À la pointe de l’épée - Clinic n° 03 du 02/03/2016
 

Clinic n° 03 du 02/03/2016

 

Passions

Catherine Faye  

Qu’elle esquive, passe à l’offensive ou riposte, Isabelle Spennato-Lamour est avant tout une femme d’engagement et de tempérament. Depuis plus de 30 ans, la persévérance et l’enthousiasme ont nourri sans relâche son implication passionnée et altruiste, que ce soit dans le monde de l’escrime ou dans son cabinet dentaire (Val-d’Oise). Rencontre avec la présidente de la Fédération française d’escrime (FFE) pour qui sport rime avec état d’esprit.

À quel âge avez-vous commencé à manier le fleuret ?

Vers l’âge de 6 ans, je suis entrée pour la première fois dans une salle d’armes avec mon père. Quelques temps après, c’est lui qui a décidé que je ferai de l’escrime. Les débuts ont été rébarbatifs car j’ai été initiée selon une méthode à l’ancienne où l’aspect ludique était accessoire – le contraire de ce qui se fait aujourd’hui. Mais j’ai reçu une éducation stricte et exigeante qui ne laissait pas beaucoup de place aux revendications. C’est lorsqu’il a fallu relever des défis, vers l’âge de 10 ans, que j’ai commencé à m’épanouir dans ce sport. La compétition m’a tout de suite accrochée et enthousiasmée.

A-t-il été compliqué de mener de front école et escrime ?

Que j’aille en cours la journée et à la salle d’armes tous les soirs n’a jamais été un problème. Lorsque j’avais 14 ans, on ne se posait pas ce genre de question. D’ailleurs, en général, un gamin qui fait beaucoup de sport et qui est bien dans sa tête est bien aussi à l’école.

Cela vous a-t-il conduit à devoir choisir entre des études universitaires et une carrière sportive ?

Il n’a jamais été question de faire ce type de choix, car j’ai toujours voulu que l’escrime reste une passion. Mais il m’a fallu faire un break dans mon parcours de jeune escrimeuse pour pouvoir passer le concours de médecine. Ensuite, j’ai très vite compris que si je voulais concilier les deux, la dentisterie serait plus adaptée.

Vous avez, par la suite, repris les championnats d’escrime pendant vos études ?

À la faculté d’odontologie de Lyon, j’ai eu la chance d’avoir un doyen, des professeurs et des amis qui ont compris ce que représentait le sport pour moi et qui m’ont soutenue. On m’a accordé un emploi du temps aménagé en fonction de mes compétitions et la possibilité de changer de groupe si nécessaire. Pour le reste, j’ai passé les mêmes examens que les autres étudiants, avec les mêmes exigences. Je me souviens de leur mobilisation lors de ma qualification et de ma performance pour les Jeux olympiques d’été à Séoul, en 1988. J’étais en 3e année. Aujourd’hui, j’explique aux entreprises et aux écoles qu’un double projet crée une émulation et du lien.

Après avoir soutenu votre thèse en 1991, avez-vous tout de suite exercé ?

J’ai d’abord décidé de me consacrer pleinement à mon sport et, pendant deux années, je n’ai pas beaucoup touché de turbine ou de fraise. J’ai notamment pris part aux Jeux olympiques d’été de Barcelone en 1992. Puis, j’ai remis le pied à l’étrier grâce à des amis qui m’ont accueillie dans leur cabinet lyonnais. Jusqu’à ce que j’apprenne qu’un chirurgien-dentiste, fleurettiste comme moi et également président d’un club d’escrime dans le Val-d’Oise, cherchait une collaboratrice. Le fruit du hasard et une belle rencontre ! Notre collaboration a aujourd’hui 23 ans.

L’escrime requiert-elle des qualités particulières ?

C’est un sport très complet où un grand nombre de facteurs – physique, technique, tactique, psychologique – permettent d’augmenter les performances. Mais on peut compenser d’un aspect à l’autre. Comme dans mon cas où, tactiquement, je suis le mieux formatée. C’est un sport où il faut construire son match, sa touche, où il faut être rusé. Je suis une combattante et j’aime relever des défis sans jamais rien lâcher.

Quels seraient les points communs entre dentisterie et escrime ?

Ce sont deux métiers difficiles où volonté, détermination et approche psychologique (gestion de la tension, concentration) sont de rigueur. Dans les deux cas, il faut être capable de prendre sur soi.

Qu’est-ce que l’escrime vous a apporté de particulier ?

L’escrime, c’est d’abord une famille à laquelle j’appartiens, en plus de la mienne. Ce sport, à la fois individuel et par équipe, crée des liens forts, comme la relation de proximité avec son maître d’armes. Enfin, au-delà de son élégance, il y a tout un patrimoine de l’escrime : littérature, armes anciennes ou salles d’armes – dont celle du Masque de Fer à Lyon, où je m’entraînais et qui m’a marquée par son atmosphère, l’odeur du cuir, du plastron des maîtres d’armes…

Depuis 2013, vous êtes également présidente de la FFE…

J’ai été élue dans la continuité de mon parcours d’ancienne fleurettiste et de membre du comité directeur de la FFE. Une façon pour moi de transposer mes compétences au service du développement du sport et de sa mise en lumière. Une tâche plus compliquée que lorsque j’étais athlète. Mais l’histoire se répète car je suis entourée par une équipe incroyable, soudée et confiante.

Comment organisez-vous votre emploi du temps ?

Je suis au cabinet 3 jours par semaine et, surtout, j’ai une assistante en or, très réactive, qui modifie le planning et déplace les rendez-vous des patients en cas de changement de dernière minute ou de problème à résoudre – comme l’accident d’un athlète à l’étranger lors d’une compétition. Mais, en général, les réunions à la Fédération sont prévues longtemps à l’avance et une partie de mon activité a lieu le week-end.

Vous venez d’être décorée de la Légion d’honneur. Une fierté ?

Je suis très sensible à la reconnaissance de la République pour mon engagement bénévole et le travail accompli collectivement. C’est donc une distinction que je partage avec les autres. Mais je suis également fière du parcours de mon mari, Jean-François Lamour, ancien ministre des Sports et champion olympique au sabre, qui m’a toujours accompagnée et soutenue.

Avez-vous un mentor ?

Je suis fan de d’Artagnan. C’est mon personnage de référence pour sa droiture, son courage et son côté romanesque. Il part de rien, va sauver la reine Anne d’Autriche… C’est mon héros, sans hésitation.