Les yeux tournés vers la baie de Rio - Clinic n° 06 du 01/06/2016
 

Clinic n° 06 du 01/06/2016

 

Passions

Catherine bigot  

À 27 ans, Pierre Le Coq n’a pas encore vraiment trouvé le temps d’exercer son métier de chirurgien-dentiste. Et pour cause ! Champion du monde 2015 de planche à voile, il se prépare depuis plusieurs mois aux prochains Jeux olympiques d’été.

Comment avez-vous réussi à concilier le sport de haut niveau et vos études dentaires ?

Au début, j’ignorais que ce serait possible. La faculté dentaire de Brest n’avait jamais été confrontée à cette situation. Malgré mes absences répétées, parfois même aux examens, j’ai réussi à enchaîner les six années sans interruption. Mon planning était très chargé mais, heureusement pour moi, le pôle d’entraînement était lui aussi à Brest.

Pourquoi avoir choisi ce métier ?

Mes parents sont tous les deux ?chirurgiens-dentistes. Ce sont eux qui m’ont donné l’envie de me diriger vers cette profession. C’est un métier dont les techniques sont en perpétuelle évolution. Cela me correspond parfaitement. Et puis je suis quelqu’un de manuel qui a été habitué à bricoler dès le plus jeune âge. Enfant et adolescent, j’ai passé beaucoup de temps dans l’atelier de mon père, à fabriquer avec lui… des planches à voile !

Votre passion pour la planche a, elle aussi, un lien avec vos parents…

Oui, ils m’ont plongé dans l’univers maritime assez tôt. Ils étaient tous les deux passionnés de voile et mon père a même été champion de France de planche à voile dans les années 1980. J’ai commencé par naviguer sur les supports « école » classiques – Optimist, catamaran – mais j’ai craqué pour la planche à l’âge de 9 ans, dès que j’ai été assez costaud pour tenir une voile entre les mains. Je n’ai plus décroché depuis !

Quand avez-vous commencé la compétition ?

J’ai rapidement pris goût à la confrontation avec d’autres. Je n’aimais pas perdre et si je perdais, je voulais comprendre pourquoi et comment faire pour gagner la fois suivante. Je me suis très vite fixé des objectifs. Ma toute première compétition s’est déroulée à Brest. J’avais 12 ans et ai terminé 26e

Et ensuite ?

Mon palmarès a connu une progression classique. Les championnats de Bretagne d’abord, puis ceux de France. Mais les débuts n’ont pas été faciles. J’ai gagné mon premier titre de vice-champion de France à 13 ans. À partir de là et jusqu’à l’âge de 18 ans, j’ai passé mes étés un peu partout en France et à l’étranger pour participer à 7 championnats du monde. Réaliser 7 podiums en 7 championnats m’a évidemment encouragé à poursuivre.

Jusqu’à l’an dernier…

L’année 2015 a représenté un vrai tournant dans ma carrière de sportif puisque j’ai décroché le titre de champion du monde à Oman. Les mois précédant l’événement ont été très intenses, avec une grosse pression sur les épaules car j’y allais pour décrocher ma sélection aux JO de 2016. Je voulais juste être le premier Français… et j’ai réussi à être le premier mondial. Je n’y croyais pas !

Quelles sont les qualités requises pour atteindre un tel niveau ?

Physiquement, la planche à voile requiert explosivité et endurance. Il faut aussi savoir s’adapter en permanence à l’environnement naturel (vent, courants, changements météo). Au cours d’une même journée de compétition, les éléments extérieurs évoluent et on se retrouve comme dans une partie d’échecs.

Les qualités mentales sont également importantes car les compétitions sont longues. En général elles exigent de pouvoir soutenir la pression durant 5 jours, à raison de 3 manches de 20 à 25 minutes par jour. Nerveusement, c’est vraiment fatigant.

Comment vous préparez-vous aux Jeux ?

Le programme d’entraînement a été planifié de façon millimétrée avec l’équipe qui m’accompagne. Depuis début mars on est tous à fond ! J’ai eu par exemple 3 semaines d’entraînement intensif en avril, avec des navigations quotidiennes d’au moins 3 heures et jusqu’à 7 heures certains jours. En plus des navigations, je travaille le côté cardio et la puissance musculaire en faisant du vélo et de la musculation.

Il y a aussi des temps de récupération, pendant lesquels je ne mets pas les pieds sur une planche.

Vous connaissez déjà le plan d’eau de Rio

Oui, j’y navigue régulièrement depuis 2013. J’y retourne fin mai et fin juin pour continuer à emmagasiner de l’expérience, prendre des repères, m’habituer aux vents, aux courants et à toutes les caractéristiques de la baie, qui est assez compliquée.

Mais je m’entraîne aussi beaucoup en Bretagne – à Brest, Quiberon, Saint-Brieuc – pour varier les plans d’eau et me frotter à toutes les conditions météo.

Après les JO, comment voyez-vous votre avenir professionnel ?

Je ne sais pas encore si je poursuivrai la planche de haut niveau. Le résultat de Rio m’aidera sans doute à me décider.

Il me reste encore à passer ma thèse mais j’ai hâte de retravailler. Mon équilibre passe aussi par la dentisterie et la pratique du métier me manque.

Je sais en tout cas que j’exercerai en libéral, pourquoi pas en commençant par un ou des remplacements dans les DOM TOM ?

Bientôt les JO !

Trente-cinq compétiteurs s’affronteront dans la discipline planche à voile hommes du 8 au 14 août prochain.

Ils navigueront tous sur une planche monotype RS:X de la marque NeilPryde (2,86 m de long sur 0,93 m de large), équipée d’une voile de 9,5 m2.