Attention aux pièges des revenus fonciers ! - Clinic n° 08 du 01/09/2014
 

Clinic n° 08 du 01/09/2014

 

Patrimoine

Maître JÉRÔME TRUCHOT  

cabinet Fidal – Sociétés d’avocats

Les mauvaises surprises sont légion en matière de contentieux fiscal concernant les revenus fonciers (revenus de vos locations nues comme vos SCI par exemple pour vos cabinets). Elles pourraient être souvent évitées car elles sont dues à des oublis ou à la méconnaissance de certains principes. Donc, nous vous proposons d’effectuer une série de rappels et d’alertes dans cette chronique et celles à venir pour vous aider à éviter certains pièges.

Comme nous le verrons, le diable se cache souvent dans les détails !

En cette période estivale, nous examinerons une première condition générale à respecter pour pouvoir déduire les charges foncières. Celle-ci est constituée par la finalité locative, en d’autres termes l’objectif à atteindre est bien la location du bien. Mais comment remplir cette condition en cas de vacance de votre appartement ou de votre maison, si votre bien n’est pas loué ? C’est ce que nous allons voir de manière concrète et illustrée par plusieurs affaires portées devant les tribunaux.

En effet, le Code général des impôts indique que :

• pour être déductible, la dépense doit avoir pour objet un immeuble ou une partie d’immeuble dont les revenus sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers ;

• la dépense doit, en outre, être engagée en vue de l’acquisition ou de la conservation du revenu foncier ;

• en revanche, attention car (selon le fameux article 15-II du Code général des impôts) les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu et, par suite, les charges foncières n’en sont pas déductibles.

À la lecture de cet article, tout un chacun pense que si « un propriétaire se réserve la jouissance d’un bien », c’est l’hypothèse où il habite personnellement ce logement.

Mais cette expression s’applique également lorsque le logement est vacant (non loué). En effet, différentes cours administratives d’appel ont eu l’occasion de rappeler la règle selon laquelle :

• les charges afférentes à un immeuble ne sont déductibles que si elles se rapportent à une propriété productive de revenus fonciers ;

• si le bien n’est pas loué, un propriétaire doit être regardé comme conservant la jouissance de son immeuble, sauf s’il est établi qu’il a accompli des diligences particulières en vue de louer ce bien, en d’autres termes qu’il a bien mis en œuvre tous les moyens possibles pour le louer. Nous allons voir lesquels ci-dessous.

Trois jurisprudences vous sont proposées pour illustrer ce que l’on peut appeler « les diligences particulières » attendues par les juges pour permettre de déduire les charges foncières malgré l’absence de revenus, donc lorsque le bien n’est pas loué.

1. Un propriétaire d’une maison doit être regardé comme s’étant réservé la jouissance de ce bien :

• malgré le fait qu’il n’a pas effectivement occupé celui-ci ;

• alors même qu’il a cherché à le mettre en location par l’intermédiaire d’une agence immobilière ;

• et alors qu’il n’a pas démontré avoir pris toutes les dispositions nécessaires à la conclusion d’une telle location, notamment en proposant, compte tenu du caractère infructueux des recherches de locataires, un loyer inférieur au marché (Cour administrative d’appel de Nantes, 19 janvier 2012, n° 11NT00461).

2. Doit être considéré comme s’étant réservé la jouissance d’une maison, le contribuable qui ne peut pas justifier avoir accompli des diligences suffisantes pour parvenir à louer ce bien :

• après l’expulsion du locataire, des visites ont été organisées dix mois plus tard ;

• une proposition ferme de location comportant l’exonération de deux mois de loyers en contrepartie de la réalisation de travaux de remise en état a été déclinée par le propriétaire ;

• il n’a pas diminué le prix du loyer ;

• et des travaux de remise en état de ce bien ont été achevés juste avant la vente de l’immeuble (Cour administrative d’appel de Bordeaux, 26 janvier 2012, n° 10BX02841).

3. « La circonstance que ce logement aurait été loué postérieurement ne permet pas de justifier l’intention de louer au cours des années en litige dès lors que le propriétaire n’apporte aucun élément pour justifier le décalage entre les travaux dont il demande la prise en compte et la première location du bien » ; en d’autres termes, le temps qui s’est écoulé entre la fin des travaux et la location n’a pas été justifié pour les juges (Cour administrative d’appel de Marseille, 10 mars 2012, n° 08MA00973).

Vous l’aurez compris, en cas de vacance d’un logement, le propriétaire avisé se sera constitué un dossier avec toutes les preuves possibles démontrant que l’absence de location ne s’explique que par des raisons qui lui sont extérieures.

Dans ces trois arrêts, les juges ont relevé que les propriétaires n’avaient pas mis en œuvre suffisamment de moyens permettant de penser qu’ils avaient une réelle volonté de louer. Ils ont donc déduit qu’ils s’en étaient réservé la jouissance et, donc, qu’ils ne pouvaient pas déduire les charges de ce fait !

NOTRE CONSEIL

En cas de vacance du logement

L’absence de loyers laisse présumer que le propriétaire s’est réservé la jouissance du bien immobilier, même s’il ne l’habite pas, ce qui implique pour le propriétaire l’interdiction de déduire les charges foncières.

Il convient alors de démontrer :

• l’intention de mettre en location ce bien immobilier (annonces, agences…) ;

• que toutes les diligences ont bien été prises, y compris de proposer un loyer inférieur au marché, en tenant compte de délais « cohérents »…

N’hésitez donc pas à vous renseigner au préalable auprès de votre conseil pour valider votre démarche.

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