Créer un laboratoire d’idées pour le dentaire - Clinic n° 02 du 01/02/2018
 

Clinic n° 02 du 01/02/2018

 

ENQUÊTE

À la suite du règlement arbitral, plusieurs chirurgiens-dentistes se sont retrouvés autour de la volonté de créer un groupe de réflexion et de propositions, à la manière d’un think tank, sur l’avenir de la santé dentaire. Deux membres fondateurs de cette jeune association « Agir pour la santé dentaire », Olivier André et Stéphane Zénou, expliquent le sens de leur démarche.

Olivier André est omnipraticien à Chambéry. Cet ancien président de l’UNECD est resté éloigné du monde syndical jusqu’à ce que le règlement arbitral et « les guerres intestines du monde dentaire » lui soient « devenus insupportables ». Grâce aux CCDeLi, ce praticien a rencontré des personnes qui partagent son analyse. « Nous pensons que les structures, les modes de fonctionnement dans notre profession sont restés au siècle dernier. À l’échelle de notre association, nous essayons de trouver une nouvelle dynamique pour enfin rentrer dans une relation patient-praticien contemporaine. »

Stéphane Zénou exerce en tant que parodontiste à Saint-Germain-en-Laye. Jamais il ne s’était intéressé aux syndicats jusqu’à la parution du règlement arbitral et la naissance des CCDeLi. « Nous avons senti le besoin d’une mobilisation de toute la profession afin d’agir pour sa défense. Une douzaine d’entre nous avons eu le désir d’aller au-delà de l’information et du rassemblement de la profession pour mener une réflexion et faire des propositions qui dépassent les divergences syndicales et nous rassemblent. »

Quel rôle voulez-vous donner à « Agir pour la santé dentaire » ?

Olivier André : Notre souhait est de constituer un collectif de réflexion et d’influence à la manière d’un think tank. Le monde dentaire est le seul à ne pas disposer d’un collectif représentatif, au-delà du vieux triptyque : syndicat, État et administration. On voit bien que, dans ce schéma d’un autre siècle, il n’y a plus de rencontre possible. Les syndicats sont dans une posture politique et parfois un peu conflictuelle. L’administration ne veut pas nous écouter. Elle pense toujours que nous sommes des nantis qui ne pensent qu’à eux-mêmes et non à la santé. Symptomatique de cet état d’esprit, alors que nous sommes 95 % de libéraux dans le dentaire et 80 % dans le médical, il n’y a plus de représentants des professions libérales à la HAS depuis 2 ans. Ajoutés à cela, les préjugés de la société civile sur les chirurgiens-dentistes qui sont inacceptables et fantasmagoriques. Finalement, tout le monde s’interdit pour des raisons diverses, souvent des préjugés et de fausses idées, de faire l’effort de regarder la réalité, de prendre le temps de discuter pour trouver le compromis qui soit favorable pour l’ensemble de la société. On en arrive à des décisions administratives en complet décalage avec la réalité, que ce soit au niveau sociologique, économique ou médical.

Nous ne sommes pas là pour prendre la place des syndicats. Nous voulons créer un lieu de rencontre hors cadre dans lequel nous pouvons nous parler librement et chercher des voies pour repartir sur des bases saines, quelle que soit notre sensibilité.

Stéphane Zénou : Nous voulons associer tous les acteurs de la filière dentaire, les syndicats, l’Ordre, les complémentaires, les industriels, mais aussi les politiques et les patients. Nous voulons constituer un groupe de réflexion très large pour faire avancer notre système vers l’objectif final qui est l’amélioration de la santé dentaire des patients.

Aujourd’hui, la vision de la santé dentaire repose sur son coût sans se poser la question : comment faire mieux pour la santé avec un budget limité ?

Quel est le but de cette première enquête et qu’en retirez-vous ?

Olivier André : Nous nous interrogions sur les discours assez divergents tenus par les syndicats et les CCDeLi. En fait, les réponses de l’enquête sont assez homogènes.

Stéphane Zénou : Nous en retirons deux faits majeurs. Premièrement, si une convention proche du RA était mise en place, 25 % des dentistes se déconventionneraient et 25 % prendraient leur retraite ou émigreraient. Au total, le nombre de dentistes conventionnés diminuerait de moitié, entraînant une perte d’accès aux soins politiquement inacceptable. Deuxièmement, les souhaits des dentistes sur l’évolution de la profession sont homogènes : 7 confrères sur 10 souhaitent la création d’un statut d’assistant dentaire spécialisé en prévention, et les trois quarts demandent l’instauration d’une consultation de prévention annuelle incitative.

Comment voulez-vous peser sur les négociations ?

Olivier André : Il n’y a pas de négociations. Tout est déjà écrit. Nous avons un gouvernement qui impose sa volonté à ses ministres et à ses administrations. Mais c’est aussi un gouvernement très pragmatique. Si on peut lui montrer que les critères sur lesquels il réfléchit sont faussés, il est prêt, intellectuellement, à les repenser. On ne peut le faire qu’avec des vérités économiques, sociales et de santé. Le problème est que le monde dentaire n’est pas audible car il tire dans tous les sens.

Stéphane Zénou : Pour cette raison, nous lançons aussi un second sondage auprès des patients sur le thème de la prévention. Et nous travaillons avec des économistes de la santé pour être en mesure d’émettre des propositions sur l’évolution souhaitable du système de santé dentaire. On tend de plus en plus vers une médecine à deux vitesses. Imposer un zéro reste à charge sans penser à la façon de diminuer les coûts globaux de la santé dentaire ne conduira pas à une meilleure santé. Les seules expériences qui ont permis de baisser les coûts tout en améliorant la qualité sont celles qui ont mis la prévention en première ligne. Où est l’application de la volonté affichée du gouvernement dans ce domaine ?

Olivier André : Le but de APD est d’engager une vraie discussion pour construire ensemble. Si ce n’est pas fait, le monde libéral comme on l’entend en France aujourd’hui va tendre à disparaître.

Comment se finance l’ASD ? Par appel aux dons auprès de confrères et des institutionnels. L’URPS Grand Est participe au financement de ce sondage et du prochain qui concerne les patients.