Doctolib ou doctopriso ? - Clinic n° 12 du 01/12/2020
 

Clinic n° 12 du 01/12/2020

 

De bouche à oreille

Frédéric BESSE  

frbesse@hotmail.fr

Depuis quelques temps, nous subissons les assauts enjôleurs de sites de prise de rendez-vous en ligne qui cherchent à nous démontrer les nombreux avantages liés à leurs services.

N'oublions pas que ce ne sont pas des philanthropes.

Si, dans les déserts médicaux, leurs arguments sont vains, il faut bien reconnaitre que de nombreux confrères peuvent se laisser convaincre par les promesses de ce nouveau (et sans doute bientôt inéluctable) moyen de contact patients/praticiens. Pour une cotisation somme toute modique, ces braves gens vous promettent : des patients sélectionnés en fonction de vos orientations thérapeutiques, moins de rendez-vous oubliés et une présentation du praticien et de son activité qui s'apparente à de la publicité (mais cela n'a désormais aucune importance, l'Europe ayant fait sauter le verrou du CSP en la matière !!).

Déléguons donc la gestion de nos agendas à des gens qui semblent s'y connaitre, cela pourra nous permettre de nous concentrer sur nos soins. Ce serait oublier un peu vite qu'ils ne sont pas des philanthropes, que leur but est de faire le plus d'argent, le plus vite possible, et qu'ils vendent de l'organisation d'agendas médicaux comme ils vendraient des livres... la réussite d'Amazon étant un idéal de bizness-model qui les fait tous baver d'envie.

Ne nous leurrons, pas, une fois que les praticiens se seront inscrits en nombre « suffisant » sur ces sites, il deviendra aussi ringard pour un confrère de ne pas l'être que de ne pas avoir de téléphone, tant les jeunes patients sont sensibles à la facilité de prise de rendez-vous sur internet. La palombe prise au filet, il ne restera plus alors qu'à la plumer, avant peut être de l'avaler...

Cela commencera par la notation « volontaire et bénévole » par les patients (mais qui pourra certainement être améliorée contre espèces sonnantes). Ensuite, les abonnements s'envoleront vers des tarifs injustifiables (mais vous n'aurez plus d'autre choix que de payer) et peut être devrez-vous vous abonner à plusieurs sites pour ratisser plus large une patientèle rare.

Coté patients, le site qui survivra à la bataille actuelle (Doctolib tient la corde, mais les GAFA ne se sont pas encore mêlées de ce marché de niche) pourra proposer de gérer leur DMP, puisque de toute manière la CPAM en est incapable, ensuite ils proposeront (mais avec l'accord des patients bien sûr !) de faire analyser les documents contenus dans les DMP, par des praticiens assistés par des IA ultraperformantes afin de prendre en charge la santé des patients et anticiper les dégradations(ce qui pourrait être très efficace en termes de santé publique). Bien entendu, le site de prise de RDV orientera les patients uniquement vers des praticiens « partenaires » s'étant engagés sur un certain nombre de critères : tarifs, plateau technique, tarif, pourcentage reversé au site, sourire de l'assistante, tarif... Et sans doute aussi ceux qui auront « décidé » de travailler avec des partenaires du site : fournisseurs, laboratoires (lesquels seront naturellement invités à « aider » financièrement ceux qui leur envoie des patients...).

Bref, une spirale qui pourrait s'avérer ennuyeuse pour les confrères qui seraient tentés de faire une confiance aveugle dans ces sociétés. Il est grand temps que les ordres de santé et les syndicats s'intéressent de près au mode de fonctionnement de ces partenaires aux dents longues.