Donner les moyens aux URPS de faire des propositions aux ARS - Clinic n° 12 du 01/12/2018
 

Clinic n° 12 du 01/12/2018

 

EN RÉGION

ACTU

ACD  

Combien faudra-t-il de chirurgiens-dentistes dans les années à venir ? Quelles solutions offrir dans les zones très sous-dotées ? Le zonage est-il pertinent ? Pour argumenter leurs réponses aux questions prégnantes posées par les ARS, 10 URPS ont créé l’Institut intra-régional de recherche en santé orale (IIRSO) qui réalise des études et analyse les besoins dans chaque région.

En mettant en place les URPS (Union régionale des professions de santé), la loi HPST (Loi sur l’hôpital, les patients, la santé et les territoires) de 2009 a confié à ces nouvelles entités régionales « l’analyse des besoins de santé et de l’offre de soins, en vu de l’élaboration du schéma régional d’organisation des soins ». Pour Pierre-Olivier Donnat, secrétaire-général des CDF (Chirurgiens-dentistes de France), président de l’URPS de Bourgogne-Franche-Comté et président de l’IIRSO, ce rôle « est un vrai défi pour notre profession. Quelles études avons-nous eues en France depuis 1995, mis à part quelques enquêtes menées sur des cibles particulières ? Nous n’avons aucune vision transversale globale de la santé orale en France ». En conséquence, les élus des URPS manquent d’outils pour répondre aux sollicitations régulières de leur ARS (Agence régionale de santé), leur autorité de tutelle, sur des problèmes aussi divers que la démographie professionnelle, les soins aux patients résidents en Ehpad ou encore l’offre de soins dans les zones très sous-dotées. L’idée a donc germé chez les CDF de réaliser dans chaque région des études scientifiquement validées pour permettre aux élus de faire des propositions argumentées.

C’est ainsi qu’est né l’Institut inter-régions de la santé orale (IIRSO), une association qui fédère les 10 URPS présidées par des élus des CDF et de l’UD. Son objectif : prendre régulièrement le pouls de la santé orale, de la perception et des comportements des populations et de la profession afin d’analyser les tendances sanitaires et sociales. Pour s’assurer toutes les garanties de sérieux pour ces recherches, le conseil scientifique a été confié à Denis Bourgeois, professeur de santé publique à l’Université de Lyon. Les études réalisées dans chaque région, selon un même schéma, utilisent des indicateurs de santé orale validés au niveau européen. Elles sont menées selon trois axes :

• Un axe « populationnel » : un sondage auprès de 1?000 adultes par région est réalisé chaque année pour analyser le comportement de la population adulte par rapport à la santé orale.

• Un axe « offre de soins » : un échantillon représentatif de chirurgiens-dentistes (7 à 8 % de la profession de la région) est interrogé sur ses modalités d’exercice. « L’objectif est de savoir ce qui se passe dans les cabinets », explique Pierre-Olivier Donnat. « C’est l’autre côté de la lorgnette par rapport aux données quantitatives produites par l’Assurance maladie ».

• Un axe « dentistes sentinelles » : des chirurgiens-dentistes volontaires recueillent des informations cliniques sur un échantillon de patients. Ils ?notent les travaux effectués et ceux qui restent à faire. « Sachant que 80 % des adultes vont chez le dentiste tous les 2 ans, on peut avoir une approche correcte de la population sur un plan clinique », explique Denis Bourgeois. Pour Pierre-Olivier Donnat, ce volet apporte une vraie valeur ajoutée : « l’analyse du besoin de soins n’a pas été exprimée jusqu’a présent. L’Assurance maladie analyse ce qui a été produit dans le passé. C’est un élément d’information, mais il ne donne pas une vision de l’avenir, des besoins en soins. » Le croisement de toutes ces données permet de dégager des perspectives sur de nombreux sujets concernant la profession et son évolution. « Les résultats appartiennent à chaque région. On ne cherche pas à les comparer entre eux ni même à produire une enquête pseudo-nationale », précise Pierre Olivier Donat. « Notre objectif est d’apporter à chaque URPS un argumentaire politique fondé sur des études scientifiques. C’est une aide à la décision pour les élus URPS afin de répondre à leur mission. » Les trois enquêtes sont menées dans chaque région pendant 4 ans, jusqu’aux prochaines élections aux URPS, en 2020. Chaque région a reçu au printemps dernier les résultats des études menées à la fin de 2017 qui ciblaient en priorité la population adulte. La seconde vague d’études pour 2018 est en cours et vise en priorité les enfants et les adolescents.

TROIS QUESTIONS À DENIS BOURGEOIS

Les études réalisées en 2017 montrent-elles des disparités entre les 10 régions ?

Il n’y a pas de grande variabilité des résultats selon les régions. Ce fait est rassurant car il montre que la méthodologie retenue est bonne.

À l’intérieur des régions, on observe cependant des spécificités.

Quelles sont les grandes tendances qui se dégagent ?

On observe une culture de la visite chez le chirurgien-dentiste. Près de 80 % de la population de 18 à 74 ans se rend chez le dentiste au moins une fois tous les 2 ans, et près de 60 % chaque année. C’est une tendance que l’on retrouve aussi en Europe. L’Assurance maladie donne un taux de 40 %. Les gens vont chez le dentiste et ils sont fidèles ! Les deux causes principales de rupture avec son praticien sont le départ à la retraite sans remplaçant et le déménagement du patient. Autre résultat notable, le renoncement aux soins apparaît très marginal. L’enquête d’opinion prend en compte l’ensemble de la population adulte, celle qui est allée chez le praticien et les 20 % qui n’y sont pas allés. Au total, seuls 3 à 4 % de la population a renoncé aux soins. Enfin, les études ne font pas ressortir l’existence de zones « sur-dotées » ou « sous-dotées ». Quand on interroge sur les difficultés d’accès à un chirurgien-dentiste dans les 30 minutes, 93 % des personnes disent que cela ne pose pas de problème. Les délais d’attente sont variables.

Mais, globalement, les patients trouvent un praticien.

Quelles conclusions en tirez-vous ?

Pour moi, le système est équilibré. Le seul moment où il est en déséquilibre, c’est quand un praticien part à la retraite. C’est un problème, particulièrement pour les patients âgés qui ont des difficultés pour en retrouver un autre. Plutôt que de donner des primes à l’installation dans les régions sous-dotées, je pense préférable de favoriser le remplacement de praticiens qui partent à la retraite afin d’assurer le continuum avec leur patientèle.