Réussir sa prothèse amovible : priorité aux aménagements préprothétiques - Clinic n° 10 du 01/10/2016
 

Clinic n° 10 du 01/10/2016

 

Congrès ADF 2016 Notre sélection de conférences

AVANT-PREMIÈRE

Maxime Helfer  

En prothèse amovible, le succès thérapeutique est plurifactoriel, c’est le fruit d’une réflexion globale : une étude attentive du cas clinique, l’anticipation des difficultés, la conception rigoureuse d’un plan de traitement et sa mise en œuvre, en particulier les différentes empreintes, notamment anatomo-fonctionnelles. Toute l’attention du praticien doit aussi être portée sur l’enregistrement des rapports intermaxillaires. Le traitement n’est pourtant pas terminé...


En prothèse amovible, le succès thérapeutique est plurifactoriel, c’est le fruit d’une réflexion globale : une étude attentive du cas clinique, l’anticipation des difficultés, la conception rigoureuse d’un plan de traitement et sa mise en œuvre, en particulier les différentes empreintes, notamment anatomo-fonctionnelles. Toute l’attention du praticien doit aussi être portée sur l’enregistrement des rapports intermaxillaires. Le traitement n’est pourtant pas terminé le jour de l’insertion prothétique mais se poursuit par les étapes de maintenance et de prophylaxie tant personnelles et que professionnelles.

Cette séance de conférence propose de rappeler les points essentiels qui doivent être mis en œuvre en amont de la réalisation prothétique proprement dite.

Étude préprothétique

L’étape de l’examen clinique permet d’appréhender les futures difficultés. Cet examen comporte toujours un volet général, notamment l’évaluation des attentes du patient et de son motif de consultation, évoqué ou parfois suggéré, et l’analyse psychologique. La réussite prothétique peut aussi se concrétiser par une préparation adaptée sur ce point.

Un examen locorégional extra-oral de face et de profil (dimension verticale, aspect esthétique des lèvres et du visage, aspect de la ligne du sourire et du plan d’occlusion, de la ligne bipupillaire) est primordial, complété par l’examen intra-oral des arcades et des tissus ostéo-muqueux environnants.

Enfin, la qualité (viscosité) et la quantité de la salive, souvent ignorées, sont pourtant facteur majeur d’intégration en prothèse amovible.

Des examens complémentaires accompagnent l’analyse clinique : des examens d’imagerie (radiographie panoramique, complétée par des clichés rétroalvéolaires et, éventuellement, un examen tomographique) et divers éléments permettant l’analyse en l’absence du patient. Il s’agit de photographies réalisées selon un protocole reproductible et, surtout, de modèles d’étude en plâtre montés sur un articulateur. Ces derniers doivent être d’excellente qualité, sans défaut, comporter l’ensemble des dents et des surfaces d’appui ostéo-muqueuses, coulés en plâtre dur pour conserver l’intégrité des morphologies lors des mouvements d’occlusion. Ils sont montés en relation centrée à l’aide d’une ou de plusieurs maquettes d’occlusion et de préférence avec un arc facial pour le modèle maxillaire (fig. 1 et 2).

Dès lors, l’étape d’analyse occlusale sur l’articulateur peut débuter, permettant d’objectiver :

• les édentements présents, les dents restantes, leur morphologie, leur situation au sein de l’arcade et des couloirs prothétiques ;

• les rapports interarcades, la valeur du plan d’occlusion, sa position et son orientation, les courbes occlusales.

L’emploi de papier marqueur coloré permet une analyse plus fine aussi bien statique (occlusion d’intercuspidie maximale) que dynamique en latéralité et en propulsion. L’utilisation de couleurs différentes facilite la lecture des enregistrements ainsi obtenus.

Projet prothétique

Après avoir évalué la valeur des dents restantes (intrinsèque et extrinsèque, notamment sur le plan parodontal et de leur position au sein de l’arcade), il faut matérialiser le futur projet prothétique.

Cela passe par la réalisation de maquettes en cire porteuses de dents artificielles pour compenser les édentements et de plasties sur les dents concernées. Il peut s’agir de corrections soustractives sur le plâtre plus ou moins importantes (qui indiqueront une thérapeutique adaptée, de l’améloplastie jusqu’à l’éventuelle extraction) ou de corrections additives matérialisées par céroplasties.

Cela constitue un fil conducteur, une maquette, qui guidera tous les actes préprothétiques et prothétiques au cabinet comme au laboratoire jusqu’à la finalisation de la prothèse d’usage (fig. 3 et 4).

Conception prothétique

En prothèse amovible partielle, la conception de l’infrastructure métallique, qui ne doit pas être déléguée au laboratoire, doit répondre à des impératifs biomécaniques et impose de manière systématique de préparer les dents supports afin d’adapter leur morphologie à la présence d’éléments du châssis métallique (fig. 5 et 6).

Il est essentiel de déterminer l’axe d’insertion de la prothèse par l’emploi d’un paralléliseur qui met en évidence les zones de retrait concernées par la situation des extrémités rétentrices des crochets. La conjonction du tracé prospectif et du trait issu du marquage au paralléliseur permet d’appréhender les éventuelles corrections à apporter aux dents supports pour favoriser l’insertion, la stabilisation et la rétention de la future prothèse amovible partielle. Ces corrections, strictement amélaires pour des raisons évidentes de protection du complexe dentino-pulpaire, sont réalisées avant les empreintes, dans un ordre précis : en premier lieu les améloplasties axiales (proximales, palatines ou linguales) liées à l’axe d’insertion choisi et au guidage ; en second lieu, les améloplasties occlusales, destinées au logement des taquets occlusaux et des appuis cingulaires. En troisième lieu, si cela s’avère nécessaire, il est possible d’augmenter une zone de retrait cervicale pour favoriser la rétention d’une extrémité de crochet. Cette chronologie est à respecter pour éviter que les corrections ne se modifient pas entre elles. Des fraises calibrées sont employées pour obtenir d’emblée les volumes de correction souhaités, suivies d’un polissage soigneux de toutes les surfaces préparées.

Tissus ostéo-muqueux et parodontaux

Les tissus ostéo-muqueux peuvent également nécessiter des étapes préparatoires.

Il conviendra d’entreprendre une préparation initiale de la cavité buccale permettant un assainissement du site (soins d’urgence, détartrage, éradication des foyers infectieux…).

La réalisation d’une prothèse transitoire accompagnée d’une mise en condition tissulaire, d’une part, évitera un certain nombre de gestes chirurgicaux et, d’autre part, guidera le chirurgien dans son geste technique dans le sens de l’économie tissulaire. La validation du projet thérapeutique, précédemment décrit, finira de fixer les objectifs des chirurgies à envisager (fig. 7 et 8).

Les lésions et anomalies des tissus durs représentent des indications fréquentes de chirurgies préprothétiques. Les extractions mal conduites, sans mise en condition tissulaire, nécessitent des interventions de régularisation osseuse limitée à une alvéole ou étendue à une portion d’arcade. Celles-ci permettent d’améliorer le positionnement du plan d’occlusion et d’augmenter une hauteur prothétique. Les tori palatins et mandibulaires ainsi que les exostoses interfèrent parfois avec les structures du châssis métallique et doivent être également réséqués.

Les lésions et anomalies des tissus mous appellent, elles aussi, des traitements chirurgicaux. Les frénectomies labiales et linguales relèvent des compétences du chirurgien-dentiste et participent à la stabilisation de la future prothèse en limitant sa désinsertion. Les traitements chirurgicaux des hyperplasies gingivales, lorsqu’elles n’ont pas pu être résolues par la mise en condition tissulaire, amélioreront la stabilisation et la sustentation. Il s’agit essentiellement des crêtes flottantes, des « feuillets de livre », des hyperplasies muqueuses des tubérosités et des fibromes.

Enfin, la chirurgie intéressera également l’environnement parodontal des dents supports afin d’augmenter une hauteur prophétiquement utilisable – distal wedge (excision cunéiforme), élongation coronaire… –, de renforcer un pilier grâce à une greffe gingivale ou encore d’améliorer une esthétique par un alignement des collets (fig. 9).

En fin de traitement chirurgical, le rôle de la prothèse transitoire et des résines à prise retard seront, là encore, d’une grande importance afin de guider la cicatrisation. Les interventions de chirurgie préprothétique demeurent un moyen efficace et rapide d’éliminer certaines causes d’échec en prothèse amovible mais elles doivent être pleinement justifiées et économes sur le plan tissulaire.

Conclusion

Trop souvent le praticien cherche à corriger des difficultés qui auraient pu être évitées par une préparation minutieuse des arcades dentaires, des morphologies des dents et/ou des tissus ostéo-muqueux et une conception prothétique adaptée. C’est son analyse et un plan de traitement rigoureux qui doivent permettre de prévenir les problèmes pour limiter ainsi les doléances au strict minimum et parvenir au succès thérapeutique à long terme.

Un point B38

Mercredi 23 novembre : 14 h-17 h

Responsable scientifique : Maxime Helfer (Nancy)

Modérateur : Jean-Paul Louis (UFR de Nancy)

Objectifs

• Optimiser le choix de ses concepts en prothèse amovible

• Se réapproprier l’utilisation de l’articulateur pour une meilleure conception prothétique