De l'expérimentation à la prise en charge par l'Assurance maladie... - Clinic n° 03 du 01/03/2019
 

Clinic n° 03 du 01/03/2019

 

TÉLEMÉDECINE BUCCO-DENTAIRE

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ACD  

La télémédecine est entrée dans le droit commun pour les médecins le 15 octobre dernier. Les chirurgiens-dentistes doivent maintenant faire reconnaître leur spécificité et convaincre l'Assurance maladie de financer cet acte. Nicolas Giraudeau, chirurgien-dentiste au CHRU de Montpellier, alerte sur la nécessité de préserver la qualité du diagnostic.

Des applications de télémédecine bucco-dentaire ont essaimé dans un grand nombre de régions depuis la première expérimentation à Montpellier en 2013. En tout cas, «  la réflexion est menée partout », affirme Nicolas Giraudeau, chirurgien-dentiste au CHRU de Montpellier qui est sollicité pour son expérience. Ce mode de consultation est particulièrement adapté pour les personnes en établissement médico-social. À Montpellier, plus de 3 500 actes ont été réalisés depuis le lancement du projet qui mobilise aujourd'hui 4 praticiens hospitaliers et 3 praticiens libéraux. Ces chirurgiens-dentistes analysent à distance sur écran les données de patients de quelque 45 établissements pour personnes âgées ou en situation de handicap de la région ainsi que d'une maison d'arrêt. Un professionnel de santé de l'établissement a auparavant enregistré les données à l'aide d'une caméra optique intra-buccale et collecté diverses informations concernant le patient (historique dentaire, prescriptions médicales, état général, état ressenti, douleur, mobilité...). «  L'intérêt de la télémédecine est de détecter des problèmes bucco-dentaires qui n'étaient pas mis en lumière jusqu'à présent. On arrive à systématiser l'examen régulier de populations qui ont une difficulté d'accès au chirurgien-dentiste  », expose Nicolas Giraudeau. L'objectif est à chaque fois d'identifier le besoin en soins et de proposer un plan de traitement en fonction de l'état du patient.

Frein financier

Aujourd'hui, à Montpellier comme dans les autres territoires, la télémédecine bucco-dentaire est pratiquée dans le cadre d'expérimentations financées par différents intervenants car l'assurance maladie ne prend pas en charge l'acte réalisé par le chirurgien-dentiste, ni l'action du professionnel de santé qui collecte les données et les transfère sur une plate-forme sécurisée. Voilà pour les freins financiers à un réel élargissement de la télémédecine sur tout le territoire.

Préserver la qualité

Mais Nicolas Giraudeau appelle la profession à se montrer vigilante sur les moyens employés pour effectuer des actes de télémédecine. « Il est important de comprendre que la télémédecine est une activité médicale », rappelle le praticien hospitalier. Cela implique que les informations transmises soient protégées par des réseaux sécurisés. Il n'est donc pas question d'envoyer des images par les mails habituels. Le corollaire de l'activité médicale, c'est aussi l'absolue nécessité de préserver la qualité médicale de l'acte de téléconsultation. L'outil utilisé pour enregistrer les données doit donc permettre de visualiser l'intégralité de la bouche et des dents. Montpellier a fait le choix d'une caméra intra-buccale avec la fluorescence. « Une étude clinique nous a permis de valider l'expérimentation qui montre que la fluorescence a un intérêt dans l'amélioration de la qualité du diagnostic », explique Nicolas Giraudeau. D'autres sites ont fait d'autres choix. L'hôpital de Guéret par exemple (voir ci-après) a validé par une étude le choix d'un endoscope.

Distinguer télémédecine et « e-santé »

« L'élément qui doit permettre de faire la différence entre la télémédecine et un gadget de e-santé, c'est la capacité à recueillir toutes les informations nécessaires que pourrait voir un chirurgien-dentiste avec un miroir », affirme Nicolas Giraudeau. En précisant que l'outil doit permettre de voir les faces de toutes les dents et de tous les éléments anatomiques. Ce qui n'est pas possible avec un téléphone portable... mais le marché est très tentant. Des sociétés commerciales ont commencé à se lancer. Huawei y réfléchit, Philips développe. Et il y a aussi Google, Apple...

« Cela n'a pas de sens de faire de la télémédecine avec un téléphone portable. Si nous, garants de la qualité clinique et de la bonne prise en charge des patients, nous ne sommes pas vigilants et attentifs à la qualité du diagnostic qui est rendu à distance, nous nous tirons une balle dans le pied  », prévient Nicolas Giraudeau.