Externalisation, robotisation, télémédecine, intelligence artificielle : que va-t-il nous rester ? - Clinic n° 10 du 01/10/2019
 

Clinic n° 10 du 01/10/2019

 

De bouche à oreille

Frédéric BESSE  

frbesse@hotmail.fr

Déléguer certaines tâches, décisions ou diagnostics constituera une aubaine si le praticien a l'assurance de soigner mieux ses patients.

J'ai récemment reçu la représentante d'une marque d'implants qui souhaitait me faire la démonstration de leur système de chirurgie guidée (la dernière valeur ajoutée en implantologie !). L'empreinte, numérique bien sûr, est transférée à un dentiste espagnol ( ?) qui la valide et dessine le guide chirurgical, lequel nous revient alors prêt à l'emploi (pour la modique somme de...). Le dentiste n'a plus alors qu'à percer ses trous et visser ses chevilles en titane. Surprenant, mais ne nous leurrons pas, cette démarche d'externalisation de certaines décisions est appelée à se développer. D'une part, parce qu'il y a beaucoup d'argent à gagner et, d'autre part, parce que, à mesure que la dentisterie progresse, elle se complexifie et qu'il devient donc très difficile d'en maîtriser tous les aspects. La spécialisation est une solution mais elle n'est pas possible partout, et beaucoup d'entre nous ne la souhaitent pas. Pour l'omnipraticien attaché à son exercice solitaire, pouvoir déléguer certaines tâches, des décisions, des diagnostics constituera une aubaine, surtout s'il a l'assurance que, en agissant ainsi, il soignera mieux ses patients.

Cette évolution passera par plusieurs étapes : dans un premier temps, des « praticiens conseils », spécialisés et souvent inféodés à une marque, aideront les confrères à établir leurs diagnostics et leurs plans de traitement en fonction des données transmises par ces derniers grâce à une multitude d'analyseurs connectés : de plaque, d'ADN, de mouvements, de mobilité dentaire, etc. Les patients y gagneront en qualité et en efficacité des soins, qui seront plus uniformes, moins praticien-dépendants. Dans un deuxième temps, les tâches les plus répétitives seront progressivement déléguées à des intelligences artificielles, lesquelles, améliorant sans cesse leurs capacités, amélioreront par là même les traitements dentaires. Elles finiront par diriger l'ensemble du projet, le praticien « aidé » ne se rendant même pas compte de la déshumanisation de l'aidant.

Parallèlement, le travail en bouche se sera déplacé à côté du patient, par l'intermédiaire de bras télémanipulés, le travail étant contrôlé sur des écrans. Et, afin d'améliorer la précision des gestes, une intelligence artificielle dédiée guidera les mouvements des bras intra-buccaux, avant de finir par en prendre totalement le contrôle.

Et un jour, les deux intelligences artificielles se rencontreront, fusionneront, et l'ensemble du traitement dentaire sera pris en charge par des robots, virtuels et intra-buccaux.

Que nous restera-t-il alors ? L'empathie, la seule chose qui ne soit pas programmable...