De l’enseignement à la pratique - Clinic n° 09 du 01/10/2014
 

Clinic n° 09 du 01/10/2014

 

C’est mon avis

Matthieu DOHRMANN  

Chirurgien-dentiste

Il arrive que je me félicite d’avoir bénéficié d’une bonne « formation initiale ». Le jour où, probablement en panne d’inspiration, je décide de réutiliser mon stock de bagues de cuivre pour un cas clinique que je ne pensais pas pouvoir gérer autrement… ou alors lorsque, pour la première fois en 8 ans d’exercice, la réalisation d’un inlay-core en technique directe s’impose absolument.

Ces cas sont néanmoins rares. Le plus souvent, confronté à une...


Il arrive que je me félicite d’avoir bénéficié d’une bonne « formation initiale ». Le jour où, probablement en panne d’inspiration, je décide de réutiliser mon stock de bagues de cuivre pour un cas clinique que je ne pensais pas pouvoir gérer autrement… ou alors lorsque, pour la première fois en 8 ans d’exercice, la réalisation d’un inlay-core en technique directe s’impose absolument.

Ces cas sont néanmoins rares. Le plus souvent, confronté à une situation atypique, je me surprends à penser à mes enseignants et à regretter de ne plus pouvoir leur poser la question dont la réponse me sortirait de mon embarras.

Il faut dire que la rupture avec la faculté est brutale, particulièrement, et c’est mon cas, quand l’éloignement géographique est important.

Pour parler de mon expérience, j’exerce depuis 8 ans, et j’ai toujours choisi l’exercice libéral. Plus atypique, j’ai commencé par 2 ans de remplacement, qui m’ont permis de visiter ma nouvelle région, mais aussi de « visiter » de nombreux cabinets, afin de mieux cerner l’exercice qui me conviendrait. Car là réside une des grandes lacunes de la formation initiale que j’ai reçue : la préparation au monde réel, au cabinet dentaire. Alors je sais bien que peu de temps après, le stage actif a été mis en place, et je suis persuadé que cela peut être une bonne chose, mais il ne peut embrasser la totalité des préoccupations du praticien libéral. Enchaînement et rentabilité des actes, gestion du planning, gestion du personnel, mise en conformité du cabinet aux normes incendie, à la traçabilité, aux affichages obligatoires de toutes sortes, à l’accessibilité aux handicapés, à l’élimination des déchets, à la radioprotection…

La structure dans laquelle je travaille est une SCM de deux praticiens. Nous avons un collaborateur et quatre assistantes à temps plein. Il s’agit donc d’une petite entreprise, mais sa gestion s’apprend sur le tas.

Mais revenons-en aux patients. Quand j’ai débuté, dans un cabinet où le planning affichait 25 rendez-vous de 8 h 00 à 19 h 00, il fallait répondre vite (et bien) aux interrogations et aux demandes : ce qui m’a le plus perturbé, c’est l’absence de cause évidente aux maux des patients. Radios, tests de vitalité, examen clinique, interrogatoire… rien n’y fait, on n’en comprend pas l’origine… Pour moi, jeune praticien, il était évident que les diagnostics s’établissaient selon un arbre décisionnel immuable, scientifique, et enseigné à la fac ! Mais aussi bon soit-il, il ne prend pas en compte la psychologie et le vécu des personnes que nous avons en face de nous.

Alors, la seule chose manquante à ma formation initiale, serait-ce l’expérience ? Certainement pas. Le cloisonnement des disciplines, les coupes volontaires dans les programmes, considérant justement que les actes les plus complexes viendront avec les années de pratique, sont autant de points négatifs qu’il convient de soulever.

Plus concrètement, l’ordre des enseignements est parfois inopportun à mon sens : la pharmacologie en troisième année par exemple. Leur contenu est parfois anachronique, j’ai déjà mentionné les bagues de cuivre…

À l’heure d’Internet, la formation initiale doit aussi armer les jeunes praticiens face aux interrogations des patients : que peut-on répondre aux patients phobiques du mercure, aux réfractaires aux rayons X ou à ceux qui refusent le fluor et préfèrent l’argile ? Ce qui manque aux étudiants en formation initiale, c’est la vision du praticien, celle qui permettrait de poser les bonnes questions. Alors, à l’heure des réseaux sociaux, des forums, un suivi lors de la première année d’exercice serait un vrai plus, le temps de rencontrer quelques situations cliniques atypiques. Pour conclure, je considère avoir bénéficié d’une bonne formation, cohérente puisque quasi immédiate (dès bac + 2 on se spécialise), évolutive (travail en TP, puis clinique, puis cabinet). En ai-je profité pleinement ? Probablement pas…