Les traitements restaurateurs des dents temporaires - Clinic n° 09 du 01/09/2020
 

Clinic n° 09 du 01/09/2020

 

Presse internationale

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Marianne LARGARDE  

AHU en odontologie pédiatriqueTraduit de Dental Abstracts 2020:65(1) avec l'accord de Mosby, IncTraduction Marianne Lagarde

Introduction

La restauration des dents temporaires peut s'avérer difficile du fait de la petite taille, de la faible quantité d'émail et des cornes pulpaires proéminentes, raisons qui augmentent la probabilité de progression des lésions carieuses. Le chirurgien-dentiste doit rechercher les antécédents, réaliser un examen minutieux, prendre des radiographies ou utiliser d'autres outils pour poser un diagnostic précis. Une fois le diagnostic posé et le plan de traitement...


Introduction

La restauration des dents temporaires peut s'avérer difficile du fait de la petite taille, de la faible quantité d'émail et des cornes pulpaires proéminentes, raisons qui augmentent la probabilité de progression des lésions carieuses. Le chirurgien-dentiste doit rechercher les antécédents, réaliser un examen minutieux, prendre des radiographies ou utiliser d'autres outils pour poser un diagnostic précis. Une fois le diagnostic posé et le plan de traitement établi, le praticien doit déterminer les meilleures techniques et matériaux de restaurations à mettre en place pour chaque cas à partir des informations récoltées précédemment.

Les recommandations détaillant les avantages et les inconvénients des différents matériaux et méthodes pour restaurer les dents temporaires ont été résumées dans cet article.

Matériel et Méthodes 

Ciments Verres Ionomères

Les Ciments Verres Ionomères (CVI) sont un matériau qui peut se lier chimiquement à l'émail et à la dentine via des liaisons covalentes, permettant la formation de nouvelles liaisons si l'un cède. La force de ces liaisons covalentes peut être augmentée en traitant la dentine avec un conditionneur qui enlève la boue dentinaire. De plus, les CVI sont biocompatibles.

Les CVI permettent aussi de capter le fluor et de le relarguer. Le fluor est graduellement relargué de la partie externe de la restauration pendant les premiers mois après la mise en place et peut être rechargé par l'environnement buccal et répéter ainsi le processus de relargage. Les CVI peuvent donc agir en tant que réservoir de fluor.

Parmi les inconvénients, on trouve sa faible résistance à la compression et au cisaillement, une rugosité importante, une faible stabilité colorimétrique et une faible résistance à l'usure. Quand ils sont utilisés comme restaurations sur deux surfaces (Classe II de Black) en denture temporaire, les CVI conventionnels ont de faibles performances.

Les CVI modifié par adjonction de résine

Pour augmenter les performances des CVI, les CVI modifiés par adjonction de résine (CVIMAR) ont été développés. Une faible quantité de monomère a été incorporé ainsi que des initiateurs de polymérisation. Le résultat est que les CVIMAR n'ont pas uniquement les propriétés des CVI avec adhésion à la dent, relargage de fluor, biocompatibilité mais ont aussi une meilleure esthétique, une plus haute résistance à la fracture, à l'usure et à l'humidité dans les premiers temps de prise. Certains CVIMAR peuvent obtenir une initiation de la photopolymérisation en étant exposé à la lumière visible avec une polymérisation tardive grâce à la réaction acide base. La littérature montre que les CVIMAR peuvent être utilisés dans les petites à moyennes classe II.

Compomeres

Les résines composites modifiées par des poly-acides sont des matériaux de restaurations photopolymérisables qui possèdent les propriétés des CVI et des composites hybrides. L'adhérence à l'émail et à la dentine est facilitée par l'utilisation de conditionneur et d'adhésif. Ce matériau est recommandé pour les classes II mais pas pour les dents temporaires ayant eu un traitement pulpaire. Il adhère à la dent, offre une meilleure esthétique que les CVI, moins de fractures et ont une usure réduite par rapport au CVI. L'inconvénient, c'est qu'il requiert l'utilisation d'une digue, de l'expérience et du temps pour la restauration, possède une résistance à l'usure diminuée par rapport aux résines composites et une coloration marginale plus importante que celle des composites. Le relargage de fluor ne correspond qu'à 10% de celui des CVI ou des CVIMAR. La faible rétention est réduite dans le cadre de classe II par l'utilisation d'un conditionneur avant le placement de la restauration.

Composites à base de résine :

Dans la mesure où les matériaux à base de résine ne sont pas auto-adhésif, ils ne peuvent adhérer à l'émail qu'en utilisant une résine fluide (adhésif) après mordançage, rinçage et séchage, ce qui peut être considéré comme chronophage. En revanche, l'esthétique est bonne, la résistance à l'usure est satisfaisante et ce sont des matériaux photo-polymérisables. Ils nécessitent une bonne maitrise du matériau et doivent être utilisés avec la digue. Ils ne relarguent pas de fluor et sont très onéreux.

Le principal inconvénient des résines est le retrait de polymérisation qui vas permettre une infiltration à la limite marginale et favoriser la reprise de carie. C'est particulièrement problématique dans les restaurations occluso-proximal. Ce matériau est faiblement propice aux restaurations en denture temporaire, principalement quand les patients ne sont pas coopératifs ou qu'ils ont des risques carieux individuels élevés.

Méthodes :

Couronnes pédiatriques préformées (CPP) :

Elles sont généralement fabriquées en acier inoxydable, ont un faible risque d'échec à long terme, un faible risque de douleur et une mise en place facilitée lorsqu'on utilise la technique de Hall. Les couronnes placées sur les dents temporaires cariées ou nécessitant des traitements pulpaires permettent de réduire les risques d'échecs de restaurations, de douleurs et durent plus longtemps comparées aux restaurations insérées en phase plastique.

Les couronnes esthétiques :

Les couronnes esthétiques peuvent être des couronnes métalliques recouvertes par une couche de céramique ou de composite et nécessitent une préparation spécifique. La préparation et l'essayage sont plus exigeants que pour des CPP acier et elles ne peuvent être bouterollées ou ajustées sur la partie esthétique. Cette partie esthétique peut s'user ou se fracturer.

Couronnes en zircones :

L'esthétique des couronnes zircone est très satisfaisante tout comme leur adaptation marginale. Elles demandent une préparation technique, avec beaucoup de réduction dentaire et ne peut pas être adaptée à la dent contrairement au CPP.

Technique de Hall :

La technique de Hall décrit un protocole de mise en place de CPP sur des dents temporaires, sans anesthésie locale, sans éviction carieuse et sans préparation dentaire. Les CPP sont mise en place avec la pression digitale, le clinicien enlève les excès de ciment et l'enfant complète la mise en place en mordant sur un rouleau de coton. Les CPP mise en place ont des taux de succès de 97% à 15 mois de recul comparé à 94% quand placées avec une technique conventionnelle sur 53 mois. La différence n'était pas significative.

La technique de Hall présente les avantages de ne pas retirer la lésion carieuse et d'augmenter la dimension verticale à cause de l'absence de préparation. Ces inconvénients ont été évalués comme mineurs. La technique de Hall permet de prévenir les lésions carieuses mésiales des premières molaires permanentes en agissant sur les deuxièmes molaires temporaires avec des lésions distales sans risque de blessures iatrogènes sur la PMP. Placée lorsque la PMP est en cours d'éruption, la limite distale doit être bouterollée et ajustée pour éviter l'impaction de la PMP.

Thérapie pulpaire :

Sans vérification histologique, il est difficile de déterminer si la pulpe est en pulpite réversible ou irréversible. La distinction est importante pour choisir le bon traitement. Les possibilités sont le coiffage pulpaire indirect, la pulpotomie ou la pulpectomie. Le coiffage pulpaire indirect se réalise en cas d'une pulpite réversible après éviction de toute la dentine cariée sans exposer la pulpe en utilisant une couche de CVI ou d'hydroxyde de calcium avant de restaurer la dent. Les CVI ont des meilleurs résultats qu'un eugénate. Les CPPs restent la meilleure option pour restaurer, avec un taux de succès plus important sur les deuxièmes molaires temporaires que sur les premières molaires temporaires.

Dans le cas d'une pulpotomie, les crêtes marginales étant détruites par la lésion carieuse et la radiographie préopératoire indiquant une lésion au-delà des 2/3 dentinaires, la pulpe est considérée comme vivante mais non viable car inflammée et est retirée (pulpotomie camérale). Le matériau idéal devrait être bactéricide mais inoffensif pour la pulpe, tout en permettant une cicatrisation pulpaire radiculaire sans intervenir sur la rhizalyse. Aujourd'hui, aucun matériau n'arrive à remplir toutes les conditions. Le formocresol et les sulfates ferriques ne permettent pas la cicatrisation pulpaire radiculaire, le mineral trioxide aggregate (MTA) serait le matériau le plus adapté, l'hydroxyde calcium n'est pas valable pour les pulpotomies sur dents temporaires et la Biodentine® est trop récente pour qu'on puisse avec un recul clinique satisfaisant.

La pulpectomie des dents temporaires est indiquée en cas de pulpe non vitale sur dent restaurable et en l'absence de cellulite. La pulpe coronaire et radiculaire doit être retirée et remplacée par un matériau semi permanent et résorbable et une CPP sera de préférence utilisée en restauration. Plusieurs interrogations ont été posées quant à l'utilisation des ciments oxyde de zinc eugénol (ZOE) à prise lente pour l'obturation radiculaire. Vitapex, une pate iodoforme/hydroxyde de calcium, a obtenue de meilleur résultat à 16 mois que les ZOE. Toutefois, le manque d'essais cliniques randomisés ne permet pas de trancher sur le traitement optimal. Le MTA a aussi été utilisé pour les pulpectomies et serait le plus efficace pour la cicatrisation de la pulpe radiculaire après une pulpotomie.

Les incisives temporaires peuvent être restaurées en utilisant des couronnes composites ou des couronnes préformées. Peu d'évidences scientifiques existent aujourd'hui pour aider le praticien à choisir.

Discussion

Le chirurgien-dentiste doit proposer un traitement restaurateur optimal pour les patients d'odontologie pédiatrique. Les composantes du succès sont un diagnostic juste, un plan de traitement approprié et le choix des meilleurs matériaux et méthodes. Différentes méthodes et matériaux existent et doivent être considérés précautionneusement avant de prendre une décision.

Pertinence clinique :

Un rappel de toutes les possibilités de traitement sur les dents temporaires permet de les re-contextualiser, surtout avec l'arrivée de nouvelles méthodes comme les coiffes zircones ou la technique de Hall.