POURQUOI ACCORDER UNE GRANDE ATTENTION AU CHOIX DE SA LAMPE À PHOTOPOLYMÉRISER ? - Clinic n° 03 du 01/03/2021
 

Clinic n° 03 du 01/03/2021

 

Dentisterie

Restauratrice

Bruno PELISSIER*   Romain CEINOS**   Rafael BEOLCHI***   Paul TRAMINI****   Aiping HUANG*****  


*UFR d’odontologie de Montpellier.
**UFR d’odontologie de Nice, membre de Bio_Emulation et Président de la Bioteam Nice.
***Master in Biomaterials, Institute of Nuclear Research and Engineering, University of São Paulo, Associate Researcher of the UNESP College of Dentistry, São José dos Campos, Brazil.
****UFR d’odontologie de Montpellier.
*****Hôpital Central de Karamay, département de stomatologie, Xinjiang, Chine.

Le problème de la photo-polymérisation qui se posait au début des années 2000 était que différents dispositifs étaient proposés en plus et en alternative aux générateurs halogènes conventionnels : lampes à arc plasma et lampes à diodes électroluminescentes. Ces nouvelles technologies ont eu pour conséquence de poser des questions sur l’irradiation lumineuse et surtout sur comment l’optimiser pour avoir des restaurations de qualité et pérennes dans le temps. Des débats...


Résumé

Dans le collage des restaurations céramiques, lors de la polymérisation du composite de collage dual, nous devons utiliser une lampe avec une irradiance correcte pour que son flux lumineux amène une quantité d’énergie suffisante en profondeur, d’autant plus importante que sa collimation sera importante. Seuls les radiomètres Gigahertz-Optik et Bluephase Meter II donnent des mesures réelles et sensiblement égales car ils intègrent, dans leur calcul d’irradiance, le diamètre de l’embout, voire sa surface. Il nous a donc semblé intéressant de mesurer et de montrer les pertes de l’intensité lumineuse pouvant être mises en évidence grâce au radiomètre Gigahertz-Optik MSC 15-W en interposant des disques de céramiques de différentes épaisseurs et teintes entre la lampe et le capteur de cet appareil. Les irradiances de différentes lampes ont déjà été étudiées à travers des disques de composite et les résultats avaient montré des pertes importantes d’irradiance dès 0,5 mm d’épaisseur.

Ils montraient aussi que la densité de puissance des lampes diminuent rapidement à travers des disques de céramique pour toutes les lampes et que les modes d’irradiation plus puissant permettent d’obtenir de meilleurs résultats. L’épaisseur jouent un rôle dans la propagation du flux lumineux en profondeur. Pour cette étude, la teinte semble ne pas jouer un rôle aussi important que pour celle des composites. Si nous ne gardons que les modes puissants des lampes, ce qui est recommandé pour le collage indirect à travers la céramique, la moyenne générale de l’irradiance se situe entre 220 et 820 mw/cm2, avec tout de même de grandes variations entre les lampes.

En comparant les moyennes des irradiances obtenues pour la teinte A3 en composite et en céramique, on constate que le flux lumineux pénètre mieux en profondeur à travers la structure cristalline de la céramique IPS e.max Press® que celle hétérogène du composite Mosaïc®. Pour le composite, les valeurs varient de 50 et 312 mw/cm2 alors que pour la céramique les valeurs vont de 123 et 684 mw/cm2 soit en moyenne 2,5 fois plus. Donc, plus la restauration est épaisse et opaque, plus il faudra utiliser éventuellement un composite dual pour ne pas avoir de surprises cliniques et surtout augmenter le temps d’irradiation lumineuse associée à un mode haute intensité pour pouvoir apporter cette quantité d’énergie suffisante à la polymérisation du matériau.

Le problème de la photo-polymérisation qui se posait au début des années 2000 était que différents dispositifs étaient proposés en plus et en alternative aux générateurs halogènes conventionnels : lampes à arc plasma et lampes à diodes électroluminescentes. Ces nouvelles technologies ont eu pour conséquence de poser des questions sur l’irradiation lumineuse et surtout sur comment l’optimiser pour avoir des restaurations de qualité et pérennes dans le temps. Des débats plus ou moins vigoureux sur le choix des lampes à polymériser et leurs modes d’activation ont eu lieu avec plus ou moins de fondements scientifiques. Mais le point positif a été de mieux comprendre l’influence de l’irradiation lumineuse et de faire évoluer la photopolymérisation.

Actuellement, ce problème n’existe plus car les lampes LED, grâce aux énormes progrès faits sur leurs ampoules, ont détrôné toutes les autres lampes et possèdent de bonnes irradiances [1]. L’ergonomie du « sans fil » associée à une fiabilité reconnue, sauf pour les lampes low-cost, a définitivement sonné le glas des autres systèmes [2, 3] (figure 1). Travaillant depuis plus de vingt-cinq ans sur les lampes à polymériser, il m’a semblé très intéressant de mettre la conclusion de ma thèse de doctorat et de l’adapter avec les données actuelles de la dentisterie moderne et adhésive [4, 5]. En effet, le but du travail de thèse avait été d’étudier un certain nombre de variables pouvant influencer le degré de polymérisation d’une matrice de composite.

Les principales variables étudiées étaient :

• la nature de la lampe ;

• le temps de polymérisation ;

• la nature et la structure des biomatériaux composites ou dérivés ;

• l’épaisseur du matériau ;

• la teinte du matériau ;

• la technique incrémentale.

Des essais de micro-dureté qui permettent d’apprécier de manière indirecte le degré de conversion des monomères ont été réalisés comme l’a démontré Ferracane [6]. Pour compléter ces études, deux approches complémentaires avaient été conduites.

• Caractérisation des spectres d’émission des différentes lampes que nous avons exploitées dans le cadre de notre travail. Il s’avérait indispensable, pour l’analyse des résultats, d’apprécier la bonne concordance entre la bande de longueur d’onde émise, l’intensité du flux photonique et les domaines d’absorption des photo-initiateurs. Cette étude a été conduite sur un spectrophotomètre Minolta dans le laboratoire du Professeur Michel Degrange.

• Caractérisation des microstructures des matériaux étudiés. La micromorphologie d’un composite peut singulièrement influencer les phénomènes de diffusion de la lumière en profondeur. C’est la raison pour laquelle il nous a paru important de qualifier la microstructure des matériaux testés. Ce volet a été conduit en microscopie électronique à balayage dans le laboratoire du Professeur Michel Degrange. Les principales données de notre travail peuvent être résumées comme suit et nous les avons réactualisées avec des études et des tests réalisés depuis de nombreuses années (mise au point de quelques lampes comme la Miniled® de Actéon, étude avec le système Marc et le radiomètre Gigahertz-Optik…).

La nature de la lumière peut s’avérer être un paramètre déterminant dans le taux de polymérisation du composite. La technologie plasma devait être utilisée d’une certaine façon et avec des temps courts, les taux de conversion en profondeur n’étant pas en adéquation avec une bonne polymérisation. Actuellement, ce paramètre n’existe plus car seule la technologie LED est utilisée essentiellement en pratique quotidienne et les progrès réalisés dans les ampoules ont permis d’obtenir de très bons résultats cliniques. Les praticiens n’ont donc plus à se soucier de la technologie utilisée dans leur lampe.

Nous avions noté une hiérarchie de micro-dureté assez bien établie entre les matériaux testés quels que soient le type de lampe et les temps de polymérisation. Cette observation montre bien qu’il existe un paramètre structural important attribuable aussi bien à la structure globale du matériau qu’à la nature de sa matrice organique et des photo-amorceurs qu’il contient qui déterminent son énergie d’activation. L’analyse statistique des résultats avait permis de classer les matériaux testés. Ce phénomène est toujours d’actualité, avec des matériaux plus ou moins opaques, saturés, voire translucides, mais aussi avec des variables dans leurs compositions. Le flux lumineux circulera mieux dans certaines structures, comme par exemple celles de certains Bulk fill entraînant une polymérisation plus en profondeur.

En ce qui concerne l’influence de la structure (figure 2), il faut relever le comportement de certains matériaux qui semblent présenter un coefficient d’absorption photonique très élevé par rapport aux autres. Les variations de dureté que présentent ces matériaux entre 1 et 2 mm de profondeur sont plus ou moins singulières par rapport à certains. Mais d’autres matériaux n’ont besoin que d’une énergie faible pour activer leur polymérisation, si bien que quelques photons sont capables d’initier la polymérisation en profondeur en particulier avec les composites de 3M. Ceci est toujours d’actualité.

Pour un spectre d’excitation donné, le temps d’irradiation influence non seulement le degré de conversion en surface mais aussi et surtout en profondeur. En augmentant le temps d’insolation, on augmente la probabilité de diffusion photonique. Cette diffusion suit des lois variables selon les matériaux testés et la puissance de la lumière émise. Cela est toujours d’actualité mais avec une loi de réciprocité applicable dans certaines limites. Il est nécessaire d’utiliser des lampes avec des puissances supérieures à 1 000 mW/cm2 pour pouvoir délivrer une quantité d’énergie suffisante à la polymérisation du matériau en profondeur [7].

D’une manière identique, nous confirmons que l’obtention d’un bon degré de conversion requiert un temps d’irradiation qui doit prendre en compte la teinte du matériau (figure 3). Un matériau de teinte saturée possède un coefficient plus important d’absorption, donc un temps de polymérisation plus important.

Enfin, nous avions confirmé la nécessité de restaurer une cavité couche par couche avec des incréments toujours inférieurs à 2 mm d’épaisseur pour une lampe halogène et des incréments de 1 mm d’épaisseur pour une lampe type plasma. L’intérêt de la technique de stratification est de permettre, à chaque apport successif de composite, une polymérisation complémentaire de la couche précédente. Cela est toujours d’actualité avec la technologie à diodes électroluminescentes et cela avait été montré avec la première lampe LED de GC, la GC-e-light® étudiée en 2000. Des mesures faites avec le radiomètre Gigaherts-Optik ont montré des chutes importantes d’irradiance à travers des disques de composite de différentes épaisseurs et teintes, montrant l’utilité de travailler avec des couches fines de composites [8, 9] (figure 4).

Dans l’étude des corrélations spectres/degrés de conversion, il apparaissait que l’émission d’un spectre large situé dans les faibles longueurs d’onde à la limite de l’UV (380-390 nm) et s’étendant jusqu’à 500 nm procurait des résultats beaucoup plus constants et réguliers quel que soit le matériau testé. En effet, si la camphoroquinone est le photo-initiateur le plus souvent employé dans la technique des composites dentaires, on lui associe souvent ou on lui substitue une dicétone dont les domaines d’excitation se situent entre 390 et 430 nm. Il va de soi qu’un spectre d’émission filtré en aval de 430 nm ne permettra pas d’optimiser l’amorçage de la réaction. Ceci est encore plus d’actualité car nous utilisons de plus en plus des matériaux clairs, voire translucides avec très peu de camphoroquinone [10] (figure 5).

L’évolution de la technologie LED montrait en 2001 des résultats de dureté intéressants voisins des lampes halogènes. La GC-e-Light® de GC permettait même d’obtenir des valeurs plus homogènes en profondeur. Les essais que nous avions présentés dans cette thèse ont été réalisés pour la plupart jusqu’en début 2001. Depuis, certains matériaux ont évolué ou ont été enlevés du marché et cette technologie LED a fait d’énormes progrès et a supplanté toutes les autres technologies.

Que faut-il faire face à cette évolution technologique extrêmement rapide ? Que faut-il faire face à des matériaux changeant sans cesse ?

La problématique en odontologie restauratrice repose à l’heure actuelle sur l’évaluation de toutes les nouvelles méthodes, sans compter la multiplicité croissante des produits. L’une des priorités croissantes en dentisterie est essentiellement esthétique et doit être conforme simultanément à une pérennité fonctionnelle. Dans ce dialogue, esthétique et qualité des fonctions, la politique de mise est d’analyser les différents composés, souvent trop rapidement, sans cesse nouveaux, à la lumière de techniques physico-chimiques in vitro plus que in vivo. À l’heure de la clinique, de la vitesse des renouvellements des matériaux et des méthodes, poser les problèmes à la lueur de paramètres précis et bien exploités est, me semble-t-il, nécessaire pour améliorer notre crédibilité.

Nous avons réalisé une étude à travers des disques de composite d’épaisseurs variables et définies (0,5 mm, 1 mm, 1,5 mm, 2 mm) et de différentes teintes ayant pour but d’évaluer l’irradiance lumineuse de différentes lampes ayant traversée le matériau [9]. Les résultats ont montré que l’augmentation de l’épaisseur des disques en composite a un effet négatif sur tous les appareils de photopolymérisation en profondeur et cela très rapidement. On note que, lorsque les lampes ou les modes sont plus puissants, la perte d’irradiation est moins importante mais existe tout de même. Outre la quantité totale d’énergie délivrée, la façon dont la lumière est produite et livrée peut varier beaucoup selon le type et la construction de la lampe à polymériser. Ainsi, la collimation de la lumière de l’appareil est significative puisque non seulement la densité de puissance délivrée à l’extrémité est importante mais aussi parce que l’énergie effectivement livrée en profondeur doit pouvoir y aller facilement par collimation lorsque la distance entre l’extrémité de la lumière et le bas de la restauration augmente, comme c’est le cas dans la plupart des restaurations de classe 2. Cette information est primordiale pour s’assurer que même les couches plus profondes du composite sont correctement durcies. Cliniquement, il existe une corrélation entre la teinte et la polymérisation ; plus la teinte du composite est foncée ou opaque, plus la dureté (ou polymérisation) diminue par absence de pénétration en profondeur du flux lumineux. Les tests réalisés avec le radiomètre le confirment. Plus la teinte du composite est saturée ou opaque, moins le flux lumineux pénètre à travers les disques ; plus la teinte est claire ou transparente, moins nous avons de perte d’irradiation lumineuse en profondeur. Il faudra donc en tenir compte lors des restaurations directes antérieures et surtout postérieures.

Quid du collage des restaurations indirectes ?

Nous savons que l’épaisseur de la restauration indirecte joue un rôle clé dans la conversion du matériau de collage [11]. Plus la restauration est épaisse, moins la conversion est prévisible. Le collage devient donc moins pérenne et il est nécessaire d’avoir une lampe avec une haute intensité et une bonne collimation pour pouvoir traverser le matériau indirect utilisé (figure 6). Il est recommandé aussi d’augmenter les temps d’irradiation lumineuse et de le faire sur toutes les faces de la dent. De nombreux articles ont été écrits sur ce sujet. Koubi [12] confirme que nous devons nous assurer que la lampe à photopolymériser émet une intensité lumineuse suffisamment élevée, en particulier pour les restaurations indirectes. Ceci est essentiel pour garantir qu’une quantité suffisante de lumière passe à travers la couronne ou l’inlay, afin d’atteindre le composite de collage et d’obtenir une polymérisation parfaite du composite photo-polymérisable ou dual. Turp [13] montre que différents ciments de résine à double durcissement peuvent avoir des efficacités de polymérisation différentes et que le type et l’épaisseur de la céramique sus-jacente peuvent influencer la polymérisation. Rocha Pacheco et al. [14] concluent dans leur article que les matériaux indirects ont considérablement réduit la transmission lumineuse et que cet effet est plus important avec l’augmentation de l’épaisseur. La longueur d’onde violette a montré une pénétration plus faible que la bleue. Pour de Mendonça [15], étant donné que la transmission des céramiques peut influencer le degré de conversion des ciments résineux, la composition et la couleur des céramiques doivent être prises en compte dans le choix du ciment résineux. Cette étude in vitro visait à évaluer l’effet de la transmission de différentes compositions, opacités et nuances de céramiques sur le degré de conversion de deux ciments de résine à double durcissement.

Actuellement, de plus en plus de cliniciens utilisent des composites de restauration photo-polymérisables pour coller leurs restaurations indirectes postérieures. La quantité d’énergie délivrée à travers la restauration céramique est-elle suffisante ? Proposée par les écoles suisse et italienne, la technique du composite chauffé photo-polymérisable (figure 7) présente certains avantages lors du collage (maîtrise du temps de travail, meilleures résistance et propriétés mécaniques, meilleur taux de conversion, petits comblements, bons résultats esthétiques) mais, comme avec toute technique, il existe aussi des inconvénients (réchauffer le composite, nécessité d’avoir des ultra-sons, échauffement lors de la polymérisation, risques de fracture et de mauvaise insertion lors de la manipulation) [16-19].

Le point le plus critique est donc la puissance de la lampe et le temps de photo-polymérisation. Cela peut poser des problèmes car, pour beaucoup de lampes avec leurs intensités lumineuses et leurs collimations insuffisantes, le flux lumineux ne traversera pas la restauration indirecte et la polyméristaion ne se fera pas bien. Mais, si le praticien maîtrise bien cette technique et les différentes étapes cliniques, de bons résultats cliniques peuvent être obtenus. En résumé, en fonction de l’épaisseur de matériau, de la teinte et de l’opacité d’une restauration indirecte, la quantité de lumière atteignant le composite de collage peut être considérablement réduite. Il faut donc s’assurer que la lampe à photo-polymériser utilisée possède une intensité lumineuse suffisamment élevée. Ceci est essentiel pour garantir qu’une quantité suffisante de lumière passe à travers le matériau indirect, afin d’atteindre le composite de collage et d’obtenir une polymérisation parfaite du composite photo-polymérisable ou dual.

Il nous a donc semblé intéressant de mesurer et de montrer les pertes de l’intensité lumineuse pouvant être mises en évidence grâce au radiomètre Gigahertz-Optik MSC 15-W en interposant des disques de céramique [20, 21] de différentes épaisseurs et teintes entre la lampe et le capteur de cet appareil.

Les irradiances de différentes lampes ont déjà été étudiées à travers des disques de composite et les résultats avaient montré des pertes importantes d’irradiance dès 0,5 mm d’’épaisseur [9]. Avec des disques de céramique, qu’allait-il se passer ? Nous avions toujours à notre disposition la Valo® et la Valo® Grand de Ultradent, la Bluephase Style® et la Bluephase® G4 de Ivoclar-Vivadent, la Radii Xpert® de SDI, l’Elipar® S10 de 3M Espe, la D-light Pro® de GC et la Smartlite® Focus de Dentsply Sirona. Des modes présents sur des lampes ont aussi été testés.

Le Gigahertz-Optik MSC 15-W que nous avons utilisé est un radiomètre spectral dont le spectre est compris entre 360 nm et 830 nm. L’optique d’entrée est constituée par une sphère cubique, son ouverture d’entrée étant constituée par un diffuseur de 15 mm de diamètre. La puissance radiante spectrale a été étalonnée en utilisant une lampe étalon à quartz halogène de référence PTB/NIST de 250 W. La puissance radiante spectrale est calculée à partir de l’irradiance spectrale en utilisant la zone de l’ouverture d’entrée que l’on peut mesurer par un pied à coulisse numérique. Le diffuseur du dispositif de mesure a été réglé perpendiculairement et au centre de la norme de transfert avec une distance de 250 nm (figure 8).

MATÉRIAUX UTILISÉS

Nous avons choisi comme matériau céramique l’IPS e.max Press qui est une vitrocéramique innovante au disilicate de lithium pour la technique de pressée, compatible à la réalisation de disques de différentes épaisseurs (figure 9). Ce matériau possède une haute résistance de 470 MPa qui, combinée avec le collage adhésif, permet la réalisation de couronnes d’épaisseur d’au moins 1 mm.

Les lingotins en vitrocéramique au disilicate de lithium sont disponibles en 5 degrés d’opacité et une version Impulse. De plus, techniquement, la pressée nous permettait de réaliser assez facilement des disques de différentes épaisseurs. Les lingotins IPS e.max Press sont proposés en version polychrome (Multi) en 1 taille, en version monochrome en 5 degrés de translucidité (HO, MO, LT, MT, HT) et en teintes Impulse en 2 tailles. Concernant la mise en oeuvre, toutes les restaurations peuvent être réalisées avec chacun des lingotins. Nous avons choisi pour notre étude les lingotins IPS e.max Press LT (basse translucidité) car ils représentent 80 % des restaurations faites en IPS e.max Press et sont disponibles en teintes A-D et Bleach BL. De plus, compte tenu de leur faible translucidité similaire à celle de la dentine naturelle, ils sont parfaitement indiqués pour réaliser des restaurations de plus grande taille (par exemple, des couronnes postérieures). La luminosité et le chroma de ces lingotins donnent un aspect naturel aux restaurations et leur évitent un aspect gris en bouche.

Les lingotins LT sont parfaitement indiqués pour la technique du cut-back et peuvent être également utilisés pour la technique de maquillage. Dans le cadre de nos tests, nous avons utilisé la technique de la pressée verticale de céramique (ici le disilicate de lithium). La pressée est une technique qui reprend celle de la cire perdue. Les maquettes des disques de différentes épaisseurs ont été confectionnées par CFAO avec le logiciel Blender (logiciel de conception 3D) associé à la machine d’usinage 5 axes Programill PM7 de Ivoclar Vivadent. Les disques ont été usinés en cire usinable ProArt CAD Wax de Ivoclar-Vivadent (calcinable et sans résidus). À partir de cette étape, nous avons utilisé la méthode de la cire perdue. Ainsi, les différentes pièces en cire calcinable sont positionnées sur le modèle de travail avec une tige de coulée. La mise en revêtement s’effectue dans un cylindre avec un matériau réfractaire approprié. Le bloc réfractaire est ensuite préchauffé dans un four à 850 °C avec le lingotin de céramique et le piston, puis stabilisé 60 minutes. Ensuite, le cylindre est positionné au centre du four de pressée, le lingotin LT introduit dans la cheminée du cylindre et le piston mis en place. La température s’élève alors jusqu’à 1075 °C et le processus de pressée se déroule automatiquement. La pièce pressée sera démoulée après refroidissement complet. Le réfractaire est découpé à l’aide de disques et de fraises. Les disques sont ensuite dégagés du réfractaire par un sablage aux billes de verre de 50 à 100 microns, sous pression de 2 bars (figure 10).

Cinq mesures par épaisseur, par teinte et pour chaque lampe ont été réalisées et analysées (figure 11).

RÉSULTATS

De façon générale, nous voyons que l’épaisseur joue un rôle important dans la perte d’irradiance en profondeur pour toutes les lampes. Tous les graphiques ont un schéma similaire avec moins de pertes pour les lampes plus puissantes et ayant une meilleure collimation (figures 12 à 14). La teinte semble être un facteur moins important dans la diminution de l’irradiance au niveau de cette étude pour la céramique étudiée, les courbes étant très voisines. Si nous ne gardons que les modes puissants des lampes, ce qui est recommandé pour le collage indirect à travers la céramique, la moyenne générale de l’irradiance se situe entre 220 et 820 mW/cm2, donc avec de grandes variations entre les lampes : Valo® Grand (601 et 820 mW/cm2), Valo® (415 et 680 mW/cm2), Smartlite® Focus (290 mW/cm2), D-Light® Pro (267 mW/cm2), Bluephase® G4 (250 mW/cm2), Elipar® S10 (245 mW/cm2), Bluephase® Style (222 mW/cm2), Radii-Cal® (222 mW/cm2). Ce classement n’est bien sûr valable que pour les tests faits dans le cadre de cette étude et avec le matériau utilisé. Les valeurs sont des moyennes globales des irradiances de chaque lampe, teintes et épaisseurs confondues.

Une très faible irradiance de 200 mW/cm2, mesurée en profondeur, aura un impact clinique important par rapport à une irradiance plus élevée de 600 mW/cm2. Pourquoi ? L’intensité doit être suffisante en profondeur pour que le degré de conversion du matériau utilisé soit correct, car il dépend de l’énergie lumineuse reçue par lui.

De nombreuses études ont montré qu’une intensité lumineuse minimale égale ou supérieure à 400 mW/cm2 est nécessaire pour accomplir une polymérisation complète pour une épaisseur de 2 mm in vitro. Le Total Energy Concept ou quantité totale d’énergie délivrée au matériau atteste que le processus de photo-polymérisation dépend de l’énergie absorbée par la résine et peut être résumé par la multiplication de l’intensité lumineuse par le moment de l’exposition (par exemple, 20 secondes sous une intensité lumineuse de 800 mW/cm2 = 20 s × 800 mW/cm2 = 16 000 mW/cm2 ou 16 J/cm2). Il est admis qu’une valeur de 16 J/cm2 (ou 16 000 mW/cm2) est la dose nécessaire pour polymériser complètement un incrément de 2 mm de composite d’épaisseur. Il faudra donc plus de temps ou plus de puissance pour avoir une bonne irradiation en profondeur et à travers la pièce prothétique. Mais cela a des limites et la loi de réciprocité (bas débit, longue durée) n’est pas validée entièrement car un débit trop faible engendre une absence de polymérisation en profondeur, donc au niveau du composite servant au collage de la pièce de restauration indirecte. Il faut donc avoir au moins 400 mW/cm2 pour pouvoir obtenir une polymérisation du matériau de collage, ce que la Valo Grand® obtient facilement. Certaines lampes atteignent cette valeur mais pour de faibles épaisseurs [1, 5, 9, 22].

Si nous comparons les moyennes des irradiances obtenues pour la teinte A3 en composite et en céramique, nous remarquons que le flux lumineux pénètre mieux en profondeur à travers la structure cristalline de la céramique IPS e.max Press® que celle hétérogène du composite Mosaïc® [9] (tableau 1).

Les résultats comparatifs des deux lampes de Ultradent montrent que la Valo Grand® obtient de meilleures valeurs d’irradiance en profondeur avec les modes High et Xtra, les teintes étudiées jouant un rôle minime. Ce n’est qu’à partir de l’épaisseur 0,5 mm que des différences apparaissent entre les deux lampes. Le mode standard ne montre pas de différences significatives entre elles. Cela est intéressant car, avec sa lentille plus large et sa technologie spécifique, cette lampe apporte donc une amélioration dans les irradiations profondes essentielles dans le collage des restaurations céramiques (figure 14).

DISCUSSION ET CONCLUSION

Les praticiens doivent prendre conscience du rôle important que jouent les lampes à polymériser dans leur pratique quotidienne adhésive et surtout dans le collage des restaurations céramiques. La qualité et la pérennité des restaurations dépendent de leur bonne utilisation. Avoir un composite de collage dual, photo-polymérisable et/ou chauffé bien polymérisé permet d’obtenir une bonne herméticité avec un joint de qualité et, par conséquent, une meilleure performance clinique. Lors de la polymérisation d’un matériau, nous devons utiliser une lampe avec une irradiance correcte pour que son flux lumineux amène une quantité d’énergie suffisante en profondeur, d’autant plus importante que sa collimation sera importante. Les tests réalisés montrent que la densité de puissance des lampes diminue rapidement à travers des disques de céramique pour toutes les lampes et que des modes d’irradiation plus puissants permettent d’obtenir de meilleurs résultats. L’épaisseur joue un rôle dans la propagation du flux lumineux en profondeur mais moins qu’avec des disques de composite, cela étant dû à la structure des matériaux (la structure cristalline de la céramique permet une bonne propagation du flux lumineux). Pour cette étude, la teinte ne joue pas un rôle aussi important que pour celle des composites. Il aurait été sans doute plus judicieux de prendre des teintes plus saturées et opaques pour avoir des valeurs plus marquées. Il faudra surtout ne pas l’oublier dans nos techniques restauratrices indirectes utilisant des composites dual et surtout des composites chauffés.

D’un point de vue critique, les tests réalisés n’ont été faits que dans une seule dimension, à savoir perpendiculairement, mais cela montre tout de même l’influence des facteurs étudiés. Or, lors d’un collage, l’irradiation lumineuse est appliquée au niveau de toutes les faces accessibles de la dent que nous restaurons. Cette irradiation lumineuse couplée à une haute intensité et une bonne collimation va pénétrer plus et donc entraîner une meilleure conversion du matériau de collage employé. La structure de la dent permet à la lumière de circuler [5] (figures 15 et 16) et donc au flux lumineux d’agir plus en profondeur, cela de façon plus homogène, comme l’indiquait Vanini dans sa stratification antérieure en mettant une couche transparente glass connector mimant la jonction amélo-dentinaire [24]. Bien sûr, il faudra toujours tenir compte de l’épaisseur et de la teinte de la céramique qui sont des freins à la pénétration du flux lumineux ; la structure de la céramique permet à la lumière de mieux circuler et de pénétrer en profondeur par rapport aux composites directs ; le matériau utilisé lors de ces tests est disponible sous la forme de lingotins d’aggloméré verre-céramique. Les cristaux de disilicate de lithium représentent 60 % du volume et leur disposition dans la masse vitreuse permet une dispersion lumineuse, ce qui est très intéressant cliniquement dans la polymérisation lors d’un collage. Plus la restauration est épaisse et opaque, plus il faudra utiliser éventuellement un composite dual pour ne pas avoir de surprises cliniques et, surtout, augmenter le temps d’irradiation lumineuse pour pouvoir apporter cette quantité d’énergie suffisante à la polymérisation du matériau. En effet, si on utilise un composite chauffé pour coller la pièce céramique, il faudra absolument avoir une lampe puissante, ce que peu de praticiens ont et qui, souvent, préfèrent des lampes low-cost inadaptées. Il sera nécessaire aussi d’augmenter le temps d’irradiation lumineuse au niveau des différentes faces de la dent à restaurer pour que le flux lumineux puisse traverser la céramique et les structures dentaires. Enfin, il faudra éviter l’échauffement la dent en la refroidissant lors des irradiations puissantes et longues. Cette technique a ses adeptes et montre de très bons résultats cliniques. En la maîtrisant et en connaissant ses points critiques, elle peut être appliquée en pratique quotidienne. Au praticien de choisir et d’être très protocolaire dans ses actes cliniques lors du collage d’une pièce prothétique céramique. Il serait nécessaire de continuer des tests avec d’autres matériaux céramiques, hybrides et composites indirects, pour avoir une vue d’ensemble et croiser les résultants de ces matériaux. Mais, déjà, nous voyons qu’avec le type de céramique utilisée, les irradiances mesurées varient.

BIBLIOGRAPHIE

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Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.