Le panier « RAC Zéro » s’invite à table - Clinic n° 01 du 01/01/2018
 

Clinic n° 01 du 01/01/2018

 

NEGOCIATIONS CONVENTIONNELLES

ACTU

Anne-Chantal de Divonne  

Les partenaires conventionnels se sont retrouvés pour la 5e fois le 15 décembre. Les syndicats ont salué plusieurs avancées favorables. Mais la création d’un nouveau panier remboursé à 100 % complique les négociations et repousse au mois de février un premier chiffrage du projet d’accord.

Lors de l’ouverture du nouveau round de négociations conventionnelles au mois de septembre, les participants avaient prévu de ne traiter la promesse présidentielle du reste à charge zéro (RAC Zéro) pour les travaux de prothèse qu’une fois un accord trouvé sur une nouvelle convention. Mais la volonté gouvernementale d’inscrire cette promesse dans le texte conventionnel a fait voler en éclat ce calendrier. Et la réunion de mi-parcours du 15 décembre - la cinquième depuis septembre - qui, chiffres à l’appui, devait permettre d’entrer « dans le dur » de la négociation, a pris une tout autre tournure. L’Uncam, alors en pourparlers avec les complémentaires sur la façon de financer le nouveau panier RAC Zéro, n’était pas en mesure de chiffrer le projet d’accord.

Les syndicats n’ont pas été surpris. Les réunions bilatérales qui se sont tenues ces dernières semaines « ont été davantage consacrées à construire le panier reste à charge zéro qu’à parler de revalorisations, plafonds, nouveaux actes et prévention », explique Catherine Mojaïsky, présidente de la CNSD. Les éléments de cadrage financier, le montant des plafonds, le séquencement annuel ne seront pas connus avant le mois de février, à l’issue des travaux techniques en cours.

Quel contenu pour le panier « RAC Zéro » ?

Au cours de la séance du 15 décembre, le directeur de l’Assurance maladie, Nicolas Revel, a présenté une nouvelle architecture de l’accord qui prend en compte les souhaits des syndicats sur différents aspects et inclut le principe d’un panier de soins remboursé à 100 %, à côté d’un panier prothétique sur lequel s’appliqueront des plafonds (RAC Maîtrisé) et d’un panier à honoraires libres (RAC Libre). Il y aura donc au total 3 paniers dont les contenus doivent être définis.

Le gouvernement a déjà fixé une taille restreinte au panier RAC Zéro. Agnès Buzyn a en effet précisé ces dernières semaines que le « reste à charge zéro » ne sera garanti que sur certains actes car « on n’est pas là pour offrir des montures Chanel à tout le monde ». Les pouvoirs publics sont cependant soucieux de proposer un panier de soins convenable pour ne pas risquer d’être accusés d’offrir des traitements low cost.

Les complémentaires de leur côté, inquiètes de la charge financière qu’elles vont devoir supporter, militent en faveur d’un panier contenant le moins d’actes possibles, et à tarifs faibles.

Pour le Nicolas Revel, l’inscription d’une couronne esthétique céramique dans le panier RAC Zéro apparaît incontournable. Mais aujourd’hui, quelque 2,3 millions de couronnes de ce type sont posées chaque année. Un tel volume serait économiquement insoutenable. L’Assurance maladie envisage donc de restreindre ce type de couronne aux dents antérieures, mais aussi de considérer la manière dont elles ont été fabriquées, avec ou sans la CFAO. Selon ce schéma, « on retrouverait des couronnes céramiques aujourd’hui identifiées de la même manière dans trois paniers différents, RAC Zéro, RAC Maîtrisé et RAC Libre. Ce sera un vrai imbroglio », s’inquiète Catherine Mojaïsky ! Mais il faudra bien trouver une solution.

Pouvoir proposer de meilleurs traitements

La constitution du panier RAC Zéro est particulièrement sensible pour la profession. Que vont décider les ?patients lors de la mise en place du panier remboursé à 100 % ? À court terme, il y aura sans doute une très forte poussée de la demande. Mais le lancement de la CMU a montré que, après cette période d’explosion de la demande qui a duré un an environ, il y a eu une stabilisation. A quel niveau la demande se stabilisera-t-elle dans le cadre de ce panier ? « Il ne faudrait pas que ce panier soit si attractif que tous les patients en profitent. Car cela affecterait une partie important du financement du cabinet dentaire », remarque la présidente de la CNSD. Le défi des prochaines négociations pour la profession va être de garder des marges de manœuvre pour proposer de meilleurs traitements aux patients qui le souhaitent.

FSDL : « des avancées notables »

Patrick Solera, président de la FSDL : « Nous sommes surpris de l’absence de chiffres, même si nous nous y attendions. La Cnam a repris des propositions des syndicats. Il y a des avancées notables en faveur de la prévention. Tout le protocole que l’on avait présenté a été retenu. Des expérimentations seraient faites dans le cadre d’une enveloppe hors champ conventionnel. On dispose aussi des revalorisations. Il y a des avancées sur les actes conservateurs. L’architecture du projet de convention proposé donne une base de travail tout en ménageant la susceptibilité des syndicats. Mais quelle sera la contrepartie des 800 millions d’euros ? Un plafonnement trop bas sur les inlays-onlays conditionnerait notre signature. De même qu’une clause de revoyure qui pourrait annuler les revalorisations. »

UD : « Peut-être le bon chemin… »

Pour l’Union Dentaire, le document d’étape de l’Uncam « peut être le bon chemin… ». L’UD avait pour mission de continuer les négociations sous 4 conditions : l’abrogation des conditions de revoyure du règlement arbitral, un bénéfice net global pour la profession, une revalorisation substantielle des actes de soins pour un rééquilibrage de l’exercice et la mise en place d’un panier de liberté. « Nous n’avons pas d’éléments chiffrés mais une architecture globale. Beaucoup de ce que nous avions demandé a été validé et en particulier nos 4 conditions incontournables. On ne peut que souscrire. Nous demandions aussi depuis longtemps un panier de soins essentiels », se félicite Philippe Denoyelle, ajoutant cependant que « si les plafonds ne sont pas viables, il n’y aura pas accord ».

CNSD : à la recherche de solutions

Catherine Mojaïsky, présidente de la CNSD : « Nous avons deux certitudes. D’abord, si on n’aboutit pas à un accord, le règlement arbitral et ses tarifs s’appliqueront en 2019.

Ensuite, Emmanuel Macron ne reviendra pas sur sa promesse électorale. En cas d’échec de la négociation, nous aurons un reste à charge zéro avec sans doute des tarifs inférieurs au règlement arbitral. Voilà le véritable enjeu qui explique que nous recherchions très activement des solutions. »

« Nicolas Revel a bien pris en compte notre demande de ne pas mettre dans le rééquilibrage (soins-prothèse) les actes de prévention ainsi que les nouveaux actes jusqu’à présent non pris en charge. »

« Ce qui conditionnera la signature de la CNSD ? Avoir mieux que l’avenant 4 que nous avions refusé et préserver le libre choix du patient.

Enfin, nous demandons une indexation qui semble acquise mais sur des critères encore à déterminer.

QUE RETENIR DU DOCUMENT D’ÉTAPE DE L’UNCAM DU 15 DÉCEMBRE ?

L’Assurance maladie a donné les grandes lignes de son projet d’accord. On retient en particulier :

1. L’impact financier de la convention sur les 4 prochaines années (2019-2022) doit rester stable par rapport à la proposition d’avenant 4 que les syndicats avaient refusé de signer en janvier 2017 (566 millions pour l’Assurance maladie et 167 millions pour les complémentaires). Un montant d’investissement supplémentaire sera précisé ultérieurement pour prolonger d’un an la période de rééquilibrage jusqu’à la fin de la convention en 2023.

2. Les revalorisations portent en priorité sur les restaurations (les inlays-onlays, les scellements de sillons, les actes de coiffage pulpaire), les actes dont le tarif est inférieur à la valeur de la consultation et les actes d’endodontie. Les actes ciblés seront revalorisés si possible en une seule fois sur la durée de la convention (5 ans), en procédant par champ d’actes.

3. Des mesures particulières seront prises pour les patients diabétiques et en situation de handicap lourd.

4. La création de 3 paniers d’actes prothétiques dans lesquels les actes sont répartis en fonction de la localisation de la dent, de la nature du matériau et de sa fabrication :

- un panier « RAC Zéro » qui doit permettre l’accès à des couronnes céramo-métalliques, pour les dents visibles, et des couronnes métalliques ou couronnes CFAO dites « full zircone », pour les autres dents ;

- un panier « RAC Maîtrisé » avec des tarifs plafonnés qui comprendrait les couronnes céramo-céramiques réalisées en CFAO sur une base zircone ;

- un panier à tarifs libres qui comprendrait les couronnes céramo-céramiques hors CFAO.

Le niveau des plafonds du panier RAC Zéro serait inférieur au niveau proposé dans l’avenant 4 tandis que celui du panier RAC Maîtrisé se situerait à un niveau supérieur.

5. Sur le volet prévention, il est envisagé d’enrichir l’EBD (éducation à la santé bucco-dentaire), de mener une expérimentation de prise en charge globale de prévention, de réfléchir à un parcours de prévention incitatif.

6. Une clause de revoyure sera prévue pour vérifier le maintien d’un équilibre médico-économique entre les trois paniers et vérifier le rééquilibrage entre soins conservateurs et soins prothétiques, ainsi que la montée en charge des actes innovants (inlay-onlay).