Restauration quatre étoiles - Clinic n° 07 du 01/07/2013
 

Clinic n° 07 du 01/07/2013

 

PROTHÈSE

De bonnes pâtes

En matière de matériaux à empreinte, rien n’a vraiment attiré mon attention. Les fabricants ne semblent plus communiquer là-dessus, les marges de progrès sont ailleurs.

Pourtant, j’ai quand même réussi à entrevoir quelques petites choses intéressantes ou, du moins, qui valent la peine d’en parler. Les silicones, tout le monde en vend, mais aucun ne se détache réellement du lot. 3M ESPE, l’un des leaders du marché dans ce domaine,...


De bonnes pâtes

En matière de matériaux à empreinte, rien n’a vraiment attiré mon attention. Les fabricants ne semblent plus communiquer là-dessus, les marges de progrès sont ailleurs.

Pourtant, j’ai quand même réussi à entrevoir quelques petites choses intéressantes ou, du moins, qui valent la peine d’en parler. Les silicones, tout le monde en vend, mais aucun ne se détache réellement du lot. 3M ESPE, l’un des leaders du marché dans ce domaine, tente une nouvelle percée avec son Imprint 4 (fig. 55). Les étiquettes monochromes des cartouches, très jolies avec leurs caractères noirs sur fond de couleurs vives, m’ont fait penser aux bons points que nous distribuaient jadis nos instituteurs. Insupportable époque, heureusement révolue, où l’on récompensait les élèves méritants et sanctionnait ceux qui n’avaient pas bien travaillé ! Le représentant de la firme, un Anglais, commence à me démontrer tous les avantages du produit : en wash technique, le putty a un temps de prise ultrarapide et les light présentent un caractère hydrophile inégalé pour un silicone, me dit-il en commentant le dépliant illustré de photos très explicites où l’on compare le comportement d’une goutte d’eau sur différents produits concurrents. Quand je lui déclare que je suis un utilisateur inconditionnel de l’Impregum Pentasoft, il avoue en baissant les bras que c’est vrai : aucun silicone ne lui arrive encore à la cheville sur ce plan.

Ce ne sont pas les matériaux à empreinte qui sont intéressants aujourd’hui, mais leurs techniques de mélange. Le Français Prophytec, installé dans la fameuse vallée du plastique du côté d’Oyonnax, étonne par son dynamisme et sa capacité d’innovation. Il y a déjà près de 2 ans, des représentants de la société nous distribuaient gratuitement, lors de l’exposition de l’ADF, de petites capsules vides, les Prophy Cap, destinées à mélanger n’importe quel produit ou ciment en poudre et liquide (fig. 56). Une fois remplies à la main, elles sont installées sur un vibreur puis s’utilisent avec un pistolet de type Aplicap ou Maxicap (3M ESPE) selon la capacité. Ce concept est également valable pour le mélange extemporané de silicone fluide. Le fabricant assure une économie d’au moins 25 % de produit par rapport à ce qui est perdu dans un embout mélangeur de cartouche pour pistolet. Pour optimiser ces résultats, il a mis au point une machine très astucieuse, la Prophy Box, qui distribue automatiquement les pâtes dans ses capsules (fig. 57). De la taille d’un distributeur mural de serviettes en papier, mais moins profonde, elle peut accueillir 2 cartouches de 50 ou 25 ml de silicone. Un panneau à affichage digital et commande par cellule optique permet de sélectionner le produit et la quantité à délivrer dans la capsule (de 1 à 3 doses). Celle-ci est remplie en 1 ou 2 secondes, refermée et placée sur le vibreur. Le mélange, parfaitement homogène, est disponible immédiatement pour l’utilisation en bouche grâce au pistolet applicateur. Une démonstration particulièrement explicite de la manœuvre et des avantages de l’appareil est consultable sur YouTube à l’adresse : http://www.youtube.com/watch?v=XMKps2KLcNY. Moins original et plus classique, le Suisse Sulzer Mixpac s’expose pour la première fois à l’IDS. Ce fabricant conçoit et distribue, pour tous les fournisseurs de la planète, tous les pistolets et cartouches de matériaux et pâtes diverses préparés par automélange. Sérieusement concurrencé par les Asiatiques, il a décidé de frapper un grand coup en proposant de tous nouveaux embouts mélangeurs pour ses cartouches. Ceux-ci conservent leur forme habituelle, notamment l’embase de couleur qui permet l’identification immédiate de leur taille : turquoise, rose, jaune, bleu et marron. Ce qui diffère, c’est leur longueur, réduite d’environ 2 cm par rapport aux versions précédentes. Le mécanisme à l’intérieur a été modifié : au lieu d’une sorte d’hélice, ce sont de petites plaquettes transversales. Selon le fabricant, la force nécessaire à l’extrusion est inférieure et le gain de produit peut aller jusqu’à 28 % (fig. 58). Il profite du salon pour proposer un nouveau pistolet au design plus moderne, un peu plus volumineux, mais avec une prise en main plus facile que le précédent (fig. 59). Enfin, d’autres embouts mélangeurs nommés Colibri, équipés à leur extrémité d’une canule métallique, sont également disponibles. Celle-ci peut être pliée à volonté sans réduction du débit de la pâte.

La vie en couleur

Même si les techniques d’empreinte à l’aide d’élastomères ont certainement encore un bel avenir, tous les yeux se tournent aujourd’hui vers les méthodes d’enregistrement numérique.

Chaque édition de l’IDS est l’occasion de découvrir de nouvelles méthodes plus époustouflantes que les fois précédentes. Cette année, j’ai été interpellé par une innovation sans précédent : les empreintes numériques en couleur. C’est Sirona qui a ouvert le bal avec son Omnicam que l’on utilise sans poudre (fig. 60). La grande compagnie allemande a quelques longueurs d’avance sur la concurrence puisque c’est la première à avoir mis au point non seulement les empreintes numériques mais encore la conception et la fabrication de prothèses par ordinateur. Elle dispose désormais de trois systèmes : Bluecam, Omnicam et un troisième, plus simple, l’Appolo DI (fig. 61). Les capteurs sont différents : si la Bluecam et l’Appolo DI restent assez massives, l’Omnicam ressemble presque à une caméra intrabuccale avec un embout de taille parfaitement raisonnable. Mais c’est la société 3D Shape qui attire tous les regards (fig. 62). Imaginez une photographie en trois dimensions de la bouche de vos patients qui apparaît sur l’écran de l’ordinateur et que l’on peut manipuler dans toutes les directions pour l’observer sous tous les angles. On distingue non seulement les reliefs, ce qui somme toute est devenu assez banal, mais également les couleurs : la gencive rose ou rouge, la dentine jaune pâle ou brune, les obturations existantes, de quoi voir parfaitement les limites de la préparation prothétique comme on ne l’avait jamais fait auparavant. Et cela à n’importe quel grossissement puisqu’un zoom permet d’agrandir considérablement les images pour mieux les analyser (fig. 63). Vous l’avez compris, dans ces conditions et grâce à ce système, plus besoin de poudrage des dents, avec son lot d’erreurs, d’incertitudes et d’aspect fastidieux. La caméra intrabuccale scanne les images en continu, lorsque l’opérateur balaye les surfaces de son faisceau. L’image se forme petit à petit sur l’écran. Le patient souhaite fermer la bouche un instant ? Rien de plus facile. Quand il est de nouveau disponible, la caméra repasse à l’endroit voulu et l’image poursuit sa reconstitution. Vous n’êtes pas satisfait de l’enregistrement d’une zone qui était couverte de salive ou de sang ? Vous l’effacez à l’écran et pouvez en reprendre la prise de vue une fois le champ opératoire asséché. Celle-ci s’inscrit automatiquement à la place du blanc. L’arcade entière peut être ainsi reconstituée mais, selon des personnes bien informées, la méthode ne serait pas encore assez fiable pour des prothèses de grande étendue en raison de déformations toujours possibles. Qu’à cela ne tienne, pour une dent unitaire ou un petit bridge, aucun problème ! Le fabricant annonce même l’enregistrement possible de préparations pour inlay-cores. Bon, pour l’instant, la caméra semble énorme et le temps d’enregistrement pas très rapide. C’est une évidence, tout cela coûte encore bien cher, mais qui sait si, demain, nous n’aurons pas tous ce genre d’équipement dans nos cabinets ?

Galettes à moulins

Dans le domaine de la prothèse, les mutations sont considérables. Cette année, j’ai été frappé par le nombre de nouveaux matériaux usinables mis sur le marché.

Finie la domination des traditionnelles céramiques feldspathiques, de la zircone, des composites et métaux divers. Nous voyons désormais arriver de nouveaux matériaux à usiner, sous forme de petits plots pour le cabinet ou de grandes galettes pour le laboratoire d’où la fraiseuse va dégager plusieurs dizaines d’éléments en un temps record.

La société autrichienne Amann Girrbach vient de mettre au point un nouveau composé métallique à base de chrome-cobalt assez tendre pour être fraisé au laboratoire de prothèses plutôt que dans de grandes unités industrielles. Le Ceramfill Sintron a la texture de la cire et peut être aisément travaillé avec un équipement standard. Un traitement thermique dans un four à sintériser permet d’obtenir in fine un alliage sans bulles, très homogène, avec des propriétés mécaniques excellentes. Cette méthode s’avère plus précise que la coulée d’une maquette en cire perdue. Elle peut également servir à la confection d’armatures de prothèses céramo-métalliques (fig. 64). Ce produit et les équipements ad hoc seront en vente au mois d’octobre, selon le communiqué de presse du fabricant (www.amanngirrbach.com).

Chez Dentsply, ou plutôt sa filiale allemande DeguDent, un produit similaire est proposé : le Crypton peut être usiné sur des machines Cerec inLab MC XL (Sirona) ou Brain MC XL (DeguDent). Il se présente en plots plus ou moins longs de forme parallélépipédique. Le matériau de base a un volume de 10 % supérieur à celui de l’alliage définitif, obtenu lui aussi par sintérisation dans un four.

Mais le plus spectaculaire est un autre produit mis au point par DeguDent, à vocation esthétique celui-là, le Celtra. Une très jolie publicité représentant un cheval l’illustre sur de grands panneaux déployés sur le stand (fig. 65). Il s’agit d’un silicate de lithium renforcé par de la zircone. Celle-ci est dissoute dans la matrice de verre de silice pour augmenter sa résistance à la flexion tout en conservant un aspect esthétique optimal. Une version spéciale, dénommée Celtra Duo, est destinée aux utilisateurs du système Cerec. Selon le fabricant, l’usinage est rapide, tout comme le traitement thermique plus court que celui des matériaux concurrents.

3M ESPE a fait beaucoup parler de lui cette année avec l’Ultimate qui, contrairement à ce que laisse à penser la publicité, n’est autre qu’un composite usinable aux très hautes performances. D’autres fabricants moins connus proposent également des matériaux hybrides. C’est le cas de Creamed (Marburg) avec l’Amabarino High Class. Ce dernier posséderait des propriétés mécaniques exceptionnelles : une résistance à la flexion de 170 MPa et à la compression 480 à 500 MPa, réduisant les risques d’éclats. Il serait indiqué même en cas de bruxisme. Naturellement, on peut le réparer au fauteuil avec un composite conventionnel auquel il se liera facilement en raison de la similitude de composition chimique.

Plusieurs types de matériaux usinables à base de résine sont aujourd’hui disponibles. Certains sont employés pour réaliser des maquettes calcinables pour le procédé traditionnel de cire perdue, d’autres pour des couronnes et bridges provisoires ou définitifs (http://www.pressing-dental.com/pdf/cadcam/prod_cad-cam-eng.pdf). On trouve également des matériaux flexibles pour réaliser des bases d’appareils amovibles complets ou partiels entièrement usinés, quoique un tantinet mastoc chez l’Allemand DentalPlus.

Mais c’est l’Allemand VITA qui dévoile l’innovation la plus spectaculaire, l’Enamic (fig. 66). Ce matériau est un véritable hybride qui combine les avantages de deux mondes : la résistance mécanique de la céramique et l’élasticité de la résine. On pourrait également le qualifier de composite, mais son mode de fabrication est totalement différent des autres et très original. Il est constitué à 86 % en poids d’une céramique poreuse, infiltrée secondairement d’une résine sous très haute pression qui remplit tous les espaces vides. Une fois polymérisée, celle-ci assure la cohésion de l’ensemble qui est non seulement extrêmement résistant mais également assez élastique pour ne pas se fracturer sous l’effet des forces de mastication. Le matériau s’usine à froid plus rapidement qu’une céramique conventionnelle et n’a à subir aucun traitement thermique ni glaçage par la suite comme c’est le cas des céramiques conventionnelles. Il se polit à l’aide de simples meulettes caoutchoutées. Selon le fabricant, les restaurations en Enamic sont réalisées en moins de 4 minutes 30, dans les machines Cerec InLab MC XL. Un seul jeu de fraises peut usiner jusqu’à 148 éléments. Grâce à la structure du polymère, la propagation des craquelures est rapidement stoppée, contrairement à ce qui se passe dans les matériaux entièrement minéraux. Son élasticité relative permet de réduire l’épaisseur et la largeur des préparations pour une dentisterie moins invasive. Les bords de la restauration, enfin, peuvent être usinés de manière très fine sans risques de fracture. Enamic est disponible en 5 teintes et 2 niveaux de translucidité.