BNC ou SELARL : entre les deux mon cœur balance… - Clinic n° 03 du 02/03/2016
 

Clinic n° 03 du 02/03/2016

 

Patrimoine

Me Truchot*   Anne-Claire Dutreuil**   Catherine BEL***  


*avocat à la cour (cabinet FIDAL, Brest)
**diplôme de notaire collaborateur (Patrimoine Premier)
***PATRIMOINE PREMIER CIF réf. sous n° A043000 par la CIP Assoc. agréée par l’AMF catherinebel@patrimoinepremier.com

Vous êtes nombreux à nous interroger sur les attraits de la société d’exercice libéral (SEL). Toutefois, vous vous demandez si c’est bien pour vous, si c’est adapté à votre situation, ce que peut vous apporter la société. Et quel en est le coût, bien sûr.

C’est ce que nous avons voulu savoir et nous avons mené notre enquête et interrogé deux spécialistes pour vous répondre.

En préambule, il faut être clair, la SEL n’est pas pour tout le monde, notamment si vous devez avoir le même comportement en société qu’en BNC (bénéfices non commerciaux). Dans ce cas, oubliez ! Car la société pourra même vous coûter plus cher fiscalement et socialement que votre régime de BNC.

Pouvez-vous nous préciser les différences essentielles entre les BNC et la SELARL (société d’exercice libéral à responsabilité limitée) ?

L’esprit est très différent. En effet, lorsque vous êtes en BNC, vous exercez votre activité de manière individuelle même si vous partagez souvent un certain nombre de coûts au travers d’une société civile de moyens (SCM).

En revanche, si vous optez pour la SEL, c’est que vous souhaitez vous associer – hors cas de la société d’exercice libéral unipersonnelle à responsabilité limitée (SELURL) – et accepter les avantages mais aussi les inconvénients de l’association comme le partage du bénéfice qui ne sera pas toujours en relation avec l’investissement personnel au quotidien de chaque associé.

En matière fiscale, en BNC, c’est la totalité du résultat qui est soumis à l’impôt sur le revenu, alors que pour la SEL, le résultat est soumis à l’impôt sur les sociétés de 15 % jusqu’à 38 120 € et à 33 1/3 au-delà.

En matière sociale, là aussi, en BNC, c’est l’intégralité du résultat qui est soumis aux cotisations sociales, alors que pour la SEL, seule la rémunération appréhendée (de gérance) est soumise à cotisation ainsi que les éventuels dividendes.

Est-ce que je peux être le seul associé en SEL ?

Le principe est d’être au minimum 2 associés. Mais l’exception existe avec la SELURL ou la SASU (société par actions simplifiée unipersonnelle) avec son associé unique.

Comment puis-je constituer une SELARL ?

La rédaction des statuts est particulièrement importante et elle doit être extrêmement soignée et surtout adaptée à votre situation avec, notamment, certaines clauses qui vous éviteront quelques déboires dans votre vie d’associé, notamment en cas de décès d’un des associés ou en cas de divorce, ou encore lors de l’entrée d’un nouvel associé dans la structure. Évitez donc les copier-coller de statuts sous peine de découvrir des bombes à retardement ! Une attention toute particulière sera portée à cette rédaction, notamment en ce qui concerne la gouvernance de la société (les majorités, la nomination du gérant, les pouvoirs du gérant…).

Comment est traitée la rémunération dans chacun des cas ?

Pour les BNC, la rémunération est égale au résultat. Elle est donc totalement imposée.

Pour la SELARL, la rémunération est le salaire de gérance décidé. Seule cette rémunération perçue est imposée.

Si la société dégage un résultat positif, une assemblée peut décider d’octroyer des dividendes.

Les dividendes sont soumis à cotisations sociales au-delà de 10 % du capital social + comptes courants d’associés ; en deçà, il n’y a pas de cotisations sociales mais des prélèvements sociaux (CSG et CRDS) de 15,5 %.

Sur le plan fiscal, les dividendes sont imposés à l’impôt sur le revenu mais sur une base de 60 % seulement grâce à l’abattement de 40 %.

En conclusion sur la rémunération : le régime des BNC est plutôt subi alors que dans la SELARL, on dose/lisse la rémunération avec la possibilité de thésauriser.

Existe-t-il un intérêt particulier quant à la gestion de la trésorerie si on opte pour la SELARL ?

L’assemblée générale décide de distribuer ou non les résultats. Si elle décide de ne pas les distribuer, ils sont mis en réserve, par précaution pour l’avenir, pour autofinancer des investissements ou des équipements, pour lisser les rémunérations, pour réaliser un projet à terme…

Ces sommes peuvent bien sûr être placées de manière à être rémunérées ; des solutions de placement permettent d’obtenir des rendements allant de 4 à 5 %. Vous avez même des solutions allemandes qui vous donneront des rémunérations de 5 % nettes d’impôt car celui-ci aura déjà été payé dans le pays d’origine.

Attention sur le plan fiscal ! Les réserves excessives ne sont pas sans risque fiscal. Elles doivent être justement dosées par rapport à la nécessité de l’activité. Dans le cas contraire, en cas de contrôle, l’excédent peut très bien être rebasculé dans le patrimoine privé et retenu pour recalculer votre impôt sur la fortune.

Attention sur le plan juridique : l’abus de majorité peut être recherché ! Ainsi, si la majorité impose aux autres la mise en réserve alors que c’est contraire aux intérêts de la minorité (qui, elle, a besoin de revenus par exemple), les minoritaires peuvent envisager de poursuivre pour abus de majorité car ils subissent les décisions majoritaires. Bien sûr, cela n’apparaîtra que s’il existe déjà des conflits par ailleurs.

Peut-on passer des BNC à la SELARL ?

Oui, bien sûr, et selon la formule retenue, la fiscalité applicable ne sera pas la même.

Vous pouvez opter pour l’apport de l’activité BNC à une société à créer. Dans cette hypothèse, il n’y a pas de financement à porter par la société.

L’apport déclenche une taxation sur les plus-values mais vous pouvez opter pour un report d’imposition et, ainsi, différer le paiement de l’impôt de plus-value sur l’incorporel tant que l’activité est poursuivie et/ou tant que les titres reçus en contrepartie sont conservés.

Vous pouvez opter pour la cession de l’activité. Dans ce cas, il y a lieu de prévoir un financement au niveau de la structure mais l’intérêt est, pour le vendeur, de récupérer un capital lui permettant de réaliser des investissements personnels.

La cession déclenche également une taxation des éventuelles plus-values mais, sous certaines conditions, elles peuvent être partiellement ou totalement exonérées. À défaut, les plus-values seront taxées comme des plus-values professionnelles.

Conclusion : quel est le choix le plus intéressant entre BNC et SELARL ?

Vous l’aurez compris, faire un tel choix nécessite une étude spécifique globale financière, fiscale, sociale, juridique et patrimoniale préalable. Il est essentiel de pouvoir cerner l’impact d’une telle décision.

2 questions de lecteurs

Je suis divorcé et ma fille de 23 ans, étudiante, me réclame une pension alimentaire. En a-t-elle le droit ?

Oui. Si elle n’a pas d’autres revenus, vous devrez lui verser une pension jusqu’à ce qu’elle puisse subvenir seule à ses besoins (en trouvant un emploi stable). Cette pension est bien évidemment déductible de vos revenus.

J’ai un enfant handicapé, comment faire pour le protéger ?

Il existe sur le marché des contrats d’assurance-vie spécifiques. Vous pouvez également signer chez le notaire un mandat de protection future afin de prévoir son avenir si vous veniez à décéder ou si vous n’aviez plus la capacité de vous occuper de lui.