PRÉSERVER L’ÉMAIL CERVICAL - Clinic n° 03 du 01/03/2022
 

Clinic n° 03 du 01/03/2022

 

Dentisterie

Restauratrice

Hugues de BELENET  

Ancien AHU à la faculté de Marseille, Membre du groupe Bioémulation, Membre du groupe Bioteam Marseille, Exercice libéral, Marseille.

Bien que décrit comme le tissu le plus dur et minéralisé du corps humain, l’émail est fragile lorsqu’il n’est pas soutenu pas de la dentine. En effet, c’est la présence de la jonction amélo-dentinaire, véritable « amortisseur de contrainte », qui offre à la dent ses exceptionnelles capacités mécaniques alliant résistance et résilience [1].

Après débridement carieux, il est fréquent d’avoir une « coque »...


Bien que décrit comme le tissu le plus dur et minéralisé du corps humain, l’émail est fragile lorsqu’il n’est pas soutenu pas de la dentine. En effet, c’est la présence de la jonction amélo-dentinaire, véritable « amortisseur de contrainte », qui offre à la dent ses exceptionnelles capacités mécaniques alliant résistance et résilience [1].

Après débridement carieux, il est fréquent d’avoir une « coque » d’émail résiduelle non soutenue par la dentine. Elle doit être éliminée lorsqu’elle est soumise à des contraintes occlusales car, contrairement aux idées reçues, le remplacement de la dentine par du composite ne « renforce » pas cet émail. Fêlures, fractures et infiltrations des joints surviendraient alors de façon prématurée [2].

Une des rares exceptions à cette élimination de l’émail non soutenu concerne la zone cervicale pour laquelle, à l’inverse, la conservation de l’émail résiduel sain (même non soutenu) doit être recherchée pour :

– favoriser l’étanchéité du collage (collage à l’émail plus fiable et durable que celui sur la dentine) ;

– faciliter la procédure restauratrice ;

– conserver le profil d’émergence naturel de la dent ;

– éviter d’avoir une limite cervicale dentinaire et sous-gingivale avec nécessité d’élongation coronaire et/ou remontée de marge cervicale [3].

Cette situation est fréquente en présence de caries proximales. Celles-ci débutent classiquement au niveau de l’émail dans la zone localisée du point de contact puis s’étendent de façon « ampulaire » au niveau de la dentine en suivant l’orientation des tubuli dentinaires. Il en résulte une différence significative entre le niveau très cervical de la limite dentinaire et celui beaucoup plus coronaire de la limite amélaire.

Ce « mur d’émail » résiduel est extrêmement fragile/cassant. Une attention toute particulière est nécessaire pour ne pas l’effondrer au moment du débridement mais également lors de la procédure de restauration dont la première étape consistera à « renforcer » ce mur. Aucune matrice ni aucun coin ne doit être inséré sous peine de fracturer le mur d’émail. Une procédure de collage est conduite puis un composite est appliqué par petits apports successivement polymérisés afin de limiter les contraintes de polymérisation. L’utilisation des nouvelles générations de composites fluides, dont les propriétés mécaniques ont été grandement améliorées, est intéressante car elle permet une application précise et rapide du composite.

Une fois ce « renfort » réalisé, la procédure restauratrice « classique », qu’elle soit directe ou indirecte, peut être sereinement envisagée (figure 1).

CAS CLINIQUE N° 1

Les examens cliniques et radiologiques (rétro-coronaire) révèlent deux caries proximales (distale de 45 et mésiale de 46) avec une différence significative entre la limite dentinaire très apicale et la limite amélaire beaucoup plus coronaire (figure 2). Une digue sectorielle est mise en place puis les caries sont débridées en veillant à ne pas effondrer les murs d’émail proximaux (figure 3). La première étape restauratrice consiste à renforcer ce mur d’émail résiduel en appliquant avec soin une procédure adhésive puis du composite dans le but de se retrouver dans une situation clinique « simple » qui sera ici gérée par deux onlays céramiques (figure 4).

CAS CLINIQUE N° 2

Une très volumineuse carie mésiale est diagnostiquée sur une 14. Pour autant, la présence d’un mur d’émail résiduel est constatée (figure 5). La préservation de ce mur au moment du débridement est un premier objectif. Il permettra d’éviter d’être dans une situation de limite cervicale qui soit dentinaire et sous-gingivale, donc difficile à gérer et de moins bon pronostic (figures 6 et 7). Du composite fluide vient ensuite renforcer ce mur d’émail au moment de la réalisation du scellement dentinaire immédiat (figure 8) avant qu’un overlay en céramique ne soit classiquement réalisé (figure 9).

CONCLUSION

La préservation du mur d’émail cervical (même non soutenu par de la dentine) doit être envisagée avant le débridement carieux. Elle simplifie la procédure restauratrice ultérieure (directe ou indirecte) et améliore la pérennité du traitement (profil d’émergence optimal et limite amélaire favorable au collage).

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Bazos P, Magne P. Bio-emulation: Biomimetically emulating nature utilizing a histo-anatomic approach; structural analysis. Eur J Esthet Dent 2011;6:8-19.
  • 2. Politano G, Van Meerbeek B, Peumans M. Nonretentive bonded ceramic partial crowns: Concept and simplified protocol for long-lasting dental restorations. J Adhes Dent 2018;20:495-510.
  • 3. Veneziani M. Adhesive restorations in the posterior area with subgingival cervical margins: New classification and differentiated treatment approach. Eur J Esthet Dent 2010;5:50-76.