Comment envisagez-vous votre avenir professionnel compte tenu des négociations en cours ? - Clinic n° 02 du 01/02/2018
 

Clinic n° 02 du 01/02/2018

 

ENQUÊTE

Un jeune praticien peu optimiste

Je suis très inquiet avec ces plafonnements. Installé depuis 1 an et demi, après 2 ans d’exercice, j’ai toute une carrière devant moi. On nous demande de travailler avec toujours plus de normes et des matériaux et techniques de plus en plus modernes. En même temps, on plafonne les tarifs. Le plafonnement se veut aujourd’hui un peu plus souple. Mais le danger est son évolution à la baisse dans quelques années.

Je ne suis pas...


Un jeune praticien peu optimiste

Je suis très inquiet avec ces plafonnements. Installé depuis 1 an et demi, après 2 ans d’exercice, j’ai toute une carrière devant moi. On nous demande de travailler avec toujours plus de normes et des matériaux et techniques de plus en plus modernes. En même temps, on plafonne les tarifs. Le plafonnement se veut aujourd’hui un peu plus souple. Mais le danger est son évolution à la baisse dans quelques années.

Je ne suis pas totalement contre un plafonnement, mais à condition qu’il soit raisonnable, que les soins conservateurs soient fortement revalorisés, que l’on rembourse les soins de prévention qui ne le sont pas actuellement (comme les travaux sur les tissus de soutien) et que l’on ait la possibilité de faire des soins a minima. Tout notre système est archaïque. Il faut mettre l’accent sur la qualité des soins, imposer des contrôles annuels obligatoires pour éviter d’énormes problèmes plus tard et des coûts importants pour le système, créer une profession d’hygiéniste dentaire qui ferait les détartrages, la maintenance et la détection des problèmes. Que vont devenir nos prothésistes qui ont un savoir-faire extraordinaire quand nous serons contraints de commander des prothèses standardisées en Chine ?

Le risque du plafonnement est la création d’une médecine à deux vitesses avec ceux qui resteront conventionnés, et n’auront d’autre solution que de faire de l’abattage, et ceux qui se déconventionneront, une option que j’envisage. Mais combien de praticiens pourront se le permettre ? En tant que jeune praticien, c’est compliqué, surtout avec la concurrence. Ce n’est pas non plus souhaitable sur un plan déontologique. Le système de la sécurité sociale est un bon système mais il faut prendre des mesures intelligentes. Je ne vois pas l’avenir de façon très optimiste.

Relative sérénité grâce à un exercice particulier

J’envisage mon futur de chirurgien-dentiste omnipraticien avec une relative sérénité, grâce à ma pratique de l’art dentaire associée à l’énergétique et aux médecines « naturelles ». J’ai créé et organisé mon cabinet en ce sens il y 2 ans, avant même de savoir ce qui allait se passer. Cette pratique me permet de valoriser les soins dentaires que j’effectue à leur juste prix et en accord avec les données acquises de la science. Je pense que les praticiens qui veulent s’en sortir avec le règlement arbitral n’auront d’autre choix que de « sortir » du système imposé par l’État pour faire valoir la qualité de leur travail (comme les éleveurs et les agriculteurs qui sont passés au bio…).

En obligeant une profession libérale à pratiquer des tarifs sans rapport avec les avancées technologiques du plateau technique et les données acquises de la science, l’État fait preuve d’un totalitarisme, digne d’une dictature. La médecine à 2 vitesses qui existe déjà aujourd’hui ne fera que s’accentuer, au détriment de la santé dentaire de la population la moins aisée…

Je n’ai pas de difficulté à avoir des patients. Nous sommes dans une période de rupture, de prise de conscience. On le voit à la multiplication des magasins bio. Les gens veulent des produits de qualité ; ils recherchent une santé avec des praticiens qui vont dans ce sens. Ils sont prêts à payer plus pour cela.

Je trouverai une façon de m’adapter

Je ne suis pas très optimiste. Je ne comprends pas ces plafonds. J’ai un peu participé aux CCDeLi. Mais j’ai pris de la distance depuis quelques mois car c’est un peu anxiogène. J’avais du mal à me projeter positivement. J’ai été surpris de la difficulté qu’il y a à mobiliser les praticiens alors que nous sommes à un tournant pour notre profession. Même si chacun aime son dentiste, nous avons une mauvaise image collective donnée par les médias. De plus, nous ne sommes pas soudés. Dans les CCDeLi, nous sommes toujours les mêmes. Une minorité seule se bat. Si nous étions tous ensemble, si les syndicats pouvaient s’entendre, nous pourrions fermer les cabinets et peut-être serions-nous écoutés. Nous ne savons pas faire. J’ai 45 ans, encore 20 ans de métier en omnipratique. Je trouverai une façon de m’adapter. Mais j’espère que les belles années ne sont pas derrière moi.

Le choix du dé-conventionnement

Si le règlement arbitral était appliqué, je choisirais de me dé-conventionner. Ce règlement ne changera pas grand chose à mon exercice d’endodontiste exclusif à 90 % car une grande partie de mes actes ne sont pas pris en charge et cela ne devrait pas changer avec une autre convention. Mais une petite frange de mes patients tombe sous le coup de la convention et les tarifs seraient incompatibles avec le coût de mon plateau technique. On ne sait pas ce que sera la nouvelle convention mais la tendance actuelle tire vers le bas. Se former, être au fait des techniques, utiliser les meilleurs matériaux pour en faire bénéficier nos patients est incompatible avec les tarifs qu’on veut nous imposer. Il faut donc prendre une décision, soit rester dans une convention que tout le monde juge obsolète et inadaptée, et qui conduit à une régression de la qualité, soit en sortir pour faire plus de qualité. Il faut aussi que les patients réfléchissent. Est-ce que la couverture de la sécurité sociale et de la mutuelle qu’on leur impose évolue dans le bon sens alors que le coût est de plus en plus élevé ?

Les prochains mois déterminants

Après un mois et demi de trêve, les négociations conventionnelles devaient reprendre le 2 février et s’échelonner à raison d’un rendez-vous toutes les trois semaines jusqu’au mois d’avril. Et désormais, ces négociations doivent intégrer l’objectif d’une prise en charge à 100 % sur un panier d’actes prothétiques à déterminer. Les dernières déclarations du Premier Ministre comme de la ministre de la Santé n’ont laissé aucun doute sur la volonté d’aboutir à une solution pour ce panier. Édouard Philippe a confirmé le 3 janvier à l’issue d’un séminaire gouvernemental établissant un calendrier des réformes à venir, « la mise en œuvre progressive, après une nécessaire concertation, d’une offre de soins sans reste à charge en optique, dentaire et audioprothèse ». Sans donner de dates précises, il a laissé entendre que le premier trimestre permettrait d’avancer sur ce sujet. À la mi-novembre Agnès Buzyn, ministre de la Santé avait bon espoir que le panier de soins dentaire remboursable à 100 % soit défini dans le courant de l’année 2018.