (C3a, C5a) :

– C5a est un agent chémo-attractant, c’est-à-dire qu’il va attirer les neutrophiles et monocytes sur le site infectieux,

– C3a et C5a stimulent les cellules mastocytaires qui vont dégranuler et relarguer l’histamine (substance également importante dans la phase d’inflammation) (fig. 2).

Stade de l’inflammation proprement dit

Cette phase a pour rôle d’amener de manière massive les cellules de défense au site d’infection.

L’inflammation est caractérisée par quatre signes cliniques :

• douleur ;

• chaleur ;

• œdème ;

• rougeur.

Rougeur/ chaleur

Les médiateurs libérés dans la phase précédente vont provoquer des changements vasculaires, notamment une vasodilatation. Celle-ci correspond à une augmentation de l’afflux de sang au niveau périapical. Les cellules sanguines vont donc affluer en grand nombre au niveau de cette zone, ce qui permettra le recrutement d’un nombre élevé de cellules.

Œdème

L’inflammation est liée à l’augmentation de la perméabilité des vaisseaux, ce qui va avoir pour conséquences :

• l’extravasation (les cellules sanguines quittent le compartiment sanguin pour le compartiment tissulaire) ;

• une fuite de liquide dans le compartiment extravasculaire : c’est l’œdème.

Douleur

La présence de bactéries peut provoquer une symptomatologie par action soit directe, soit indirecte sur les nocicepteurs :

• directement, les nocicepteurs présentent également des récepteurs capables de reconnaître les composants bactériens (par exemple TLR-4) ;

• indirectement, via la libération de médiateurs précédemment évoqués (bradykinine, histamine…) : c’est la sensibilisation périphérique.

L’augmentation de la pression hydrostatique au sein du tissu (liée à la fuite de liquide extravasculaire) va également être impliquée car elle va comprimer localement les terminaisons sensitives.

Cette phase est sous la dépendance de :

• cellules de défense :

– les macrophages,

– les polymorphonucléaires neutrophiles (PMN) ;

• médiateurs de l’inflammation.

Les PMN sont attirés sur le site de l’infection via un gradient chémo-attractant (fig. 3). Lorsqu’ils sont exposés à l’IL8 et au TNF-, ils « s’activent », produisent des radicaux libres et libèrent leurs enzymes lysosomiales (incluant les élastases, les collagénases et les gélatinases).

Un des inconvénients est que la libération locale de ces substances est certes efficace mais est non spécifique car elles détruisent tout : tissu et bactéries, ce qui aboutit à la formation d’abcès au niveau tissulaire.

L’inflammation doit être considérée comme un processus à double tranchant : phase non spécifique de la réaction immunitaire, elle entraîne une destruction tissulaire importante. Dans la plupart des cas, elle est suffisante excepté dans le cas de l’infection endodontique. En effet, il apparaît impossible d’éradiquer les bactéries qui sont confinées dans l’espace endodontique et qui restent protégées contre des défenses immunitaires postées au niveau apical.

Cliniquement, cette phase correspond à la parodontite apicale aiguë.

Évolution

Les différentes évolutions dépendent :

• de l’intensité de l’infection (elle-même dépendante du nombre de bactéries et de leur virulence) ;

• de la susceptibilité de l’hôte et donc des facteurs de défense.

Abcès apical aigu

Lorsque la réaction inflammatoire ne réussit pas à diminuer l’intensité de l’agression, le processus va s’exacerber, évoluant vers la phase d’exsudation purulente : c’est l’abcès apical aigu.

Le pus provient :

• de la destruction des bactéries qui sont parvenues à passer au niveau périapical ;

• des polymorphonucléaires neutrophiles qui ont une durée de vie limitée ;

• de la destruction locale des tissus par les enzymes protéolytiques.

Parodontite apicale chronique

Au contraire, lorsque la réaction inflammatoire arrive à contenir l’infection intracanalaire, le processus devient chronique.

Quoi qu’il arrive, aucune guérison spontanée n’est possible car le seul moyen d’induire la guérison de cette lésion est d’éliminer les microorganismes intracanalaires (autrement dit, il faut réaliser le traitement endodontique).

Cette phase fait intervenir l’immunité adaptative. Lors de l’inflammation, les antigènes ont été capturés par des cellules présentatrices d’antigène et amenés jusqu’aux nœuds lymphatiques. Il en résulte une activation des cellules de l’immunité adaptative : les lymphocytes. Ceux-ci vont ensuite être clonés de manière intensive. Ces cellules seront capables de reconnaître spécifiquement un antigène donné, d’où le nom de défense immunitaire spécifique.

Deux types de cellules de la défense spécifique ou adaptative sont connus :

• les lymphocytes B qui vont donner les cellules plasmocytaires (cellules qui synthétisent des anticorps) ;

• les lymphocytes T :

– CD4+ ou lymphocytes auxiliaires (helper),

– CD8+ ou lymphocytes cytotoxiques.

Les cellules sont attirées grâce au gradient chémo-attractant.

Au cours de cette phase, deux types de cytokines vont être ainsi produits :

• les cytokines libérées lors de la phase inflammatoire, ou cytokines pro-inflammatoires (on parle de réponse immune TH1), parmi lesquelles on distingue l’IL1, le TNF-α et l’IL6. Elles ont pour rôle :

– l’attraction des cellules de défense sur le site de l’infection,

– la stimulation de l’ostéoclasie,

– l’expansion de la LOE ;

• les cytokines anti-inflammatoires (on parle de réponse immune TH2), parmi lesquelles on distingue l’IL4, l’IL5, l’IL10 et le TGF-β (tumor growth factor beta). Elles ont pour rôle :

– le processus de guérison ;

– la stabilisation de la taille de la LOE.

La résorption osseuse résulte en fait d’un déséquilibre entre plusieurs facteurs : RANK, (receptor activator of nuclear factor-kappa B), RANK-L (receptor activator of nuclear factor-kappa B-ligand) et l’ostéoprotégérine (OPG).

En conditions physiologiques, RANK est un récepteur exprimé par les ostéoclastes matures et ses précurseurs alors que RANK-L est exprimé par les ostéoblastes.

En conditions pathologiques, certaines cytokines vont stimuler la production de RANK-L par les ostéoblastes et par les lymphocytes, ce qui a pour but des liaisons RANK-L/RANK et donc une différenciation et une activation des ostéoclastes. L’os est résorbé et remplacé par un tissu de granulation. L’ostéoprotégérine a, au contraire, un rôle protecteur et prévient la liaison RANK-L/RANK [9] (fig. 4).

Granulome

Un granulome est une description histologique de la lésion apicale. Cette lésion est faite d’un tissu de granulation, ou tissu inflammatoire, délimité par une capsule fibreuse. Elle est formée lorsque l’organisme est incapable d’éradiquer un foyer infectieux. Son rôle est donc de limiter l’infection localement.

Elle contient plusieurs types de cellules :

• des lymphocytes B et T ;

• des macrophages et les cellules dendritiques ;

• des polymorphonucléaires neutrophiles ;

• des mastocytes.

Elle contient également :

• des ostéoclastes ;

• des ostéoblastes ;

• des fibroblastes ;

• des cellules épithéliales ;

• des débris cellulaires.

Les cellules inflammatoires représentent 50 % des cellules présentes.

Cette lésion est le résultat d’un équilibre qui va s’instaurer entre la réponse pro-inflammatoire (essentielement représentée par les cytokines pro-inflammatoires promouvant la résorption osseuse) et la réparation tissulaire.

Le facteur de croissance épidermique (EGF, epidermal growth factor) peut être synthétisé par les macrophages activés. Il peut induire la prolifération des restes épithéliaux de Malassez localisés dans le parodonte et qui présentent des récepteurs à l’EGF [9].

Kyste périapical

Un granulome peut évoluer en kyste périapical [9]. Selon les études, la prévalence des kystes radiculaires est variable mais, selon Nair et al. [12], elle serait de 15 % (prévalence nettement inférieure à celle des granulomes).

Le kyste périapical est constitué d’un épithélium squameux stratifié délimitant une cavité. Plusieurs hypothèses sont formulées quant à sa formation (breakdown theory, immunologic theory, abscess theory).

Deux types de kystes sont communément décrits : le kyste en baie ou en poche (la lumière cavitaire communique avec le canal endodontique) et le kyste vrai (cavité complètement délimitée par l’épithélium et sans contact avec le canal) [13]. La particularité anatomique de ce dernier a longtemps semé des doutes quant au traitement à adopter. En effet, dans les années 1950, il était communément admis que les kystes vrais avaient une capacité propre de croissance. Le traitement endodontique seul ne pouvait donc pas permettre une guérison ad integrum, raison pour laquelle un traitement par chirurgie était systématiquement associé [14]. D’où l’intérêt, à l’époque, d’essayer de distinguer un granulome d’un kyste afin d’adapter la thérapeutique.

Pendant longtemps, les auteurs ont été persuadés que les kystes étaient caractérisés par un grand volume et la présence d’une limite radio-opaque bien distincte [15]. Mais, aujourd’hui, il est parfaitement connu que granulome et kyste ne peuvent être distingués cliniquement et radiographiquement [16, 17]. Concernant le CBCT (cone beam computed tomography), les résultats des études sont contradictoires [18, 19]. Ainsi, le seul moyen de les distinguer est purement histologique.

Aujourd’hui, les mécanismes de croissance des kystes radiculaires sont encore largement inconnus. Mais, il est désormais admis que ce ne sont pas des lésions néoplasiques. Il s’agit bien de lésions inflammatoires dont la croissance est liée à la stimulation par un agent irritant, et ce processus peut être réversible dès que ce stimulus est éliminé.

Conclusion

Sur le plan thérapeutique, il est important de comprendre que la lésion osseuse d’origine endodontique est purement inflammatoire et que sa présence est liée à une infection intracanalaire. À l’exception de sa forme abcédée, douloureuse, la lésion apicale est stérile (à quelques exceptions près). C’est d’ailleurs pour ces raisons que la seule désinfection du canal et son obturation suffisent pour induire la guérison, qui consiste à inverser la balance apposition/résorption osseuse, et pour régénérer ad integrum l’os alvéolaire détruit (fig. 5 à 8).

Si, sur le plan biologique, les mécanismes impliqués sont relativement complexes, sur le plan thérapeutique, les choses sont finalement assez simples. Contrairement à d’autres lésions, on ne guérit pas directement mais indirectement la lésion osseuse d’origine endodontique, en supprimant la cause. C’est seulement en cas d’échec du traitement de première intention que l’on considérera son énucléation par un geste chirurgical.

ÉVALUEZ-VOUS !

TESTEZ VOS CONNAISSANCES SUITE À LA LECTURE DE CET ARTICLE EN RÉPONDANT AUX QUESTIONS SUIVANTES :

1 Une lésion d’origine endodontique peut être détectée radiographiquement sur une dent encore pulpée ?

vrai ;

faux

2 Au cours de la phase d’inflammation, les neutrophiles :

a. arrivent sur le site infectieux grâce au gradient électrochimique ;

b. ont pour fonction la phagocytose ;

c. ont pour fonction l’opsonisation ;

d. ont une durée de vie longue.

3 Au cours de la phase chronique, la LOE :

a. fait essentiellement intervenir les polynucléaires neutrophiles ;

b. est liée à la libération de cytokines pro-inflammatoires et anti-inflammatoires ;

c. est majoritairement dominée par l’action de l’immunité adaptative.

4 La résorption osseuse donnant lieu à la LOE :

a. est directement liée à l’activation des ostéoclastes par les cytokines pro-inflammatoires ;

b. d’origine endodontique, n’est pas toujours réversible ;

c. de diamètre large et bien délimitée à la radiographie, est systématiquement associée à un kyste radiculaire ;

d. aucune de ces réponses n’est vraie.

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