Couronne sur mini-vis : un nouvel horizon dans les temporisations prothétiques d’agénésie d’incisive latérale ? - Clinic n° 01 du 01/01/2018
 

Clinic n° 01 du 01/01/2018

 

VU PAR LES INTERNES

Pierre LECLERCQ  

La prise en charge d’agénésie (s) d’incisive (s) latérale (s) par réouverture (ou maintien) d’espace nécessite une coordination pluridisciplinaire afin d’obtenir un résultat stable et esthétique. Les solutions de temporisation prothétique à la suite du traitement orthodontique ont été maintes fois publiées : le bridge collé classique, la prothèse amovible partielle ou la gouttière. Cependant, l’évolution actuelle tend à faire du bridge collé cantilever le gold standard. C’est en effet la solution la plus esthétique, la plus confortable et la moins délabrante en tissu dentaire, permettant d’attendre la mise en place de la coiffe implanto-portée en fin de croissance. Il est à noter qu’aucun de ces moyens de temporisation ne permet une stimulation de la crête osseuse édentée et que cette dernière se résorbe inéluctablement par hypofonction, compromettant la prise en charge implantaire ultérieure.

Une technique originale de temporisation est décrite, permettant de stimuler la crête osseuse tout en assurant le maintien de l’espace de façon esthétique.

Connaissances actuelles

Les mini-vis ont fait leur apparition en orthodontie dans les années 2000. Elles sont majoritairement utilisées comme ancrage dans les déplacements dentaires mais présentent aussi des avantages biologiques non négligeables. En effet, leur présence influence positivement le turn-over ainsi que la densité osseuse, permettant sa préservation en cas de potentielle résorption [1].

Les premiers travaux utilisant les mini-vis dans cet objectif ont été réalisés en les positionnant verticalement comme un implant classique, partant du postulat qu’une mini-vis ne s’ostéo-intègre pas et ainsi ne bloque pas la croissance verticale du procès alvéolaire. Or, les résultats d’une étude [2] ont montré un contact os/implant de l’ordre de 60 à 80 % dans les premiers mois de cicatrisation, suffisant pour freiner, voire inhiber la croissance verticale de la crête osseuse. Melsen et al., ont rapporté le cas d’un patient avec un édentement bilatéral symétrique mandibulaire [3]. Deux mini-vis avaient été positionnées horizontalement comme ancrage dans chaque crête édentée. L’une avait été déposée et l’autre oubliée par inadvertance. Un an plus tard, il a été observé une forte résorption osseuse horizontale du côté où la mini-vis avait été déposée, tandis que la crête édentée présentait un volume osseux important de l’autre.

Ainsi, le concept de temporisation prothétique sur mini-vis à visée de stimulation osseuse voyait le jour [2]. Il s’agit de positionner la mini-vis du côté palatin pour des raisons esthétique et fonctionnelle, et perpendiculairement à la crête osseuse pour des effets biologiques : stimulation osseuse horizontale sans risque de stopper la croissance osseuse verticale.

Réalisation clinique

Une jeune patiente, âgée de 14 ans, est adressée par son orthodontiste afin de réaliser une temporisation prothétique avant la mise en place d’une coiffe implanto-portée. Elle présente une agénésie de la 12, avec perte de la dent temporaire préalablement au traitement orthodontique. On peut déjà apercevoir une résorption osseuse vestibulo-linguale (fig. 1). La patiente présente un parodonte de type 1 ainsi qu’une absence de poche parodontale sur les dents adjacentes.

Le matériel suivant est utilisé :

• une mini-vis de type Aarhus Bracket-Head 0,022 × 0,028 inch de 8 mm de longueur filetée et 1,5 mm de largeur ;

• un sectionnel en alliage titane-molybdène (TMA). Le faible module d’élasticité de cet alliage permet d’amortir les charges excessives sur la mini-vis, qu’elles soient d’origine occlusale ou traumatique.

Une phase clinique en six étapes :

• une radiographie rétroalvéolaire du site est prise afin de s’assurer des axes radiculaires (fig. 2) ;

• une anesthésie locale par infiltration du palais avec une solution d’articaïne 1/200 000 est effectuée ;

• la mini-vis est implantée en palatin du site d’agénésie, perpendiculairement à la crête osseuse, à travers la muqueuse palatine. Elle est orientée de façon à traverser la corticale palatine et à venir en contact étroit avec la corticale vestibulaire (fig. 3) ;

• puis le sectionnel en TMA 0,021 × 0,025 inch est réalisé dans la gorge de la mini-vis jusqu’à la crête édentée. Une coudure est appliquée à ce dernier afin d’avoir une réserve de fil suffisante pour une retouche qui sera nécessaire à la suite de la croissance verticale de la crête. Le sectionnel se termine par une boucle sur la crête afin d’assurer une rétention mécanique dans la résine (fig. 4 et 5) ;

• après choix de la teinte, la couronne provisoire est réalisée classiquement avec un moule préformé en polycarboxylate, comblé de résine acrylique chémopolymérisable et inséré sur le sectionnel jusqu’à prise complète. L’absence de contact occlusal dans les diverses fonctions (position d’intercuspidie maximale, latéralités et guidage incisif) est contrôlée avec du papier à articuler en bouche. Les meulages de mise en sous-occlusion sont réalisés hors de la cavité buccale. La fixation est assurée par une ligature à la mini-vis, par la section du fil qui occupe la quasi-totalité de la gorge (fig. 6 et 7) et par la réalisation d’une coudure à 90°, pour limiter les effets des forces axiales (fig. 8).

• l’aspect esthétique est contrôlé de même que la possibilité d’avoir recours à une bonne hygiène parodontale et dentaire.

Perspective d’avenir

La littérature scientifique actuelle a déjà montré que les mini-vis permettent de préserver l’os alvéolaire, ce qui faciliterait à terme la mise en place d’implant. Mais qu’en est-il d’une crête osseuse déjà résorbée en vestibulaire ? Les stimulations occlusales, labiales et linguales délivrées à l’os par l’intermédiaire de la mini-vis en position horizontale aboutiraient-elles à le stimuler de nouveau ? La configuration décrite avec un système de forces qui s’expriment directement sur l’os permettrait-elle de le régénérer ? Si oui, dans quelle mesure ? C’est tout l’objet d’une étude actuellement en cours dans les universités d’Aix-Marseille et de Montpellier, qui aura aussi pour but d’évaluer la satisfaction des patients bénéficiant de cette solution de temporisation innovante.

À lire

  • [1] Melsen B, Lang NP. Biological reactions of alveolar bone to orthodontic loading of oral implants. Clin Oral Implants Res 2001;12; 144-1452.
  • [2] Ciarlantini R, Melsen B. Miniscrew-retained pontics in growng patients : a biological approach. J Clin Orthod 2012;46: 638-640.
  • [3] Melsen B, Huja SS, Chien HH, Dalstra M. Alveolar bone preservation subsequent to miniscrew implant placement in a canine model. Orthod Craniofac Res 2015;18:77-85.

Conclusion

La temporisation prothétique par mini-vis implantée horizontalement dans le palais est la seule technique qui vise la réduction des effets néfastes de l’hypofonction osseuse lors de cette phase d’attente dans la prise en charge des patients. Elle mériterait d’être plus souvent utilisée à l’avenir ou, du moins, proposée parmi l’éventail des solutions prothétiques de temporisation. Elle est esthétique, fixe, relativement confortable et permettrait, à bas coût, la préservation osseuse de la crête alvéolaire du patient. Elle peut être réalisée par l’omnipraticien seul ou en coordination avec l’orthodontiste pour l’implantation et la réalisation du sectionnel.