Restauration par moulage par injection de composite : à propos d'un cas clinique de syndrome APECED - Clinic n° 04 du 01/04/2020
 

Clinic n° 04 du 01/04/2020

 

Restauration

Marion TAORMINA*   Mathieu BONS**   Aiping HUANG***   Estelle TRZASKAWKA MOULIS****   Bruno PELISSIER*****  


*Interne
**Étudiant 6e année
***Hôpital Central de Karamay, département de stomatologie, Xinjiang, Chine
****MCU-PH UFR d'Odontologie de Montpellier I
*****MCU-PH UFR d'Odontologie de Montpellier I

L'apparition de composites présentant des masses de diverses opacités qui simulent les tissus dentaires (dentine, émail) a permis au praticien d'appliquer directement en bouche une méthode de stratification développée par les céramistes. Cette technique n'a cessé d'évoluer avec l'apparition de nouveaux produits et l'amélioration constante des matériaux [1-4], permettant ainsi...


L'apparition de composites présentant des masses de diverses opacités qui simulent les tissus dentaires (dentine, émail) a permis au praticien d'appliquer directement en bouche une méthode de stratification développée par les céramistes. Cette technique n'a cessé d'évoluer avec l'apparition de nouveaux produits et l'amélioration constante des matériaux [1-4], permettant ainsi d'approcher un peu plus encore l'aspect naturel. Des cliniciens, comme Vanini, Dietschi, Paolone, Devoto... ont proposé la technique de stratification naturelle et décrit des protocoles aidant le praticien à obtenir des résultats esthétiques et prédictibles [5-10].

Cette méthode consiste à reproduire les deux structures distinctes de l'émail et de la dentine et à ralentir le faisceau lumineux dans sa progression afin de maîtriser sa réflexion sur l'opaque, en saturant progressivement les couches de composites. Le fait de pratiquer par stratification permet d'inclure méthodiquement des colorants dans les différentes épaisseurs de la construction et de garder un contrôle permanent sur le résultat final. Cependant, il existe différentes techniques de stratification [11-13] ainsi que des diversités au sein de chaque technique selon le matériau employé, le clinicien, etc. (fig. 1 et 2).

Il est important de noter que la technique de stratification proprement dite est étroitement liée à l'utilisation de composites à haut rendu esthétique (fig. 1 à 5) et c'est la combinaison des deux qui permet d'obtenir certains avantages [13-15]. Toutefois, cette technique présente également des inconvénients (tableau 1).

La plupart des systèmes actuels sont complets et permettent de répondre à toutes les situations cliniques avec la possibilité de masquer la dentine colorée sous-jacente (solution intéressante pour masquer une coloration de type « dentine réactionnelle ») et celle de pouvoir jouer sur le rapport opacité/translucidité en fonction des besoins. La superposition de différentes couches de composite de teinte « dentine », d'une opacité proche de celle de la dentine naturelle, et de composite de teinte « émail », dont la translucidité est proche de celle de l'émail naturel, permet de reproduire fidèlement la dent naturelle. Cependant, il est indispensable de maîtriser les différentes épaisseurs de matériaux, principalement celle de l'émail. Les résultats peuvent être mitigés si l'on ne maîtrise pas la technique de stratification et les propriétés optiques des matériaux utilisés. Par ailleurs, les propriétés de fluorescence de ces systèmes renforcent cet aspect naturel [6, 14, 16-18].

Pour faciliter certaines approches cliniques, surtout en pédodontie, la technique de moulage par injection peut être proposée pour la réalisation de restaurations composites directes en bouche en injectant du composite fluide qui possède une bonne viscosité et une grande thixotropie dans une clé en silicone transparent utilisée comme moule. Pour cela, il est nécessaire de réaliser des wax-up de qualité visualisant les futures restaurations pour avoir une bonne adaptation en bouche du moule et une très bonne lisibilité des limites, les phases de finition et de polissage étant alors facilitées. L'injection du composite se fait à partir de trous réalisés sur le moule et les dents sont réalisées une par une, en protégeant toujours les dents collatérales par du téflon. La pose d'un champ opératoire, si elle est possible et facile, permet d'améliorer les différentes étapes, surtout dans le conditionnement des tissus [19-21].

Cette technique originale est généralement utilisée pour des restaurations plurielles, assez étendues et d'une épaisseur suffisante pour que l'injection soit facilitée et indiquée, mais aussi pour avoir un résultat esthétique correct. Simple, cette technique est illustrée par un cas clinique réalisé au Centre de soins dentaires du CHU de Montpellier.

Description du cas clinique

Emmy, 8 ans a été adressée au centre de soin dans le service d'Odontologie pédiatrique par son pédiatre pour des défauts de minéralisation amélaire sur ses dents définitives (fig. 6 à 10). La jeune patiente est atteinte du syndrome APECED ou poly-endocrinopathie auto-immune de type 1, une maladie génétique rare liée à une mutation du gène AIRE, facteur de transcription impliqué dans la régulation de la tolérance immunitaire. Le syndrome APECED est caractérisé par une candidose cutanéo-muqueuse chronique, de multiples endocrinopathies auto-immunes (hypoparathyroïdie, insuffisance surrénalienne, diabète...) et des dystrophies ectodermiques (vitiligo, alopécie, hypoplasie de l'émail dentaire...) [22]. Une hypoplasie de l'émail des dents permanentes est fréquente [23] et 77 % des 68 patients de cette étude atteints du syndrome APECED présentent une altération de structure de l'émail des dents permanentes. Notre rôle de détection de ces anomalies est donc primordial car il peut constituer un des premiers signes de la maladie.

La patiente avait 4 ans lorsque la maladie a été diagnostiquée mais il est fort probable que les altérations du métabolisme phosphocalcique avaient débuté avant le diagnostic, pendant la minéralisation dentaire. Cette patiente avait, en plus de ces anomalies amélaires (lésions suivant le modèle des périkymaties, en tournant horizontalement autour de la circonférence coronaire), une insuffisance de brossage et une habitude de grignotage régulière. Elle présentait plusieurs lésions carieuses et son risque carieux était élevé.

Dans un premier temps, nous avons procédé à une motivation à l'hygiène, une éviction des lésions carieuses et une protection de ses premières molaires. À la suite de ces nombreux soins, Emmy n'aimait plus venir chez le dentiste et sa coopération est devenue difficile et limitée. Nous avons donc dû trouver une méthode rapide et efficace pour restaurer son secteur maxillaire antérieur car elle ne souriait plus et était victime de moquerie à son école (fig. 7 à 10).

Dans un premier temps, des empreintes ont été réalisées pour faire des wax-up visualisant les futures restaurations des 4 incisives maxillaires (fig. 11 et 12). À partir du modèle avec les wax-up, une clé en silicone transparent a été faite (fig. 13 à 16). Pour cela nous avons utilisé le matériau Exaclear®, matériau en silicone clair permettant d'obtenir des résultats fonctionnels et esthétiques exceptionnels. Grâce à sa transparence, cette solution se révèle particulièrement efficace dans les cas cliniques complexes, comme l'usure dentaire importante, les morphologies délicates et les situations complexes sur le plan esthétique. De nombreux professionnels, comme les dentistes, les prothésistes dentaires, les orthodontistes et même les implantologues l'adoptent dans leurs pratiques quotidiennes. Sa transparence, sa maniabilité et sa rigidité après la prise rendent ce matériau idéal pour simplifier les procédures difficiles. Utilisé avec un composite injectable comme le G-ænial Universal Injectable® de GC Exaclear®, il permet aux cliniciens de réaliser des restaurations offrant des résultats corrects et assez rapidement. La transparence de ce moule permet de contrôler les moindres détails et de polymériser le matériau à l'abri de l'oxygène, facilitant ainsi le polissage final. G-ænial Universal Injectable® se prête particulièrement bien à cette technique en raison de sa thixotropie, de sa robustesse et de sa brillance. Une fois le moule réalisé et essayé en bouche, des trous d'injections sont réalisés pour que les embouts du composte injectable puisse être positionnés facilement (fig. 17 et 18).

Les dents sont ensuite conditionnées (fig. 19 à 21). Pour ce cas clinique, nous avons utilisé l'adhésif G-Premio BOND® qui est un adhésif universel en flacon compatible avec tous les modes de mordançage. Il peut être utilisé pour le collage direct mais également pour des réparations et traitements d'hypersensibilité. En outre, GC offre cette facilité d'utilisation et cette polyvalence sans le moindre impact sur la qualité de l'adhésion.

G-Premio BOND obtient de bonnes valeurs d'adhérence dans nombre de situations grâce à une combinaison unique de trois monomères fonctionnels (4-MET, MDP, MDTP) (fig. 22 et 23).

Pour ce cas clinique, nous avons utilisé du G-ænial Universal Injectable® qui est un composite de restauration universel présentant une solidité et une résistance pour des restaurations esthétiques de longue durée grâce à sa composition (charges de baryum ultra-fines avec recouvrement total au silane) (fig. 24 et 25). D'après les tests, le G-ænial Universal Injectable® est même plus résistant que les principaux composites de restauration présents sur le marché. Grâce à ses propriétés, ce matériau est indiqué pour toutes les cavités et il n'a pas besoin d'être recouvert d'un composite conventionnel. Sa viscosité hautement thixotrope unique s'adapte à toutes les situations cliniques ; la mise en place est aisée et il ne colle pas à l'embout, ce qui facilite l'application. Les embouts possèdent une longue aiguille qui peut être courbée simplement en appliquant une légère pression des doigts. Cela permet un accès à n'importe quelle cavité postérieure difficile.

De plus, G-ænial Universal Injectable a une gamme de teintes (16 teintes et 3 niveaux de translucidité) et une bonne brillance, ce qui en fait un excellent choix pour une esthétique à long terme. Pour ce cas clinique, nous avons utilisé du A2.

Après avoir protégé les dents proximales par du téflon, la clé est insérée et le composite peut alors être injecté. L'embout est positionné le plus loin possible et, tout en injectant le composite, il est nécessaire de le remonter petit à petit pour éviter de faire des bulles (fig. 26 et 27). Lorsque l'emplacement réservé à la future restauration est rempli, une bonne polymérisation est réalisée. Ensuite, la clé est enlevée et les excès peuvent être enlevés avec une lame de bistouri (fig. 28 à 30). Toute cette étape est facilitée si les empreintes et les wax-up sont de bonne qualité. Une par une, les dents sont réalisées avec cette technique simple et rapide. Il ne reste plus que les phases de finition et de polissage. Nous avons obtenu un résultat correct qui a pu rendre le sourire à cette jeune patiente, et cela facilement et sans trop de contraintes pour un enfant difficile à soigner (fig. 31 à 38). Cette technique du moule pour injection de composite nous semble être très intéressante en pédodontie où la gestion de la réalisation des composites directs est souvent difficile et fastidieuse pour le praticien mais surtout pour les jeunes patients.

Bibliographie

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