PRÉSERVATION ALVÉOLAIRE EN SECTEUR POSTÉRIEUR PAR LA TECHNIQUE COMBINÉE DE L’ALLOGREFFE ET DU PRGF - Clinic n° 02 du 01/02/2022
 

Clinic n° 02 du 01/02/2022

 

Parodontie

Guillaume ANDUZE-ACHER*   Antoine SANCIER**  


*Ancien interne des Hôpitaux de Paris
**Ancien AHU en Parodontologie, Exercice libéral à Toulouse.
***Ancien interne des Hôpitaux de Toulouse
****Ancien AHU en Parodontologie, Exercice libéral à Toulouse.

Le remplacement des molaires extraites se révèle souvent complexe par le manque de volume osseux qu’il est nécessaire de reconstruire pour la pose d’implants dentaires. La préservation alvéolaire représente une approche préventive intéressante permettant de compenser les effets du remaniement osseux post-extractionnel. Elle simplifie la prise en charge, en évitant le plus souvent le recours à des thérapeutiques régénératrices plus invasives, et diminue considérablement la...


Résumé

La mise en place d’implants dentaires en zone molaire est souvent délicate de par le manque de volume disponible, dans le sens horizontal aussi bien que vertical. Les régénérations osseuses pré ou per-implantaires alors employées ont, pour la plupart, une morbidité importante. Une approche préventive consiste à préserver le capital osseux initial au moment de l’extraction et non de le reconstruire suite à la résorption osseuse physiologique post-extractionnelle : il s’agit de la préservation alvéolaire. Souvent remise en question, cette technique est aujourd’hui améliorée par l’ajout de concentrés plaquettaires associés à une allogreffe particulaire. Elle permet de garantir l’obtention d’un os de qualité et de grandement simplifier notre approche implantaire. Les suites opératoires sont diminuées, le temps de cicatrisation est raccourci et les complications deviennent rarissimes. In fine, l’expérience patient et praticien est grandement améliorée.

Le remplacement des molaires extraites se révèle souvent complexe par le manque de volume osseux qu’il est nécessaire de reconstruire pour la pose d’implants dentaires. La préservation alvéolaire représente une approche préventive intéressante permettant de compenser les effets du remaniement osseux post-extractionnel. Elle simplifie la prise en charge, en évitant le plus souvent le recours à des thérapeutiques régénératrices plus invasives, et diminue considérablement la morbidité post-opératoire.

Cet article décrit une technique de préservation alvéolaire modifiée simple, fiable et reproductible, reposant sur l’utilisation d’une allogreffe particulaire (Biobank®) mélangée à un concentré plaquettaire autologue : le plasma riche en facteurs de croissance (PRGF-Endoret®).

LITTÉRATURE

Plusieurs revues systématiques de la littérature ont démontré l’efficacité des techniques de préservation alvéolaire [1, 2]. Les résultats obtenus varient en fonction de l’approche chirurgicale (extraction avec ou sans élévation d’un lambeau), du type de matériau de comblement de l’alvéole (greffe autogène, allogénique, xénogénique ou alloplastique) et de l’utilisation ou non d’une membrane. Les biomatériaux à résorption lente d’origine bovine apparaissent efficaces pour maintenir le volume de la crête en 3D [3]. Cependant, le comblement de l’alvéole avec des substituts osseux et des membranes n’empêche pas le processus physiologique de remodelage du site dû à la résorption de l’os fasciculé. La régénération osseuse qui se produit à l’intérieur de l’alvéole peut permettre de créer un nouveau volume de crête comparable à celui présent avant l’extraction [4, 5] (figure 1).

Dans les régions postérieures du maxillaire, l’extraction des molaires peut accentuer la pneumatisation du sinus maxillaire en plus du remodelage horizontal et vertical de la crête alvéolaire. Dans ce cas, il est alors parfois nécessaire de combiner la pose de l’implant à une technique d’élévation sinusienne qui augmente la morbidité de la procédure. Ainsi, les techniques de préservation alvéolaire permettent de maintenir la dimension verticale de l’alvéole, limitant par conséquent le recours aux techniques d’élévation des sinus bien plus invasives [6] (figure 2). Une revue systématique récente montre que la préservation alvéolaire donne systématiquement des résultats plus favorables en termes de préservation osseuse horizontale et verticale par rapport à l’extraction seule [7]. Selon la même revue, l’utilisation de substituts osseux xénogéniques ou allogéniques recouverts d’une membrane de collagène résorbable ou d’une éponge de collagène à résorption rapide est associée aux résultats les plus favorables en termes de préservation de la dimension horizontale de la crête. Les sites présentant une épaisseur d’os supérieure à 1 mm en vestibulaire montrent de meilleurs résultats en termes de préservation des dimensions horizontales de la crête (différence entre groupe test et contrôle = 3,2 mm) par rapport aux sites avec une paroi vestibulaire plus mince (différence entre groupe test et contrôle = 1,29 mm). D’autres études montrent également que, en l’absence de préservation alvéolaire, il est souvent nécessaire de recourir à des greffes osseuses lors de la pose d’implant [8].

Plus récemment, les protocoles de préservation alvéolaire ont été modifiés en y associant l’utilisation des concentrés plaquettaires. Cette évolution permettrait un plus haut degré de fiabilité de réussite des comblement alvéolaires.

RATIONNEL BIOLOGIQUE DE L’UTILISATION DES CONCENTRÉS PLAQUETTAIRES

L’utilisation des concentrés plaquettaires, appelés aussi fibrine autologue, est proposée depuis longtemps en chirurgie dentaire, notamment pour améliorer la cicatrisation et l’hémostase [9]. L’objectif est d’optimiser les processus de cicatrisation :

– en potentialisant la néo-angiogenèse in situ ;

– en favorisant la prolifération et la migration cellulaire ;

– en exploitant les propriétés anti-inflammatoires et antibactériennes du plasma riche en plaquettes.

Ces trois effets permettent d’obtenir de manière reproductible une régénération osseuse dans l’alvéole post-extractionnelle [10]. En outre, la fibrine a l’avantage d’être un matériau entièrement naturel et autologue qui présente, en termes d’ergonomie opératoire, une texture favorable à sa manipulation et à sa stabilisation dimensionnelle dans les défauts osseux.

Plaquettes et néo-angiogenèse

Au cours du processus cicatriciel, la revascularisation rapide du site est un élément déterminant de la régénération tissulaire. Dans ce processus, les plaquettes, par les facteurs plaquettaires qu’elles libèrent, jouent un rôle majeur dans la néo-angiogene`se étant donné leur proximité et leur interaction avec les cellules endothéliales.

Après la phase d’hémostase primaire incluant la vasoconstriction et l’activation plaquettaire, les plaquettes libèrent différents facteurs angiogéniques tels que le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), le PDGF (Platelet Derived Growth Factor), le TGF-beta (Transforming Growth Factor), le bFGF (Fibroblast Growth Factor) et l’IL-6. Cette libération de facteurs de croissance se fait grâce à l’activation plaquettaire déclenchée par des substances comme le chlorure de calcium et la thrombine. La libération de ces facteurs in situ active et stimule les cellules endothéliales et soutient donc de manière active la néo-angiogenèse [11, 12].

Par analogie, le protocole de fabrication du PRGF comprend une étape d’activation par le chlorure de calcium pour permettre la libération de l’ensemble des facteurs de croissance sur le site. On observe alors une potentialisation de la néo-angiogenèse par concentration in situ des facteurs angiogéniques contenus dans les plaquettes [13].

Prolifération et migration cellulaires

En plus du relargage des facteurs angiogéniques, l’activation des plaquettes entraîne la libération de lipides bioactifs tels que la sphingosine 1-phosphate (S1P) et l’acide lysophosphatidique (LPA). La S1P a été largement étudiée pour son rôle très actif dans la régulation mitotique. Il apparaît qu’un milieu extracellulaire enrichi en S1P pourrait accélérer la mitose. Des effets positifs du PRGF sur l’accélération de la migration cellulaire ont été observés in vitro [10]. D’autres travaux similaires ont également montré que le PRGF favoriserait la survie, la prolifération et le retard de la sénescence et de l’autophagocytose de cellules souches adipeuses et mésenchymateuses [14].

Effets antibactérien et anti-inflammatoire

Dans l’environnement septique de la cavité buccale, le risque de contamination bactérienne du site en cours de cicatrisation est majeur. Cette contamination peut engendrer une inflammation locale néfaste au bon déroulement de la cicatrisation. En outre, une alvéole d’extraction est souvent le lieu d’une contamination préalable par la dent à extraire (carie, fracture, lésion endodontique et/ou parodontale). L’association d’un biomatériau aux propriétés bactéricides trouve donc un fort intérêt pour améliorer la réponse cicatricielle, surtout lorsqu’un matériau de type xénogreffe ou allogreffe, poreux et facilement contaminé par la flore bactérienne de contact, est utilisé.

Les plaquettes contiennent un ensemble de protéines antibactériennes appelées thrombocidines appartenant à la famille des défensines qui sont de nature cationique et ont la propriété de se lier aux membranes bactériennes et de les altérer. Les thrombocidines 1 et 2 sont létales pour une grande variété d’espèces bactériennes comme Bacillus subtilis, Escherichia coli, Staphylococcus aureus, Lactococcus lactis et même certains champignons tels que Cryptococcus neoformans [15].

Par ailleurs, la cicatrisation est un processus très complexe qui fait entrer en jeu de nombreuses cytokines et autres médiateurs de l’inflammation. Certains d’entre eux pourraient être inhibés par la présence de molécules libérées au cours de l’activation plaquettaire. Le plasma riche en facteurs de croissance aurait effectivement une activité anti-inflammatoire par le biais du facteur HGF (Hepatocyte Growth Factor) présent en quantité significative dans le PRGF.

Élimination de la phase leucocytaire

Une des caractéristiques essentielles du fractionnement du prélèvement selon le procédé PRGF-Endoret® est de permettre d’isoler et par conséquent d’éliminer la phase leucocytaire (buffy coat). Ceci le distingue des autres protocoles de centrifugation. En effet, dans les phases initiales de la cicatrisation, l’inflammation locale favorise le recrutement des cellules leucocytaires mais, dans un deuxième temps, l’adhérence des leucocytes à l’endothélium vasculaire entretient cette inflammation. L’absence de phase leucocytaire dans le PRGF-Endoret® pourrait limiter ainsi considérablement la réaction inflammatoire locale à proximité de la lésion osseuse à régénérer [15].

USAGE DES CONCENTRÉS PLAQUETTAIRES DANS LES ALVÉOLES D’EXTRACTION

Le comblement de l’alvéole post-extractionnelle à l’aide de concentrés plaquettaires a un objectif double : stimuler la régénération des tissus mous et du tissu osseux et améliorer la qualité de vie des patients en réduisant la morbidité post-opératoire. Selon les procédés de fabrication, il existe plusieurs types de concentrés plaquettaires : le PRP, le PRF et le PRGF. Tous diffèrent au niveau du temps et de la vitesse de centrifugation ainsi que dans les additifs éventuels (anti-coagulant et activateur). Les études cliniques randomisées ont montré que ces trois types de concentrés plaquettaires permettaient de réduire significativement les douleurs et œdèmes post-opératoires [16] et d’accélérer la qualité et la vitesse de cicatrisation des tissus mous [13]. Ces matériaux semblent également accélérer la formation osseuse au sein des alvéoles [17] avec davantage d’os mature [13] et une meilleure densité osseuse [5]. Leur utilisation est également associée à un taux de complications post-extractionnelles très faible, qui peut être lié aux propriétés antimicrobiennes de la fibrine autologue [5].

Nous allons décrire une technique de préservation alvéolaire associant l’utilisation du PRGF et d’un substitut osseux allogénique particulaire (BioBank).

Protocole PRGF-Endoret®

Le principe de fabrication de la fibrine autologue repose sur le fractionnement du sang en plusieurs phases après centrifugation. En fonction de leurs poids moléculaires respectifs, les différents éléments du prélèvement se séparent en couches distinctes et successives. Cet article décrit le protocole Endoret® de fabrication du PRGF [10] développé par la firme BTI (BioTechnology Institute).

Le protocole débute par le prélèvement de 4 à 8 tubes de sang contenant un anti-coagulant (citrate sodique). Par commodité, la prise de sang peut être réalisée par une infirmière qui se déplace au cabinet et réalise le prélèvement 30 minutes avant l’intervention chirurgicale (figure 3). Le prélèvement est ensuite immédiatement centrifugé de façon automatisée (580 G pendant 8 minutes à température ambiante) pour permettre le fractionnement du sang en différentes phases (figure 4) :

– au fond du tube, la « phase rouge » contenant les éléments de haut poids moléculaires : les érythrocytes ;

– juste au-dessus la « phase blanche » ou buffy coat contenant les leucocytes ;

– au-dessus de la phase leucocytaire, la « phase jaune » de PRGF proprement dit, elle-même divisée en 2 fractions :

– F1 qui est la fraction de surface composée du plasma riche en fibrinogène avec une concentration de plaquettes équivalente à celle trouvée dans le sang total. Sa quantité varie en fonction de l’hématocrite du patient,

– F2 qui est la fraction située entre la phase leucocytaire et la fraction F1. Elle présente une concentration plaquettaire 2 à 3 fois supérieure à celle du sang total. Cette fraction F2, une fois activée par le calcium, permet de délivrer sur le site l’ensemble des facteurs plaquettaires favorables à la cicatrisation.

Les fractions F1 et F2 sont prélevées des tubes à l’aide d’une pipette (Plasma Transfer Device) et recueillies séparément dans un tube sous vide. L’étape suivante consiste à activer les plaquettes contenues dans le PRGF et à lancer le processus de coagulation. Pour cela, le PRGF Activator (chlorure de calcium – CaCl2) est injecté dans les tubes (la quantité de chlorure de calcium dépend du volume obtenu des fractions F1 et F2). Concernant la fraction F2, il est nécessaire d’y ajouter le biomatériau, ici un substitut osseux allogénique (BioBank®) pour obtenir une mixture gélatineuse (jelly bone) qui servira au comblement de l’alvéole. Les fractions F1 et F2 + Biobank® (jelly bone) activées sont ensuite placées dans un four spécifique à une température constante de 37 °C (PlasmaTherm), pendant au moins 20 minutes pour la fraction F1 et 10 minutes pour la fraction F2. Cette étape permet donc d’obtenir une membrane de fibrine épaisse et le jelly bone (figure 5). L’extraction des molaires peut alors commencer.

Pour préserver au maximum l’intégrité des tables osseuses, une attention particulière est apportée à l’extraction qui doit être la plus atraumatique possible. Le recours à la séparation radiculaire, l’utilisation de périotomes ou de la piézochirurgie permettent de parvenir à cet objectif. L’alvéole est soigneusement curetée et le tissu de granulation éventuel totalement éliminé. Le jelly bone (F2 activé + substitut osseux allogénique) est fractionné à l’aide d’une paire de ciseaux en de petits morceaux délicatement introduits et foulés dans l’alvéole. Le comblement de l’alvéole s’arrête à environ 2 mm du rebord gingival. Le matériau de comblement est alors protégé par la « membrane de fibrine » obtenue à partir de la fraction F1. Celle-ci est découpée en petits morceaux aplatis au fur et à mesure au sommet de l’alvéole. Enfin, une suture continue permet de stabiliser la fraction F1 (figure 6). Le patient est revu en post-opératoire à 15 jours pour le contrôle du site et la dépose des points de suture, puis à 4 mois pour un contrôle radiographique (cone beam) et de la maturation des tissus mous. La planification implantaire est alors réalisée et le rendez-vous implantaire fixé.

ÉTUDE DE CAS

Trois cas cliniques illustrent cette technique de préservation alvéolaire modifiée. Les patients ont systématiquement bénéficié d’un examen cone beam pré-implantaire réalisé 4 mois après la procédure de préservation alvéolaire.

Cas n° 1

Patiente de 51 ans, en bonne santé générale et non fumeuse, consultant en urgence pour une douleur et une tuméfaction en regard de la 46. Le sondage révèle une poche profonde de 12 mm au niveau de la racine distale de cette molaire présentant un screw post. L’examen CBCT révèle une lésion endo-parodontale avec une suspicion de fracture radiculaire verticale. Le pronostic de conservation est mauvais, l’indication d’extraction est posée.

Le CBCT initial met en évidence la grande finesse de la corticale vestibulaire (figure 7), qui nous amène à poser l’indication d’une technique de préservation alvéolaire modifiée pour éviter une reconstruction pré ou per-implantaire plus complexe avec une morbidité élevée.

Quatre tubes de sang sont prélevés, centrifugés et associés à 0,5 cc de BioBank®. Le tissu de granulation est méticuleusement retiré de l’alvéole. Le matériau jelly bone est introduit par petits apports successifs sans pression excessive. Le site est recouvert par la membrane de fibrine F1 obtenue. Cette dernière est stabilisée par une suture continue. À 15 jours, lors de la dépose des points de suture, la fermeture de l’alvéole est encore partielle, ce qui est normal à ce stade (figure 6). La patiente est revue en contrôle pré-implantaire à 4 mois. À l’examen radiologique (CBCT), nous constatons une bonne préservation du volume osseux permettant la mise en place d’un implant de diamètre standard sans régénération osseuse (figure 8). On observe une perte osseuse horizontale de 2 mm, vraisemblablement liée à la résorption physiologique de la corticale vestibulaire très fine au départ. Cliniquement, les tissus mous ne présentent aucune déhiscence ni concavité. Un implant Nobel Biocare® Parallel CC 4,3 × 10 mm est placé, associé à un pilier de cicatrisation large de 6 mm de diamètre et 5 mm de hauteur (figure 9). Lors du forage, l’os est de très bonne densité et aucun sous-forage n’est nécessaire. Un saignement du site de forage est également observé, qui pourrait indiquer la vitalité du tissu osseux néoformé. L’implant est stabilisé à 35 N. Lors du contrôle implantaire à 2 mois, l’aspect et la quantité des tissus mous au niveau du profil d’émergence implantaire sont très favorables (figure 9).

Quels sont les enseignements à tirer de ce cas ?

La technique de préservation alvéolaire utilisée a permis de compenser la quasi-totalité de la résorption post-extractionnelle et, par conséquent, de simplifier la gestion d’un cas potentiellement complexe. Si une approche plus « conventionnelle » avait été retenue, la reconstruction osseuse du site aurait nécessité a minima une régénération osseuse per-implantaire plus complexe à réaliser (dans notre pratique, probablement une sausage technique décrite par Urban [18]) et dont la morbidité est plus importante. Cette solution aurait également nécessité davantage de matériel (membrane, systèmes de fixation, greffes osseuse et/ou matériau de substitution), augmentant le coût du traitement.

Cas n° 2

Patiente de 48 ans, en bonne santé générale et non fumeuse, consultant pour des douleurs sur la 26 dont la couronne est descellée. L’examen clinique révèle une fracture verticale mésio-palatine. Un sondage à 10 mm est noté sur le versant mésial de la fracture. L’indication d’extraction est posée. L’examen cone beam initial révèle une hauteur osseuse sous-sinusienne de 8,1 mm, associée à une perte osseuse mésiale importante en regard du trait de fracture (figure 10). La corticale palatine semble en partie déficiente. Compte tenu du risque de résorption osseuse verticale et surtout de pneumatisation sinusienne post-extractionnelle, l’indication d’une procédure de préservation alvéolaire a été posée. Le protocole de préparation des biomatériaux utilisé est identique à celui du cas n° 1 (figure 11). À 4 mois post-opératoires, le CBCT pré-implantaire révèle une parfaite préservation du volume osseux, en particulier de la composante verticale. Le comblement de l’alvéole semble avoir même permis d’augmenter de quelques millimètres supplémentaires la hauteur sous-sinusienne (figure 12). Cliniquement, le volume des tissus mous est très bien préservé sans déhiscence ni concavité. Un implant Nobel Biocare® Parallel CC 4,3 × 8,5 mm a été alors placé, associé à un pilier de cicatrisation large de 6 mm de diamètre et 5 mm de hauteur. Le forage révèle une très bonne densité du site régénéré associée à un saignement. Un greffon conjonctif rétro-tubérositaire a été utilisé pour surcorriger l’épaisseur des tissus mous. La figure 13 montre la situation clinique au moment de la pose de la couronne transvissée sur implant. On peut noter la grande quantité de tissus mous obtenue et la convexité du versant vestibulaire.

Quels sont les enseignements à tirer de ce cas ?

La proximité entre le sinus maxillaire et l’apex des molaires peut expliquer que, dans certains cas, la hauteur osseuse disponible pour la pose d’un implant est d’emblée inférieure à la longueur des implants, même courts. Dans le cas présent, une implantation immédiate n’était pas envisageable du fait de la perte osseuse mésiale due à la fracture, de la perte partielle de la corticale palatine ainsi que de la hauteur initiale relativement limitée (8,1 mm). L’extraction sans préservation alvéolaire aurait probablement encore diminué cette hauteur et abouti à la nécessité d’un comblement sinusien par voie crestale, voire par voie latérale.

Cas n° 3

Patiente de 38 ans, en bonne santé générale et non fumeuse, qui consulte pour le remplacement de sa molaire 26 extraite 3 semaines auparavant. L’examen CBCT initial révèle une hauteur osseuse sous-sinusienne réduite (7,18 mm) associée à une perte partielle de la corticale palatine sur la moitié de sa hauteur (figure 14). Compte tenu de l’extraction très récente, nous posons l’indication d’une préservation/régénération du site afin d’optimiser le volume osseux. Le protocole utilisé est identique à celui des cas précédents. Le comblement est réalisé au maximum de la hauteur des pics osseux en mésial et en distal. Une membrane de fibrine est placée et entièrement recouverte par le lambeau de pleine épaisseur (figure 15). À 4 mois post-opératoires, l’examen CBCT révèle une préservation des volumes osseux très satisfaisante et même un gain vertical de 2 mm (figure 16). Un implant Nobel Biocare® Parallel CC 4,3 × 8,5 mm est placé avec un piler de cicatrisation large de 6 mm de diamètre et 5 mm de hauteur. Comme dans le cas précédent, la quantité et la qualité des tissus durs et mous apparaissent optimales (figure 17).

Quels sont les enseignements à tirer de ce cas ?

Ce cas illustre la mise en œuvre de la préservation alvéolaire à distance de l’extraction mais dans un délai court. La procédure a permis dans ce cas de restaurer une paroi osseuse palatine et d’augmenter la hauteur osseuse sous-sinusienne sans recourir à des techniques plus invasives et plus complexes.

DISCUSSION

Cette série de cas illustre une technique de préservation alvéolaire modifiée qui semble procurer des résultats cliniques et radiographiques très favorables. L’examen 3D à 4 mois post-opératoires a systématiquement montré la conservation de tout ou partie du volume osseux initial, permettant la pose d’implants dans des sites de largeur vestibulo-linguale optimale. Il est à noter que l’analyse radiographique de la densité osseuse reste très subjective compte tenu de l’utilisation d’un biomatériau, en particulier le Biobank® qui est peu radio-opaque. Cependant, la densité semble toujours homogène sur les clichés.

L’analyse clinique montre, à la réouverture, des tissus mous parfaitement refermés et un os complètement cicatrisé. D’après notre expérience clinique, l’allogreffe utilisée sous forme particulaire (Biobank®) possède une bonne capacité d’intégration à l’os natif, sans effet pop-corn (particules qui se détachent), contrairement à certaines xénogreffes. Après un délai de cicatrisation de 4 mois seulement, nous avons systématiquement observé une densité osseuse au forage très satisfaisante. Dans des cas où plusieurs implants ont été posés sur le même secteur, nous avons parfois pu constater cliniquement une densité osseuse supérieure à celle de l’os natif des sites adjacents. Il n’est donc pas nécessaire de « sous-forer » pour compenser un manque de densité osseuse du site régénéré. Les sites de forage présentaient un saignement abondant qui sont, de notre point de vue, un indicateur de la bonne vascularisation du greffon. L’ensemble de ces facteurs permet d’obtenir un torque d’insertion optimum. Cette technique nous a permis, d’une part, de préserver la largeur de la crête osseuse – y compris dans des situations où la finesse de la corticale vestibulaire est un facteur de risque de résorption osseuse importante – et, d’autre part, de conserver la hauteur sous-sinusienne de manière prédictible. Néanmoins, d’après notre expérience clinique, certains cas peuvent nécessiter, en complément, un comblement sous-sinusien par voie crestale au moment de la pose de l’implant. Cependant, il a été démontré que les techniques de préservation alvéolaire permettent systématiquement d’éviter le recours à un comblement sous-sinusien par voie latérale [6] et contribuent par conséquent à réduire la morbidité post-opératoire de façon considérable.

Enfin, bien que reproductible et fiable, le protocole proposé peut s’avérer chronophage et nécessite une bonne organisation afin de coordonner l’ensemble des étapes et de mettre à profit le temps nécessaire à la préparation du matériau.

CONCLUSION

La technique de préservation alvéolaire reposant sur l’utilisation de concentrés plaquettaires associés à un substitut osseux allogénique décrite dans cet article permet de limiter la résorption osseuse post-extractionnelle et de simplifier grandement la thérapeutique implantaire par la suite. La procédure est simple, fiable, reproductible et efficace en termes de conservation des volumes osseux initiaux. Elle présente une très faible morbidité par rapport aux autres techniques de régénération osseuse plus invasives, ce qui améliore significativement la qualité de vie des patients. Le jelly bone obtenu avec un substitut osseux allogénique donne des résultats cliniques très satisfaisant en termes de densité osseuse et de rapidité de cicatrisation.

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Liens d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.