Guide du cabinet dentaire écoresponsable - Clinic n° 10 du 01/10/2020
 

Clinic n° 10 du 01/10/2020

 

Ouvrage

Jean BARRET  

Chirurgien-dentiste, Bordeaux

Jean Barret, chirurgien-dentiste omnipraticien à Bordeaux, livre dans son ouvrage Guide du cabinet dentaire écoresponsable, à paraître en octobre prochain aux éditions CdP, son expérience et ses réflexions sur la transition écologique au cabinet dentaire.

Parlez-nous de votre parcours, de vos influences, comment est née la nécessité d'opérer cette transition dans votre cabinet ?

J. Barret : J'ai fait mes études à la faculté...


Jean Barret, chirurgien-dentiste omnipraticien à Bordeaux, livre dans son ouvrage Guide du cabinet dentaire écoresponsable, à paraître en octobre prochain aux éditions CdP, son expérience et ses réflexions sur la transition écologique au cabinet dentaire.

Parlez-nous de votre parcours, de vos influences, comment est née la nécessité d'opérer cette transition dans votre cabinet ?

J. Barret : J'ai fait mes études à la faculté de Bordeaux de 2010 à 2016. Dès la sixième année, j'ai travaillé dans le cabinet familial tout en effectuant des remplacements dans les DOM-COM. En octobre 2018, nous avons déménagé la structure. Passant de deux à trois praticiens. Le cabinet compte cinq praticiens aujourd'hui.

C'est lors de stages au Vietnam et surtout à Mayotte, en observant le volume des déchets générés et leur non-traitement, que j'ai eu l'idée de rédiger ma thèse intitulée Intégration du développement durable au cabinet dentaire.

L'ouverture du nouveau cabinet m'a donné l'occasion de confronter la théorie à la pratique. En livrant le témoignage de notre expérience, l'idée est de proposer un cabinet dentaire écoresponsable « clé en main », en étant transparent sur nos réussites, nos échecs et limites.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes praticiens qui vont s'installer et aux praticiens confirmés qui souhaiteraient repenser l'organisation de leur cabinet ?

J. Barret : Si c'est un nouveau cabinet, il est indispensable de penser toute l'organisation en amont, le livre donne de bonnes pistes.

Si la structure existe déjà, il convient de progresser pas à pas en privilégiant la simplicité : changer le consommable, mettre en place un vrai tri des déchets, changer de fournisseur d'électricité... Le mieux est de faire une transition douce afin de ne pas se décourager.

Une autre difficulté peut intervenir lorsqu'on arrive en tant que collaborateur ou collaboratrice au sein d'un cabinet. Le mot « écologique » peut heurter. Outre l'effet de mode, il peut revêtir une connotation politique ou tout simplement prêter à sourire. Alors qu'il s'agit juste de se montrer responsable et raisonnable. Nous ne soignons pas uniquement des dents mais des patients, il faut avoir une vision plus large de notre métier. Nous sommes des professionnels de santé et pour certains des gestionnaires de structure, nous ne pouvons plus occulter la pollution engendrée par notre profession.

Avec le recul qui est le vôtre aujourd'hui quelles sont les réussites et que feriez-vous différemment ?

J. Barret : L'implication de toute l'équipe fait que lors des réunions hebdomadaires, le thème de « l'écoresponsabilité » est peu abordé, les protocoles que nous avons mis en place étant respectés.

Nos réussites : une élimination de certains consommables et le remplacement de certains plastiques par du papier recyclé ou du matériel lavable/stérilisable ainsi qu'une moindre consommation du bâtiment via une chasse au gaspillage à tous les niveaux.

Les limites restent le peu d'offres réellement écoresponsables de matériel et de conditionnement des produits dentaires en général. Nous sommes le dernier maillon d'une chaîne commerciale, il faut que tous les acteurs du dentaire engagent eux aussi la transition écologique, et cela au-delà du greenwashing qui apparaît dans les catalogues. Seule et déconnectée de l'ensemble de la chaîne, l'implication des chirurgiens-dentistes ne suffit pas.

Le consommable en chirurgie est également problématique. Une réflexion devrait être menée avec les industriels pour diminuer l'impact du jetable tout en assurant une sécurité optimale pour le patient et le personnel.

Ce que l'on aurait fait différemment ? Principalement au niveau du bâtiment, nous avons peut-être été un peu frileux sur les matériaux. Mais nous pouvons encore nous améliorer sur d'autres postes. Disons que nous sommes dans une démarche de « progression environnementale ».

Que vous inspire la crise sanitaire actuelle et comment est-elle gérée dans un cadre écoresponsable ?

J. Barret : Les praticiens sont directement impactés par la gestion des stocks et la pénurie des EPI (équipements de protection individuelle). Nous devons travailler parfois avec des masques « made in China » trop petits ou présentant des défauts de qualité. La crise sanitaire risque de durer, nous espérons qu'une alternative plus « écologique » aux masques FFP2 ou chirurgicaux (en polypropylène) émerge (masques lavables ou dégradables) à condition que ces masques soient normés.

Pendant le confinement, nous étions un cabinet référent pour les urgences, agréé par le Conseil de l'ordre de la Gironde, nous avons pu anticiper plus sereinement la reprise.

Nous avons l'avantage de travailler déjà avec de longs rendez-vous. Ce qui a rendu les dix minutes d'aération entre chaque patient plus simples à gérer. Nous avons profité de la crise pour épurer les salles de soins de manière à les gérer comme des « blocs » facilitant leur nettoyage. Nous fonctionnons également en circuit fermé pour les surblouses et calots via des lessives écologiques. Hormis les EPI et l'usage de produits de surfaces normés contre la Covid-19, nous avons peu changé notre manière de travailler.

Lors de cette crise, le plus important est la limitation de la propagation de ce virus mais cela ne doit pas faire passer l'environnement au second plan.

Extrait de Guide du cabinet dentaire écoresponsable

La transition dans notre cabinet

Nous avons commencé les travaux du cabinet en janvier 2018. Il s'agissait de la transformation d'une pharmacie répartie entre le rez-de-chaussée et le premier étage dans le centre-ville de Bordeaux.

Le rez-de-chaussée de 110 m2 est composé de trois salles de soins avec un accueil, un espace d'attente, une salle de stérilisation et une salle radiographique.

L'étage de 70 m2 est équipé d'un bloc opératoire, d'un bureau, d'une salle de repos et d'une salle de bain privée (fig. 1).

Isolation

Parmi les isolants biosourcés, nous avons choisi la fibre de bois de la marque Steico Flex®, fabriquée à Casteljaloux en Gironde.

Électricité

Nous avons souscrit un abonnement chez Enercoop®. Selon les données du fournisseur, cela correspond à un approvisionnement 100 % renouvelable et une distribution en circuit court.

Pour les professionnels, un expert peut, pendant un an, faire un état des lieux et programmer un plan d'action personnalisé en vue de réduire la consommation.

Eau

Nous aurions aimé installer un système de récupération d'eau de pluie mais notre emplacement en centre-ville ne l'a pas permis. D'autant plus que pour des petites structures, ce système n'est pas écologiquement pertinent.

Il existe également des systèmes de récupération ou de filtration des eaux grises (eaux faiblement souillées des lavabos, évier, etc.) permettant de réutiliser ces eaux dans le circuit d'eau non potable. Cependant, ces systèmes n'en sont qu'à leurs débuts et sont peu adaptés à une petite structure.

Dans une optique d'économie, nous avons installé des mousseurs à la sortie des robinets réduisant le volume de 20 à 40 % et une chasse d'eau à double flux pour les toilettes.

Chauffage et climatisation

L'emplacement du cabinet n'a pas permis d'avoir recours à un chauffage renouvelable (chaudière à bois, panneau thermique, géothermie), nous avons donc opté pour une pompe à chaleur réversible.

L'hiver, la température n'excède pas 19 oC et l'été, nous essayons de rester dans un delta de 5 oC pour la climatisation par rapport à la température extérieure.

Huisseries

Une des erreurs majeures de cette rénovation a été la mise en place au rez-de-chaussée d'huisseries en aluminium neuf (cf. mobilier précédemment décrit, à éviter). Un impératif du chantier nous a menés à cette erreur. Pour l'étage, réalisé dans un second temps, nous avons utilisé du pin PEFC (fig. 2).

Situés en centre-ville à moins de 500 mètres de la cathédrale, nous n'avons pas pu mettre en place de volets à lames orientables.

Revêtement du sol

Nous voulions éviter les sols dérivés du pétrole.

Au rez-de-chaussée, nous avons opté pour un sol dur avec du grès cérame. Afin de limiter les joints, nous avons pris des carreaux de 120 × 120 cm (fig. 3). Le matériau est plus onéreux à l'achat que e PVC mais n'aura jamais besoin d'être changé.

Le grès cérame est assez énergivore à la conception mais les fabricants font des efforts constants pour améliorer le processus de fabrication. La gamme que nous avons utilisée est Marazzi® labellisée par l'écolabel européen et LEED.

Étant donné l'impossibilité de poser un sol dur à l'étage (la charpente n'aurait pas supporté son poids), nous avons opté pour du Marmoleum®, un sol souple naturel à 97 % (composé d'huile de lin et de liège) qui nécessite un entretien avec un produit neutre comme le savon noir (fig. 4).

Murs et plafonds

Pour trouver une alternative au Placo®, nous avons choisi du Fermacell®, matériau constitué de gypse, de minéraux, de cellulose recyclée et d'eau compressés (fig. 5).

Utilisé depuis longtemps dans l'écohabitat, il est plus résistant et présente moins de solvants que le Placo®, même si des progrès environnementaux ont été réalisés dans la conception de ce dernier.

Air intérieur

Plusieurs éléments contribuent à ce que l'air du cabinet soit le plus sain possible :

• de l'huile pour les meubles et de la peinture éco-labellisée à très faible émission de COV ;

• pas de sol en PVC ;

• des produits de nettoyage pour le cabinet à faible émission de COV ;

• des produits ménagers écologiques ;

• une VMC double flux.

Autocritique

Une des erreurs majeures de ces travaux a été la mise en place au rez-de-chaussée des huisseries en aluminium neuf. L'aluminium possède certes une bonne durabilité mais sa conception est une catastrophe environnementale. Par ailleurs, nous aurions aimé trouver un artisan qualifié pour monter des murs en terre et chanvre mais les impératifs du chantier nous ont poussés vers une solution de facilité.

Avec le recul, je dirais que nous aurions eu la mention « Peut mieux faire » écologiquement parlant.

Les vraies difficultés de ce chantier ont été le délai, la marge de manœuvre limitée propre aux rénovations et la réticence des artisans à changer de matériaux. Le bâtiment est un domaine en pleine mutation, les alternatives fleurissent mais le monopole de certaines marques et le lobbying restent très ancrés.

Récapitulatif des solutions écoresponsables

Exemples de produits (tableau 1)

 

Labels conseillés (fig. 6)

 

Les gestes conseillés (tableau 2)

 

En conclusion

• Le plus écologique des matériaux est celui que l'on ne met pas en œuvre.

• La rénovation est à privilégier.

• Il est essentiel d'avoir une bonne isolation.

• Utiliser au maximum des matériaux biosourcés.

• Utiliser au maximum des matériaux d'origine locale.

• Faire appel à un fournisseur d'électricité renouvelable.

• Maîtriser sa consommation.