Quand la Cour des comptes épingle le coût des soins dentaires - Clinic n° 12 du 01/12/2016
 

Clinic n° 12 du 01/12/2016

 

JURIDIQUE

Audrey UZEL  

Cabinet Houdart et
associés - Avocat au
barreau de Paris

Publié en septembre, le rapport de la Cour des comptes relatif à la Sécurité sociale n’est pas passé inaperçu. Bien au contraire, les projecteurs étaient focalisés sur les soins dentaires : désengagement financier de l’Assurance Maladie et échec de la politique conventionnelle à endiguer la dérive des coûts conduisent à des disparités importantes d’accès aux soins tant du point de vue géographique que financier. Les professionnels libéraux sont fortement pointés du doigt.

Les constats : la Cour des comptes regrette une « érosion continue » des prises en charge par l’Assurance Maladie. Seuls 33 % des 10,6 milliards d’euros de dépenses dentaires sont pris en charge par celle-ci, faisant des organismes d’assurance maladie complémentaires les premiers financeurs des soins dentaires (39 %). Cela n’est pas sans conséquence puisque les patients doivent assumer un reste à charge élevé (25 %), poussant nombre d’entre eux à des renoncements aux soins. Dénonçant ainsi « l’attentisme » des pouvoirs publics face aux conséquences du désengagement de l’Assurance Maladie, la Cour des comptes appelle à l’élaboration d’une nouvelle convention avec des « objectifs ambitieux et contraignants ». Son constat est, sur ce point, sans appel. Selon elle, les pouvoirs publics et l’Assurance Maladie font preuve d’une « faiblesse persistante » face aux professionnels de santé. Lors des révisions des conventions nationales, les professionnels se sont engagés pour éviter une hausse des prix des soins bucco-dentaires. Or, la Cour estime que les engagements pris par la profession ne sont pas à la hauteur des efforts, notamment financiers, consentis par l’Assurance Maladie. Notamment, les professionnels se sont engagés à ne pas pratiquer de dépassements d’honoraires sur tarifs conventionnels. Néanmoins, cette modération n’est pas respectée et de plus en plus de dépassements sont facturés. Également, alors que les praticiens se sont engagés à favoriser les reconstitutions dentaires plutôt que les prothèses, à efficacité comparable, dans un objectif de modération tarifaire des soins prothétiques, la Cour des comptes constate une chute des reconstitutions dentaires. Enfin, elle souligne encore qu’un trop grand nombre de professionnels ne respectent pas l’obligation de remise d’un devis détaillé au patient.

Les préconisations : ces constats appellent les pouvoirs publics et l’Assurance Maladie à renforcer la prévention, à améliorer l’information du patient et des financeurs, et à encourager le développement des réseaux de soins. La Cour propose également le « conventionnement sélectif » des dentistes, qui permettrait de mieux réguler l’installation des nouveaux arrivants ou encore le plafonnement « par voies législatives » des tarifs des actes prothétiques les plus fréquents. Par ailleurs, et plus concrètement, elle invite l’Assurance Maladie à élargir ses contrôles et à assurer l’effectivité des sanctions en cas d’irrégularités détectées. Et ce d’autant plus que la Cour des comptes préconise la mise en place de requêtes standardisées et automatisées permettant de détecter les actes et facturations atypiques et de sanctionner effectivement les praticiens fautifs.

À RETENIR

Nonobstant l’avancée des négociations conventionnelles, les professionnels des soins bucco-dentaires risquent de se trouver dans le viseur de l’Assurance Maladie. Des contrôles de cotation sont fortement à prévoir…, la pratique permettant de le confirmer aujourd’hui.