Efficience : médecine comptable ou progrès de la science ? - Clinic n° 04 du 01/04/2018
 

Clinic n° 04 du 01/04/2018

 

POINT DE VUE

ACTU

Les mots clés de la Stratégie Nationale de Santé ont surpris nombre de confrères sur les réseaux sociaux ces derniers mois. « L’incompréhension semble venir de deux approches distinctes : individuelle et populationnelle », analyse ici Marco Mazevet, doctorant en économie et politique de santé au King’s College à Londres.

Les praticiens ont généralement été formés à traiter leurs patients « aux données acquises de la science » ; or, nous savons maintenant que c’est une méthode incomplète pour orienter les choix de traitements, dans une démarche d’économie de la santé(1).

L’exemple ci-dessous est une analyse simplifiée de type coût-efficacité. Nous savons que la plupart des traitements innovants sont généralement plus efficaces mais plus chers. Avant de les financer, il est nécessaire d’analyser si les ressources additionnelles n’auraient pas été mieux utilisées ailleurs. Ces études peuvent démontrer la logique de payer certains traitements plus chers et durables et justifier économiquement la prévention.

Les analyses de coût-utilité

Les analyses de coût-efficacité ont leurs limites : elles ne permettent pas d’analyser l’impact sur la qualité de vie du patient. Par exemple, une couronne métallique sur une 11 aurait le même taux de survie qu’une céramo-céramique et un rapport coût-efficacité plus favorable. Les analyses de coût-utilité permettent de compléter cette analyse en intégrant le point de vue du patient, par des questionnaires dédiés. Il est évident que ces deux traitements seraient perçus très différemment d’un point de vue esthétique.

L’analyse de l’efficience et de la pertinence des soins permet d’orienter les décideurs vers les choix les plus rationnels, centrés sur les patients. Les universitaires doivent s’emparer de ces évaluations économiques et fournir les éléments de preuve nécessaires à toute décision inhérente à un système de santé moderne.

(1) http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(96) 05153-7/fulltext

* Toutes choses étant égales par ailleurs.

Soit deux traitements A et B

Le traitement A permet de traiter une lésion carieuse et de maintenir une dent sur arcade pendant 5 ans, pour un coût de 100 euros. Le traitement B, lui, permet de maintenir en moyenne une dent pendant 8 ans pour un coût de 200 euros. Le choix evidence based du praticien pour un patient s’orienterait naturellement vers le traitement B.

Les ressources sont pourtant limitées dans tous les systèmes de santé, les autorités doivent comparer les alternatives possibles et objectiver en fonction du maximum de gain de santé pour la population.

Le coût des « années de vies sur arcade » calculé pour les deux traitements sont :

Sur un budget total de 10 000 euros, ceteris paribus*, les deux traitements permettraient donc d’obtenir :

À l’échelle d’une population, le traitement A, malgré une efficacité moindre, permet donc un gain supérieur de santé.