Attention aux pièges des revenus fonciers ! - Clinic n° 01 du 01/01/2015
 

Clinic n° 01 du 01/01/2015

 

Patrimoine

Me JÉRÔME TRUCHOT  

AVOCAT À LA COUR, CABINET FIDAL

Parmi les charges déductibles des revenus fonciers, il en est une qui est d’actualité, à savoir les intérêts de prêt.

Des taux d’emprunt actuellement bas amènent un certain nombre d’investisseurs à renégocier leur prêt. À ce titre, il est apparu opportun d’effectuer quelques rappels en matière de revenus fonciers pour que le gain financier ne soit pas parasité par des surprises fiscales dans l’hypothèse que nous dénommerons souscription d’un emprunt substitutif (renégociation et/ou globalisation de prêt).

Bien évidemment, par hypothèse, nous nous situons uniquement donc dans le cadre d’un prêt exis-tant souscrit initialement pour l’acquisition, la construction, la réparation ou l’amélioration d’un bien immobilier destiné à procurer des revenus fonciers.

S’agissant des intérêts du nouvel emprunt souscrit, la jurisprudence administrative a défini les conditions suivantes pour permettre leur déduction des revenus fonciers :

• dans un premier temps, le Conseil d’État, par l’arrêt du 18 mars 1987 n° 43680, a précisé que les intérêts d’un emprunt finançant le remboursement d’emprunts contractés antérieurement sont déductibles du revenu foncier dès lors que l’objet de l’endettement n’a pas changé ;

• dans un second temps, complétant sa jurisprudence ci-avant, le Conseil d’État, par l’arrêt du 1er février 2012 n° 336 469, a apporté deux précisions sur les modalités d’application de cette condition de continuité de l’objet de l’endettement :

– la déduction des intérêts ne peut être admise que si le produit du nouvel emprunt sert immédiatement et intégralement à rembourser l’emprunt initial. La déduction des intérêts doit, en revanche, être refusée si les fonds sont, même partiellement, utilisés par l’emprunteur à d’autres fins : la condition de continuité de l’objet de l’endettement ne se divise pas,

– la déduction des intérêts d’un emprunt substitutif peut être pratiquée par le propriétaire alors même que le nouvel emprunt est d’un montant inférieur au montant restant dû sur le premier emprunt, ce dernier n’étant alors remboursé que pour partie.

La condition de continuité de l’objet de l’endettement s’apprécie de la même façon, que l’emprunt se substitue totalement ou seulement partiellement à l’emprunt initial.

Quant à la doctrine administrative BOI-RFPI-BASE-20-80, elle précise qu’il est admis que les intérêts de l’emprunt substitutif soient déductibles des revenus fonciers lorsque les conditions suivantes sont simultanément remplies :

• le nouvel emprunt doit être souscrit pour rembourser ou se substituer à l’emprunt initial. Cette condition est remplie lorsque le nouveau contrat ou l’avenant le mentionne expressément en se référant à lui. Il est précisé que l’identité de l’organisme préteur pour les deux prêts n’est pas nécessaire ;

• les intérêts admis en déduction n’excèdent pas ceux qui figuraient sur l’échéancier initial. Il est précisé que cette limitation s’apprécie globalement en comparant la somme des intérêts figurant respectivement sur l’échéancier de l’emprunt initial et sur celui du nouvel emprunt.

Pour bénéficier de ces dispositions, les contribuables doivent préciser sur leur déclaration de revenus fonciers à quel prêt le nouveau se substitue. Le cas échéant, les justifications seront produites sur demande du service des impôts.

S’agissant des frais liés à la souscription d’un emprunt substitutif, si celui-ci respecte les conditions indiquées ci-avant, la jurisprudence administrative a précisé que :

• les frais d’ouverture de dossier d’un nouvel emprunt de substitution sont déductibles des revenus fonciers (arrêt du Conseil d’État du 5 juillet 2010, n° 301044) ;

• l’indemnité de résiliation anticipée est déductible des revenus fonciers (arrêt du Conseil d’État du 5 octobre 2007, n° 281658).

À RETENIR

Si vous envisagez de profiter des taux très bas pour renégocier vos prêts et réaliser des économies, vous l’aurez compris, notre recommandation est de prendre toutes les précautions d’usage en matière de preuve pour démontrer que l’emprunt substitutif a servi immédiatement et intégralement au remboursement de l’emprunt initial sous peine de réduire partiellement le gain financier obtenu par la perte de l’économie fiscale.

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