LA THÉRAPEUTIQUE NON CHIRURGICALE - Clinic n° 09 du 01/09/2021
 

Clinic n° 09 du 01/09/2021

 

Parodontie

Pauline D’HULSTER*   Sébastien JUNGO**   Matthias RZEZNIK***  


*Membre actif de ParoClap.
**Parodontologie et Omnipratique, Lambersart.
***AHU, Hôpital Bretonneau, UFR d’Odontologie, Université de Paris.
****Membre fondateur de ParoClap.
*****Parodontologie exclusive, Montreuil.
******Ancien AHU, Paris.
*******Président de ParoClap.
********Parodontologie et Implantologie exclusives, Paris, Lille.

Longtemps, la thérapeutique non chirurgicale a été considérée comme le traitement initial préalable à la réalisation de lambeaux. Les études d’Axelsson, et al. [1], avec un suivi des patients sur plus de 30 ans, ont montré l’absence de différence significative entre les patients ayant bénéficié d’un traitement chirurgical et les autres. Et pour cause, nombre de maladies parodontales peuvent aujourd’hui être stabilisées sans chirurgie [2].

L’évolution des connaissances et des techniques nous permet en outre de proposer un traitement efficace sans avoir recours à l’utilisation d’analgésiques ou d’antiseptiques.

Cet article détaille, au travers du cas d’un patient atteint d’une parodontite, le déroulement de la ou des séances de débridement non chirurgical.

PRÉSENTATION DU PATIENT ET DIAGNOSTIC PARODONTAL

Le patient consulte en 2019 pour des saignements spontanés, ne cédant plus à l’utilisation d’antiseptiques (chlorhexidine et bicarbonate). Il est en bonne santé générale et non fumeur. Il est bien conscient de son problème parodontal mais est resté réfractaire à toute prise en charge. En effet, il nous explique que l’un de ses amis a reçu des soins de « surfaçage » pour un problème similaire. Il les lui a décrits comme douloureux et non efficaces car la maladie a récidivé, ce qui a complètement découragé notre patient.

À l’examen clinique, le patient présente une quantité de plaque importante, un parodonte épais et fibreux avec la présence d’un liseré inflammatoire marginal et papillaire et un indice de saignement élevé. Le patient nous dit se brosser les dents 2 à 3 fois par jour, il décrit des saignements spontanés la nuit, mais une quasi-absence de saignements au brossage (figure 1).

Cette dichotomie entre la clinique et le discours de notre patient nous amène à pousser un peu plus l’interrogatoire concernant son matériel de brossage et la façon de l’utiliser. Le patient utilise une brosse à dent extra-souple et passe plus de 2 minutes à se brosser les dents. Pourtant, lors de l’examen clinique, le passage d’un instrument sur la surface des dents à proximité de la gencive marginale nous suffit à décoller une quantité importante de biofilm (figure 2). Une technique efficace de contrôle de plaque sera mise en place.

Un sondage prospectif met en évidence des profondeurs de poche au niveau molaire comprises entre 5 et 7 mm permettant de poser un diagnostic de parodontite. Une radiographie panoramique est effectuée afin de confirmer le diagnostic et d’orienter le pronostic (figure 3). L’imagerie radiographique met en évidence :

- au niveau osseux, une alvéolyse complexe avec une composante horizontale superficielle à modérée au niveau molaire et une composante inter-radiculaire et angulaire au niveau de la 37 ;

- au niveau dentaire, la présence de restaurations anciennes, des caries au niveau de 35 et 17 et des spicules de tartre sous-gingivaux.

Au vu de l’image radiologique au niveau de 37, nous réalisons un test de sensibilité pulpaire, qui s’avère négatif, ainsi qu’un sondage parodontal très précautionneux (millimètre par millimètre) permettant de poser le diagnostic de lésion endo-parodontale combinée [3] (figure4).

L’ensemble des éléments cliniques et radiologiques, nous suggère le diagnostic de parodontite généralisée de stade 3, grade B.

LA SÉANCE DE DÉBRIDEMENT NON CHIRURGICAL

Après avoir décrit les objectifs thérapeutiques et s’être assuré de la prise de conscience du rôle du patient dans la stabilisation de sa maladie, nous pouvons amorcer la thérapeutique professionnelle. L’utilisation de révélateur de plaque permet de mettre en évidence les dépôts bactériens, facilitant la communication avec le patient (figure 5).

Le traitement parodontal classique (encore largement enseigné actuellement) consiste à réaliser un traitement dit de « surfaçage », qui peut être réalisé avec une combinaison d’instrumentation sonique ou ultrasonique et l’utilisation de curettes manuelles passées sous la gencive [4].

L’apport des curettes manuelles dans le traitement des maladies parodontales, si elle semble faire ses preuves dans la littérature, ne comporte plus aucune justification biologique pour remplir les objectifs de traitement.

Le rôle d’une curette manuelle étant de surfacer et donc d’éliminer une partie du cément, son usage ne se justifie plus depuis que les études de Daly, et al. [5] ont montré que les bactéries ne pénétraient pas le cément et restaient adhérentes à sa surface. Le tissu de granulation éliminé par cette action mécanique est un tissu inflammatoire et non infectieux, il contient tous les éléments biologiques nécessaires à la réparation du parodonte. De plus, la croyance selon laquelle le surfaçage manuel permettrait de « garder une sensation tactile et un accès plus ergonomique au surfaces radiculaires », contrairement aux ultrasons, n’est pas davantage pertinente depuis l’avènement des micro-inserts de parodontie qui permettent aujourd’hui d’être efficace dans l’élimination des dépôts adhérents même avec de faibles amplitudes de vibration [6] et donc de conserver une bonne sensation tactile.

Objectifs du traitement non chirurgical

D’un point de vue technique, l’objectif est l’élimination des dépôts calcifiés (spicules de tartre) et non calcifiés (biofilm et bactéries en suspension) supra et sous-gingivaux.

D’un point de vue pédagogique, les objectifs sont d’amener le patient à prendre conscience de sa pathologie, de son mécanisme ainsi que de son caractère chronique, mais également du rôle central qu’il a à jouer dans la stabilisation de sa maladie grâce à un contrôle de plaque efficace permettant de limiter la stagnation et la recontamination bactérienne [7].

Aspects techniques de la séance

L’utilisation des curettes manuelles n’étant donc plus justifiée, nous choisissons de réaliser l’ensemble du traitement au moyen de la technologie ultrasonique, les technologies sonores présentant l’inconvénient d’être aussi agressives sur la surface cémentaire que les curettes manuelles [8, 9].

Afin de limiter le recours aux analgésiques, nous utiliserons des micro-inserts spécifiques (Acteon H3, H4R et H4L) qui nous permettent de réduire l’amplitude de vibration des inserts et donc la douleur ressentie par le patient. Nous réglons l’irrigation en goutte à goutte à l’extrémité de l’insert afin de refroidir correctement les inserts et d’éviter les brûlures (figure 6). Le phénomène de cavitation va permettre, en synergie avec les micro-courants, d’assurer la fragmentation et l’élimination des dépôts bactériens et le cisaillement des membranes bactériennes [10]. Avec un réglage approprié de notre instrumentation, la décontamination sous-gingivale peut être assurée sans avoir recours aux antiseptiques.

Bien souvent, même lorsque les réglages des ultrasons sont effectués de façon optimale, leur mauvaise utilisation ne permet pas de retirer les dépôts calcifiés de façon efficace. Ceci pousse les praticiens à augmenter l’amplitude de vibration (la puissance), ce qui provoque des douleurs et le recours aux anesthésiques locaux. Pour pouvoir éliminer ces dépôts de façon efficace tout en utilisant de faibles puissances (inférieures à 40 % de la puissance du générateur chez Acteon), nous devons nous attarder un moment sur l’utilisation des inserts.

Seuls les 2 derniers millimètres de l’insert étant actifs, on positionnera donc l’extrémité de l’insert au contact du front de tartre et on laissera vibrer l’insert sans exercer de pression et sans mouvement de va-et-vient intempestif. La fréquence de vibration de nos inserts est de 28 000 Hz (donc autant de mouvements par secondes) : un déplacement trop rapide de l’insert diminuera immédiatement son efficacité.

La forme en curette de l’insert permet d’épouser l’anatomie radiculaire et non de « gratter » la surface. Elle permet de positionner l’extrémité au contact du front de tartre et de décrocher les dépôts adhérents tout en assurant une décontamination efficace grâce aux phénomènes de cavitation et aux micro-courants précédemment cités.

La double courbure des inserts H4 fait que ces inserts seront toujours utilisés en martèlement (vibration plus ou moins perpendiculaire à la surface de la racine) alors que les inserts H3 pourront être utilisés soit en balayage (position de l’insert tangentielle par rapport à l’axe radiculaire), soit en martèlement (de façon plus ou moins perpendiculaire). On évitera juste de positionner la pointe de l’insert à 90 degrés sur la surface de la dent pour ne pas endommager le cément.

Un polissage en fin de séance peut être envisagé : il devra être le moins agressif possible et peut être réalisé au moyen d’une cupule en silicone associée à une pâte prophylactique. Ceci apporte un confort au patient mais joue un rôle très limité dans la limitation de la recontamination bactérienne. Chez notre patient, cette séance a duré 1 heure mais elle pourra être organisée différemment en fonction de la quantité de travail à réaliser et en fonction des habitudes de chaque praticien.

Nous enseignons à notre patient un brossage efficace par la technique de Bass modifiée puis nous procédons à la calibration de brossettes interdentaires dont la longueur des brins doit remplir complètement l’espace interdentaire afin d’assurer un nettoyage optimum (vidéo 1).

Il est essentiel à ce stade de prévenir le patient que la taille des espaces interdentaires va augmenter du fait de la diminution de l’œdème gingival (figure7), ce qui nous amènera à recalibrer les brossettes ultérieurement.

LA OU LES SÉANCES DE RÉÉVALUATION PARODONTALE

La littérature conseille de réévaluer 6 à 8 semaines après la thérapeutique non chirurgicale car une poche qui ne se serait pas refermée une fois ce délai passé ne cicatriserait pas [11].

En réalité, au cours de cette première réévaluation, les résultats peuvent encore être incomplets sans que cela ne soit nécessairement synonyme de passage à la thérapeutique chirurgicale. Lors de cette séance, nous constatons une évolution globalement favorable, avec une nette diminution de l’inflammation (figure 8b), la présence de poches résiduelles superficielles au niveau de 12, 13, 22, 24 et 37, ainsi que la présence d’une fistule d’origine endodontique sur la 37 (figures 8a et 8c). On note également une mobilité de type III de Mühlemann sur la 37. Le patient est adressé pour la réalisation du traitement endodontique de 37.

Une séance de maintenance est effectuée le jour de la réévaluation. Elle consiste à poursuivre le traitement non chirurgical : reprise du traitement des poches résiduelles par ultrasons et recalibrage des brossettes interdentaires afin de maintenir une efficacité maximale du contrôle de plaque par le patient (figure 9).

Le patient est reconvoqué 4 mois plus tard pour une seconde réévaluation de son état parodontal ainsi que pour une maintenance. Il est également prévu de reprendre le débridement au niveau de la 37 une fois que le traitement endodontique aura été réalisé.

Lors de cette séance, on observe une quasi-disparition des zones inflammatoires, l’absence de poches parodontales à l’exception de la 37 et une excellente maîtrise des techniques de brossage par le patient (figure 10).

La fistule sur 37 a disparu ; néanmoins, un sondage de classe II au niveau de la furcation vestibulaire ainsi qu’une poche de 10 mm en distal de cette dent sont mesurés. La mobilité de la dent est redevenue physiologique.

Afin d’optimiser la décontamination du site de 37 par les ultrasons, nous utiliserons dans cette zone un laser diode avec application de bleu de méthylène combinée à une longueur d’onde de 670 nm pendant 1 minute en mode continu [12, 13] (figure 11). Ce geste sera répété 2 fois.

L’accès aux poches profondes et aux furcations radiculaires avec les inserts US est plus complexe que dans les espaces interdentaires. C’est pourquoi l’utilisation du laser et du bleu de méthylène s’avère pertinente pour compléter le nettoyage du site. Le bleu de méthylène est capable de se fixer à la membrane des lipopolysaccharides et de provoquer ainsi la lyse des membranes bactériennes par libération de radicaux d’oxygène lors de son activation par laser.

Les résultats cliniques encourageants nous permettent le passage en phase de maintenance pour l’ensemble de la cavité buccale sauf pour le site de la 37 qui devra être réévalué et dont le pronostic sera déterminé lors de la prochaine séance prévue à 4 mois.

SUIVI DU PATIENT

Quatre mois plus tard (donc 8 mois après le début du traitement), le patient est revu pour une séance de maintenance et l’on peut observer un excellent contrôle de plaque (figure 12), l’absence de poches parodontales à l’exception d’une poche de 5 mm au niveau de la furcation de 37 et une absence complète de saignement (figure 13).

L’imagerie rétro-alvéolaire de 37 nous montre une reminéralisation en cours qui, associée à l’absence de signe clinique, nous permet de donner un pronostic favorable à la conservation de la dent (figure 14).

Le patient a, entre temps, consulté son chirurgien-dentiste pour réaliser les soins conservateurs qui étaient nécessaires et il a retrouvé la motivation et l’envie de prendre soin de sa santé bucco-dentaire. Il souhaite également faire restaurer ses incisives maxillaires, notamment l’éclat survenu sur sa 11 en plus de celui existant sur sa 12 et sa 21.

CONCLUSION

L’approche minimalement invasive que nous décrivons dans cet article, respectueuse du concept de gradient thérapeutique, a permis de réconcilier le patient avec sa santé orale et d’assurer des soins efficaces et conformes aux 3 piliers de l’Evidence Based Dentistery, c’est-à-dire en accord avec la littérature scientifique, l’expérience clinique et le ressenti du patient.

L’approche moderne du « surfaçage » présentée ici ouvre de nouvelles perspectives en termes d’efficacité et de confort des soins au service des patients et des praticiens.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Axelsson P, Nyström B, Lindhe J. The long-term effect of a plaque control program on tooth mortality, caries and periodontal disease in adults. Results after 30 years of maintenance. J Clin Periodontol 2004;31:749-757. [doi: 10.1111/j.1600-051X.2004.00563.x]
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Liens d’intérêts

Matthias Rzeznik déclare des liens d’intérêts avec Acteon en tant que consultant scientifique et déclare que le contenu de cet article ne présente aucun lien d’intérêts. Pauline D’Hulster et Sébastien Jungo déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.

Vidéo 1

Démonstration vidéo du traitement parodontal non chirurgical bit.ly/3iLcSb9.