Quel futur pour la médecine dentaire dans notre pays ? - Clinic n° 11 du 01/11/2016
 

Clinic n° 11 du 01/11/2016

 

DE BOUCHE À OREILLE

Frédéric BESSE  

frbesse@hotmail.fr

Dix pour cent, c’est le chiffre incroyable publié par un jeune confrère à la suite d’un travail de recherche. Dix pour cent des jeunes diplômés n’ont JAMAIS touché un patient durant leurs études. Même si ce chiffre scandaleux va rappeler quelque chose à toute une génération de confrères plus proches de la retraite que de leur thèse, dans leurs cas, c’était un autre siècle. Un temps où l’on apprenait la dentisterie, au mieux l’art dentaire, dans des écoles...


Dix pour cent, c’est le chiffre incroyable publié par un jeune confrère à la suite d’un travail de recherche. Dix pour cent des jeunes diplômés n’ont JAMAIS touché un patient durant leurs études. Même si ce chiffre scandaleux va rappeler quelque chose à toute une génération de confrères plus proches de la retraite que de leur thèse, dans leurs cas, c’était un autre siècle. Un temps où l’on apprenait la dentisterie, au mieux l’art dentaire, dans des écoles fraîchement incorporées au système universitaire, avec des habitudes pédagogiques du xixe siècle !

Un tel constat au XXIe siècle, alors que l’on forme désormais des médecins de la bouche censés connaître parfaitement toutes les maladies de la bouche, des tissus, etc., est effrayant. Et cela quand la plupart d’entre eux ne pensent qu’à poser des implants (un maximum !), ce qui demande un minimum de maîtrise technique ainsi qu’une certaine pratique.

Dans le même temps, en 2015, 30 % des nouveaux inscrits à l’Ordre disposaient d’un diplôme étranger. Sans certitude aucune, on peut néanmoins fantasmer sur une relation malsaine entre des diplômes achetés à l’étranger et une certaine légèreté dans la formation. Surtout lorsque l’on a vécu et accompagné les difficultés techniques de confrères roumains « expérimentés » et incapables de faire une radiographie rétroalvéolaire. Ou discuté avec des confrères portugais « spécialistes » en ODF…

Il faut bien prendre conscience que les universités espagnoles et portugaises, privées, forment des chirurgiens-dentistes en quantité depuis des années. La situation y a évolué d’une pénurie dramatique à une pléthore catastrophique. La machine à produire des dentistes s’est emballée, personne n’ayant songé à réguler la situation en temps et en heure, au point que, désormais, 20 % des diplômés espagnols sont au chômage et 10 % exercent un autre métier. Les dentistes espagnols sont désormais trois fois plus nombreux que nécessaire et leurs revenus ont fondu comme neige au soleil de la Costa Brava. Tout cela alors qu’une grande partie de notre pays est considérée comme un désert médical…

La France est donc devenue le nouvel eldorado de la dentisterie européenne, grâce à ses tarifs élevés, son excellent système de financement (on ne rit pas, on compare !) et ses besoins énormes en praticiens dans certaines régions.

Est-ce à dire que nous allons incessamment voir déferler dans nos campagnes des praticiens formés à l’étranger, sans expérience clinique, parlant difficilement le français pour ceux dont ce n’est pas la langue maternelle et avides de planter des implants dans toutes les bouches ?

Cela est d’autant plus à craindre que ce mouvement de fond est encouragé par nos organismes financeurs, qui voient dans cette abondance à venir un bon moyen de faire travailler des dentistes pour des salaires ridicules qui leur permettront de confortables bénéfices.

Pauvres compatriotes sans voiture ou vraiment trop isolés !