Échec de comblements alvéolaires et de régénérations osseuses guidées associés à une antibiothérapie par clindamycine : une étude rétrospective - Clinic n° 07 du 01/07/2021
 

Clinic n° 07 du 01/07/2021

 

Revue de presse

Internationale

Timothée GELLÉE  

Les comblements alvéolaires post-extractionnels permettent de diminuer la perte osseuse secondaire aux avulsions dentaires. Les régénérations osseuses guidées (ROG) sont classiquement utilisées en chirurgie pré-implantaire afin d’augmenter le volume osseux de la crête alvéolaire.

En cas d’infection post-opératoire, la cicatrisation de ces greffes osseuses est compromise. Malgré de nombreuses études, l’antibiothérapie et la durée de traitement les plus adaptés aux...


Les comblements alvéolaires post-extractionnels permettent de diminuer la perte osseuse secondaire aux avulsions dentaires. Les régénérations osseuses guidées (ROG) sont classiquement utilisées en chirurgie pré-implantaire afin d’augmenter le volume osseux de la crête alvéolaire.

En cas d’infection post-opératoire, la cicatrisation de ces greffes osseuses est compromise. Malgré de nombreuses études, l’antibiothérapie et la durée de traitement les plus adaptés aux greffes osseuses restent inconnus. L’antibiotique le plus prescrit en chirurgie implantaire et pré-implantaire est l’amoxicilline. En cas d’allergie aux pénicillines, la clindamycine est le traitement alternatif le plus prescrit. Cependant, plusieurs études indiquent que l’utilisation de clindamycine est un possible facteur de risque d’infection après pose d’implants ou comblement sous-sinusien.

Le but de cette étude rétrospective était de déterminer si la clindamycine contribuait à un plus haut taux d’infections suite à des comblements alvéolaires et des régénérations osseuses guidées.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Les auteurs ont mené une étude rétrospective sur tous les patients ayant reçu un comblement alvéolaire ou une ROG à visée implantaire de 2014 à 2019 au sein de la clinique de parodontologie de l’école d’odontologie de Birmingham, Université d’Alabama.

Les critères d’exclusion étaient les suivants : pathologie systémique compromettant la cicatrisation osseuse, mauvaise hygiène bucco-dentaire, tabagisme > 10 cigarettes/jour, absence d’antibiothérapie prescrite ou antibiothérapie autre que l’association amoxicilline/clindamycine.

• Les patients non allergiques aux pénicillines recevaient 2 g d’amoxicilline 1 heure avant la chirurgie puis 500 mg 3 fois/j pendant 6 jours.

• Les patients allergiques aux pénicillines recevaient 600 mg de clindamycine 1 heure avant la chirurgie puis 300 mg 2 fois/j pendant 6 jours.

Les consultations de contrôle avaient lieu à 2 et 4 semaines post-opératoires. Les infections survenant durant le premier mois de cicatrisation étaient enregistrées.

La pose d’implants avait lieu à 3-5 mois post-opératoires dans les cas de comblements alvéolaires et à 6-9 mois pour les ROG.

RÉSULTATS

Au total, 1 814 patients ont reçu 2 961 chirurgies pré-implantaires (2 530 comblements alvéolaires et 431 ROG). La population était composée de 834 hommes (46 %) et 980 femmes (54 %) avec un âge moyen de 61 ans ; 2 620 chirurgies de reconstruction osseuse (88,5 %) ont été réalisées chez des patients ne présentant pas d’allergie aux pénicillines et 341 chirurgies (11,5 %) chez des patients présentant une allergie aux pénicillines, traités par clindamycine. Une complication infectieuse a été retrouvée dans 122 des 2 961 sites opérés (4,1 %).

Dans les cas de comblements alvéolaires, 270 sur 2 530 cas (10,7 %) étaient associés à une allergie aux pénicillines et 91 cas d’infection ont été rapportés : 29 chez les patients traités par clindamycine (10,7 %) et 62 chez les patients traités par amoxicilline (2,7 %). Il existe une différence significative du taux d’infection après une chirurgie de comblement alvéolaire associée au traitement par clindamycine par rapport à un traitement par amoxicilline (4,5 fois supérieure).

Dans les cas de ROG, 71 sur 431 cas (16,5 %) étaient traités par clindamycine : 16 infections ont été rapportées chez les patients allergiques aux pénicillines (22,5 %) et 15 chez les patients non allergiques (4,2 %). Il existe également une différence significative du taux d’infection au sein de ces 2 populations (5,5 fois supérieure dans la population traitée par clindamycine).

DISCUSSION

Ces résultats sont conformes à la littérature. En effet, différentes études ont rapporté un taux d’échec lors de chirurgie implantaire chez les patients allergiques aux pénicillines 3,1 fois plus élevé, voire 10 fois plus élevé en cas d’extraction-implantation immédiate que dans la population normale. Dans cette dernière indication, un risque d’infection accru lors d’un comblement sous-sinusien est également rapporté.

Certains facteurs ont pu contribuer à une augmentation du risque d’infection : réalisation des chirurgies par les internes (faible expérience), type d’os non pris en compte (risque plus élevé d’infection en cas d’os autogène par contamination salivaire), tabagisme, compliance du patient.

CONCLUSION

L’allergie aux pénicillines et le traitement par clindamycine lors de comblements alvéolaires et de ROG semblent être associés à un plus haut risque d’infection.

PERTINENCE CLINIQUE

Il existe de nombreuses études sur l’association entre allergie aux pénicillines et risque d’infection post-opératoire augmenté en chirurgie (plastique, digestive, maxillo-faciale…). La chirurgie implantaire et pré-implantaire ne semble pas être épargnée. Le taux d’infection augmenté au sein de cette population est ici associé à l’utilisation de clindamycine. Des études sur l’utilisation d’antibiotiques à spectres différents pourraient aboutir à l’indication d’un autre traitement de seconde intention. Enfin, un point important n’est pas abordé dans cet article : le très grand nombre de faux allergiques aux pénicillines. Devant les taux de complications 5-6 fois plus élevés en cas de prise de clindamycine, un interrogatoire appuyé ou même des tests allergologiques pourraient être discutés au sein de cette population.