TRAITEMENT DE L’ÉDENTÉ COMPLET : APPORT DE LA NAVIGATION EN CHIRURGIE IMPLANTAIRE - Clinic n° 03 du 01/03/2022
 

Clinic n° 03 du 01/03/2022

 

Synergie

Implant prothèse

Renaud NOHARET  

MCU-PH, Université de Lyon. Exercice libéral à Lyon.

La navigation est une technique liée à l’implantologie orale qui connaît un essor fulgurant depuis l’avènement de suites numériques logiques et complètes. Le flux numérique utilisant la navigation est aujourd’hui facilement intégrable dans une activité quotidienne de par sa simplicité de mise en place et d’exécution. Il permet de traiter tous les types d’édentement de façon sereine, et ce jusqu’à des situations complexes telles que cette situation d’extraction, implantation et mise en fonction immédiate bi-maxillaire.

L’édentement complet est une des indications de l’implantologie orale puisqu’elle permet de répondre aux objectifs fonctionnels et esthétiques de nos thérapeutiques et, de façon concomitante, aux souhaits de nos patients. La forme dans l’exécution de ce type de traitement a considérablement évolué depuis la description du Pr Brånemark.

Cet article a pour objet d’illustrer l’apport de la numérisation tant dans le diagnostic que dans la planification mais également dans l’exécution de la chirurgie avec la technique dite de navigation ou chirurgie guidée dynamique.

RECUEIL DES DONNÉES ET PROJET PROTHÉTIQUE

Les éléments nécessaires à l’analyse complète d’une situation clinique sont au nombre de 5.

DICOM

Le faisceau de rayons X, de forme conique (Cone Beam Computed Tomography ou CBCT), traverse l’objet à explorer avant d’être analysé après atténuation par un système de détection. Plusieurs centaines d’analyses (prises de vues) sont réalisées dans les différents plans de l’espace, permettant, après transmission des données à un ordinateur, la reconstruction volumique d’un cube contenant l’objet (ici, les maxillaires). Dans la situation présentée, nous avons utilisé la technologie CBCT (OP 3DTM Pro, KaVo Kerr).

Dans le cadre d’un bilan pré-implantaire, il s’agit de préciser le volume osseux disponible. Cette évolution de l’imagerie est à associer à l’informatique et aux logiciels. Ces données DICOM vont donc être gérées par des logiciels dédiés à ce genre de format, d’images et d’applications. Il existe à ce jour de nombreux logiciels avec des caractéristiques variables (ouvert/fermé, possibilité de modification des données d’acquisition) et des outils plus ou moins présents en fonction du logiciel (mesure de distances et d’angles, simulation d’implants, simulation des trajets nerveux, mise en valeur des cavités ou de volume additionnel, extraction de volume tridimensionnel, coloration de surface/volume). Dans le cadre de la navigation utilisée en chirurgie, un dispositif de repérage (X-Clip, Nobel Biocare) sera porté par le patient lors de la réalisation du CBCT. Il permettra effectivement de relier le patient au tracker de chirurgie lors de son exécution (figures 1 et 2).

Empreintes

Il est indispensable d’obtenir un fichier STL, condition sine qua none pour travailler en planification numérique et, donc, en chirurgie guidée. Ce format de fichier est utilisé dans les logiciels de stéréolithographie (STL pour STereo-Lithography). Il est largement utilisé pour faire du prototypage rapide et de la fabrication assistée par ordinateur. Le format de fichier STL ne décrit que la géométrie de surface d’un objet en 3 dimensions ; il décrit donc un objet par sa surface externe. Cette surface est nécessairement fermée et définie par une série de triangles (ou de facettes). Deux méthodologies existent pour obtenir un fichier STL.

• Des empreintes alginate sont réalisées au fauteuil puis coulées. Une fois le projet prothétique réalisé (wax-up – montage de dent), le prothésiste réalisera un scannage au laboratoire des modèles afin d’obtenir des fichiers .stl du modèle initial et du modèle avec le projet prothétique. Ce format ne comporte pas d’informations concernant la couleur, la texture ou les autres paramètres habituels d’un modèle de conception assistée par ordinateur.

• Des empreintes optiques sont réalisées au fauteuil, puis un projet prothétique sera réalisé soit par le prothésiste, soit directement au cabinet par un logiciel permettant ce projet (figure 3).

Photographies

Point de vue du praticien

La photographie est un élément capital. Elle délivre des fichiers numériques sous forme de fichiers .jpeg. Les photographies ont à ce jour 3 rôles principaux :

– posséder les données pour construire un plan de traitement précis et étayé en dehors du temps de consultation ;

– transmettre les données cliniques au prothésiste ; ce dernier ne peut pas travailler qu’avec les modèles ;

– aspect comparatif du traitement (avant/après) : il peut être intéressant dans certaines situations de montrer au patient l’avancée du traitement et la situation initiale pour mémoire (figures 4 à 10).

Point de vue du prothésiste

Les photos sont intéressantes à 2 titres dans le travail collaboratif avec le prothésiste.

De façon immédiate, la première utilisation de la photographie est la transmission de la teinte des dents, délicate à transmettre et à décrire. De fait, la transmission d’une photographie des dents concernées avec une pige de teintier permettra d’aider la réalisation d’une stratification céramique ou le choix d’une teinte pour des dents du commerce.

De façon plus globale et plus pertinente, les photos de visage doivent être transmises au laboratoire de prothèse. Une photo de portrait devra cadrer l’ensemble du visage, avec un sourire et les yeux ouverts. De plus, l’objectif devra être perpendiculaire au visage du patient afin de pouvoir récupérer les informations de parallélisme et de perpendicularité. Les photos peuvent aussi aider à la réalisation des prothèses (amovibles et/ou fixes) en ce qui concerne le secteur antérieur. En effet, la visualisation du plan sagittal médian et de la ligne bi-pupillaire permet de réaliser des montages de dents en adéquation avec ces 2 plans [1]. Ces lignes de références permettent de faire coïncider le plan sagittal médian et le milieu inter-incisif ainsi que la ligne bi-pupillaire et le plan incisif et ainsi de donner un côté harmonieux au visage. Afin de visualiser ces lignes, il est possible soit d’imprimer la photographie et de tracer les 2 lignes souhaitées, soit d’utiliser un logiciel informatique permettant de les tracer. Leur transmission sera ensuite favorisée par l’utilisation d’outils tel que le Ditramax® ou le OneBite® (Bisico).

Smile Design

Point de vue « diagnostic »

Le Digital Smile Design (DSD) a été créé par Christian Coachman (prothésiste et dentiste) au Brésil [2]. Toutes les équipes ont été confrontées à des problématiques de communication entre le laboratoire et la clinique en vue de l’établissement d’un plan de traitement. L’objectif du DSD est de fournir une aide en protocolisant la réflexion et la création d’un projet prothétique.

La conception virtuelle du sourire est un protocole conceptuel, polyvalent, fondé sur une analyse des patients dans leurs dimensions faciales et dentaires. Cette analyse passe par une série prédéterminée de photographies numériques de qualité mais aussi de vidéos (permettant entre autres de capturer des images fixes plus naturelles). L’analyse de ces documents met en évidence les relations entre les dents, la gencive, les lèvres mais aussi dans le sourire (et le visage) qui est un élément dynamique permettant d’exprimer des émotions.

Le protocole est précis : 4 photos sont indispensables (2 vues frontales du visage du patient, 1 vue occlusale de l’arcade et 1 vue à 12 heures du patient). Ensuite, il s’agit de positionner le patient dans le cadre établi avec différents outils afin de pouvoir suivre une analyse progressive des différentes caractéristiques du sourire. Sur ces photos, des éléments tels que les lignes du sourire, la relation gingivale et les dents sont reportés et apparaissent nettement, ce qui permet une réflexion globale de réfection du sourire. Les proportions dentaires peuvent également être appréciées et donc améliorées.

En suivant le protocole et avec l’aide d’objets de calibration, des mesures sont réalisées qui permettent une collaboration étroite avec le prothésiste pour une exécution raisonnée du projet prédéterminé. Cette présentation claire et compréhensible permet aussi une meilleure communication avec le patient : le DSD sert à illustrer les problématiques/pathologies présentes et les solutions en regard de celles-ci. Il semble plus approprié d’utiliser les propres photos du patient (plutôt que des situations cliniques similaires) car l’identification de la situation est plus précise et permet une meilleure compréhension, donc une meilleure adhésion aux thérapeutiques proposées. De fait, le patient fait partie intégrante de la réflexion. Il est d’ailleurs intéressant de constater la compréhension par les patients de la complexité des techniques mises en œuvre pour leur traitement (figure 11).

L’utilisation du DSD est indéniable dans l’optimisation de nos traitements (analyse, diagnostic, réalisation et suivi). Il doit toutefois être corrélé à la vision artistique du praticien, du prothésiste et à leurs compétences respectives.

Point de vue « simulation »

Certaines interfaces ou applications permettent de faire une simulation du futur sourire dans le visage avec des rendus variables, plus ou moins rapides et plus ou moins naturels. Nous utilisons un de ces outils pour valider nos hypothèses de diagnostic et nos pistes de travail. Il est nécessaire de rester prudent avec ce type d’outil en termes de communication avec le patient. Le rendu visuel peut en effet être plus ou moins flatteur ou, à l’inverse, « très » esthétique : or ce rendu nous engage dans le contrat de soins. Nous devrons donc atteindre ce résultat et nous savons tous que la perception de l’esthétique est variable. S’engager à partir d’outils à rendu numérique peut faire courir un risque de déconvenue. Dans le cadre de l’utilisation d’intelligence artificielle pour cette simulation, il faut s’assurer d’être capable de réaliser techniquement ce qui est proposé : par exemple, remettre le niveau de gencive à un endroit simulé.

Il est malgré tout intéressant d’utiliser ces outils dans les réhabilitations d’extractions-implantations immédiates car ils assurent un certain résultat visuel du sourire quant au projet réfléchi (figures 12 et 13).

Occlusion

Le diagnostic esthétique seul n’est pas suffisant. Pour qu’une réhabilitation dure au fil des ans, il est indispensable de réaliser un diagnostic occlusal précis. Pour diagnostiquer la fonction, il est nécessaire de vérifier s’il existe des douleurs musculaires ou des dysfonctions de l’appareil manducateur, des serrements des dents (clenching), du bruxisme, des déviations… L’occlusion physiologique est présente lorsqu’il existe un équilibre entre les stress et la capacité adaptative des tissus. À l’inverse, il est possible de parler d’occlusion non physiologique lorsque des douleurs articulaires ou musculaires, des restaurations cassées, des usures dentaires… sont présentes.

Dans le cadre de réhabilitations globales, il est nécessaire de trouver une position plus physiologique et confortable, le vieillissement et les restaurations dentaires créant des situations adaptatives pouvant engendrer les désordres précités. Il semble important alors de repositionner le patient dans une position plus neutre du point de vue physiologique. Il est alors nécessaire de couper la proprioception du patient, de la déprogrammer afin de remettre les muscles en situation de tension minimale, voire à zéro. Cette position sera alors utilisée pour bâtir le projet prothétique et donc les futures restaurations prothétiques, qu’elles soient temporaires ou définitives.

Pour cela, un système NST (neurostimulation transcutanée, Bisico) est utilisé pendant 1 heure afin d’obtenir une situation neutre tant au niveau musculaire qu’articulaire. En effet, dès que les muscles sont décontractés, il est possible de déterminer la nouvelle position mandibulaire et d’enregistrer l’occlusion à l’aide de silicone d’occlusion. Ce mordu en silicone est transmis au laboratoire et lui permet de créer un projet prothétique esthétique et fonctionnel qui peut ensuite être testé en bouche et validé (figure 14).

PLANIFICATION

Une fois le projet prothétique réalisé, nous allons pouvoir l’insérer dans le logiciel de planification implantaire. Le projet prothétique peut prendre la forme d’un fichier STL après numérisation par le laboratoire ou directement si le projet a été fait virtuellement. Ce fichier STL sera alors combiné avec le fichier initial et permettra de mettre en évidence les futures dents en regard des volumes osseux par les DICOM. Ces logiciels sont indispensables pour établir un diagnostic précis et le plan de traitement adéquat en regard de la situation observée.

Combinaison des données DICOM et STL

À l’aide de logiciels de planification (DTX Implant®, Simplant®, Smop®…), une indexation des modèles est possible. Elle correspond à une superposition des fichiers DICOM (représentant l’os et les dents) et .stl (représentant les modèles). Certains logiciels proposent une indexation automatique, d’autres une indexation manuelle. Quel que soit le mode choisi, le processus est identique : l’alignement des modèles va se faire via des reliefs remarquables tels que les pointes cuspidiennes par exemple. Il est toutefois indispensable de vérifier le bon alignement des données .stl sur le volume osseux et dentaire. Si tel n’est pas le cas, des ajustements doivent être réalisés.

De grandes précautions doivent être prises dans la réalisation des empreintes afin que le recalage puisse être précis. Dans les situations où plusieurs modèles doivent être indexés (cf. projet prothétique et/ou modèles avec dents supports de guide) de façon manuelle, les reliefs cuspidiens peuvent être utilisés sur les différents modèles. Toutefois, une méthodologie plus simple permet aussi d’utiliser des reliefs géométriques sur le socle. Pour cela, des duplicatas à partir d’un moule silicone doivent être créés afin de posséder une base commune aux différents modèles et donc les mêmes formes géométriques facilement indexables.

Une fois ces étapes d’alignement réalisées, la planification implantaire peut être réalisée, toujours régie par les mêmes principes (biologie et fonction). L’avantage de cette méthodologie est la réduction des séances de préparation avant le scanner. Si le projet prothétique est « simple », seuls des moulages (initial et avec le projet) seront nécessaires, ce qui diminue le coût de laboratoire. Il est à noter qu’aujourd’hui, pour les situations allant jusqu’au remplacement de 4 dents, certains logiciels (comme DTX Implant®) proposent un projet prothétique virtuel en utilisant l’intelligence artificielle. Dès lors, il n’est plus nécessaire de faire appel au laboratoire pour de petits édentements (figures 15 et 16).

Règles de planification implantaire

Nous distinguons deux situations cliniques dans ce cadre de planification chez l’édenté complet : soit la présence de fausse gencive, soit l’émergence naturelle de la prothèse implantaire. Pour rappel, la notion d’espace biologique est capitale en implantologie orale tant pour la cicatrisation initiale que pour le maintien de l’implant dans le temps. Cet espace biologique est constitué des tissus mous et durs environnant l’implant. La position de l’implant doit être étudiée et validée cliniquement en fonction de cet espace biologique pour obtenir un résultat clinique satisfaisant.

Prothèse avec fausse gencive

Cette situation rend plus « facile » la planification : les implants ne sont pas obligatoirement en face des dents même si cela est fortement conseillé. En effet, si le puits de vissage est situé entre deux dents, cela fragilise la prothèse par manque d’épaisseur. Néanmoins, des compromis (notamment postérieurs) peuvent être envisagés.

Deux positionnements sont importants.

• Sens mésio-distal. Ce positionnement doit répondre à deux exigences. L’exigence biologique impose un minimum de 3 mm entre 2 implants afin d’assurer la présence d’un espace biologique viable en termes de dimensions. La réduction de cet espace va engendrer un aplatissement des tissus mous et osseux, voire leur disparition.

• Sens vestibulo-palatin. Depuis 2005, Grunder [1] conseille de préserver ou de rétablir un minimum de 2 mm de corticale en vestibulaire de l’implant afin de garantir une pérennité du volume osseux vestibulaire. Cette dimension semble être le minimum dans la réhabilitation esthétique du secteur antérieur. Il est entendu que, en cas de perte osseuse vestibulaire, cela entraîne aussi une perte muqueuse, donc la sensation d’une dent longue puisque cela va agrandir la couronne implantaire dans le sens occluso-cervical. Cette dimension ayant un impact particulièrement important et visible, il est donc impératif de conserver et/ou de reconstruire le volume osseux vertical en cas de manque.

Prothèse avec émergence dite naturelle

En sus des deux paramètres de positionnement précédemment décrits, un autre paramètre est important dans la situation d’absence de fausse gencive.

• Sens apico-coronaire. L’enfoncement implantaire sera lié à la présence ou non des tissus durs et mous. Un enfoncement excessif induit une perte osseuse importante et rendra aléatoire la présence d’une papille, la muqueuse péri-implantaire étant symétrique au volume osseux. La présence papillaire est en effet dépendante de la présence ou non de l’os sous-jacent et adjacent à l’implant. Il est donc recommandé de positionner l’implant à 3,5 mm de la future gencive marginale souhaitée. Cette distance permet d’optimiser le résultat papillaire et le profil d’émergence.

La mise en place d’un implant dans un environnement osseux non adéquat entraînera des doléances esthétiques légitimes du patient. Celles-ci seront extrêmement difficiles à satisfaire a posteriori. Il est donc obligatoire de se placer dans des conditions conformes à un résultat esthétique répondant au Pink and White Esthetic Score [3]. Pour cela, il est important de suivre une chronologie diagnostique qui permettra d’aboutir au positionnement implantaire mais aussi au type de prothèse.

EXÉCUTION CHIRURGICALE DU PLANNING : NAVIGATION IMPLANTAIRE

Principes

Une fois le diagnostic et la planification implantaire effectués, la mise en pratique peut être réalisée par les outils numériques. Cette transposition est appelée chirurgie guidée. Il existe deux types de chirurgie guidée par ordinateur : statique et dynamique.

La chirurgie guidée dite statique

Elle consiste en l’utilisation d’un guide pour le passage des forets et des implants. Deux alternatives techniques existent :

– soit une cuillère, d’une part, s’adaptant au canon de forage du guide et, d’autre part, correspondant à chaque diamètre de foret ;

– soit les forets possèdent un diamètre supérieur qui correspond à la douille et seule la pointe qui correspond au diamètre de forage implantaire change.

Dans le cadre du traitement de l’édenté total ancien, ces guides sont soit à appui muqueux, soit à appui osseux. S’il reste quelques dents, elles peuvent être utilisées comme support avant d’être extraites en fin d’intervention. Les guides obtenus en réel sont issus d’une chaîne de CFAO avec une intervention numérique conséquente.

La chirurgie guidée dite dynamique

Elle consiste en l’utilisation d’un système de triangulation de type GPS (la technologie n’est pas la même mais la similarité est utilisée pour outil pédagogique). Il n’y a pas de guide réel. Le patient et le contre-angle implantaire sont repérés par deux caméras télémétriques par l’intermédiaire de points appelés trackers qui sont fixés. Le tracker du contre-angle est vissé sur une bague du contre-angle. Le tracker patient est fixé par l’intermédiaire d’un X-clip (bloc de résine à forme de parallélépipède rectangle comportant 3 billes métalliques) dans le système présenté. Après paramétrage des différents trackers, le suivi de la progression des forets et de l’implant se fait sur l’écran de l’ordinateur par l’intermédiaire de cibles. La main est guidée non pas de façon stricte mais intuitive. Ce guidage virtuel aide à la reproduction des positions implantaires planifiées.

De façon générale, la chirurgie guidée présente aujourd’hui des résultats probants : après revue de littérature, Jung établit un taux annuel d’échecs de seulement 3,36 % (0 à 8,45 % selon les études) et une précision de 0,85 mm [4]. Il est à noter aussi que la chirurgie guidée permet de réduire la notion d’écart-type [5] par rapport à la seule utilisation de la main de l’homme : la notion de reproductibilité n’est pas négligeable. À ce jour, l’indication de la chirurgie guidée réside dans l’obtention d’une prothèse implantaire esthétique, fonctionnelle et durable.

Les outils numériques permettent donc guider la main de l’homme pour une meilleure exécution du plan de traitement.

Temps par temps chirurgical

Après ces différentes étapes de préparation (CBCT + empreinte optique + photographie) et de planification (DTX Implant), la chirurgie bi-maxillaire de la patiente est programmée.

Le maxillaire est traité en 3 temps

• 1er temps : extraction des dents 13, 22, 23 et 24 avec des techniques minimalement invasives afin de conserver le maximum du volume osseux présent. Toutes les dents sont fractionnées par fraisage puis chaque partie est mobilisée délicatement. Cette étape est la plus longue de l’intervention de la mâchoire supérieure (figure 17).

• 2e temps : mise en place du X-clip sur les 3 dents restantes (12, 11 et 21) qui nous permettent un bon positionnement et une meilleure stabilité du X-clip, indispensables à la précision de l’outil. Puis les 6 implants postérieurs (N1 Noble Biocare) sont mis en place en regardant l’écran du dispositif X-Guide (figure 18).

• 3e temps : 2 implants antérieurs ont été planifiés en regard des incisives centrales, lesquelles devront être enlevées avant la mise en place. Le guidage est permis grâce à un nouveau paramétrage patient et en fixant le clip sur le volume osseux (protocole X-mark). Une étape de calibration est nécessaire pour repérer ce nouveau tracker par rapport au volume osseux. Il s’agit de cliquer sur des points osseux à l’écran et de venir les toucher cliniquement avec une sonde (équipée d’un tracker aussi). Dès lors, la machine est capable de repérer, par rapport au tracker fixé sur l’os, des points remarquables permettant la triangulation et la navigation. Les 2 implants peuvent alors être posés en toute sérénité (figure 19).

La mandibule est traitée en 3 temps aussi, mais plus simplement

• 1er temps : extraction des dents 43, 44 et 45 avec des techniques minimalement invasives afin de conserver le maximum du volume osseux présent.

• 2e temps : mise en place du X-clip sur les 2 dents restantes. Puis les 6 implants (N1 Noble Biocare) sont mis en place en regardant l’écran du dispositif X-Guide (figure 20).

• 3e temps : les deux dernières dents sont extraites (33 et 34).

Enfin, les comblements d’alvéoles (Geistlich Bio-Oss®) sont réalisés afin de diminuer la résorption osseuse (qui peut être importante sur de grands volumes dans ce type de traitement) puis les sutures sont réalisées (Séralène 6/0 Serag Wiessner) et la partie chirurgicale est terminée (figures 21 et 22).

Temps par temps prothétique en vue de la mise en fonction immédiate

Les étapes prothétiques sont relativement simples. Comme tout a été préparé en amont, les seuls éléments à transmettre sont la position des implants entre eux et celle des implants dans une relation intermaxillaire donnée. Il suffit de suivre une chronologie qui permet d’être efficace en termes de gestion de temps, notamment du point de vue du laboratoire.

À la fin de la chirurgie maxillaire

Il s’agit de mettre en place les piliers standards pour prothèses multiples (MUA, Nobel Biocare). Les transferts d’empreinte sont transvissés sur ses mêmes piliers puis une empreinte au plâtre est exécutée. Une relation intermaxillaire est ensuite prise avec un dispositif spécifique qui est finalement un duplicata de prothèse complète en résine transparente avec des perforations d’injection. Le dispositif est posé (facilement car aucun décollement du palais n’a été fait) et vérifié en termes de positionnement grâce à la résine transparente. Une fois que tout est bien en place (position sur la mâchoire et occlusion avec l’antagoniste), le silicone de mordu (Futar) est injecté. Les deux dispositifs partent au laboratoire qui peut démarrer la finalisation du bridge provisoire.

À la fin de la chirurgie mandibulaire

Après pose des piliers standards pour prothèse multiples, l’empreinte au plâtre est prise. Un nouveau dispositif de relation intermaxillaire, bi-maxillaire cette fois-ci, est utilisé (selon les mêmes principes que le premier) puis le tout est envoyé au prothésiste (figure 23). La prothèse provisoire est livrée 8 heures après. Elle comporte des dents Kulzer, de la fausse gencive composite (GC Gradia) et des renforts en fibres de verre (figures 24 à 26).

CONCLUSION

Les avantages de cette numérisation du traitement implantaire et notamment de la navigation sont l’obtention d’une meilleure précision chirurgicale et prothétique, tout en réduisant la taille des lambeaux chirurgicaux et donc du décollement, ainsi qu’une vitesse d’exécution améliorée. Cela en est bluffant tant pour le praticien que le patient. L’inconvénient majeur reste l’accès à la technique de navigation avec un investissement initial important. Cela oblige à repenser la façon de présenter les traitements aux patients en mettant en valeur ce type de concept de traitement.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. Grunder U, Gracis S, Capelli M. Influence of the 3-D bone-to-implant relationship on esthetics. Int J Periodontics Restorative Dent 2005;25:113-119.
  • 2. Coachman C, Calamita M. Digital Smile Design: A tool for treatment planning and communication in esthetic dentistry. Quintessence Dent Technol 2012;35:103-111.
  • 3. Fürhauser R, Florescu D, Benesch T, Haas R, Mailath G, Watzek G. Evaluation of soft tissue around single-tooth implant crowns: The Pink Esthetic Score. Clin Oral Implants Res 2005;16:639-644.
  • 4. Jung RE, Schneider D, Ganeles J, et al. Computer technology applications in surgical implant dentistry: A systematic review. Int J Oral Maxillofac Implants 2009;24 (suppl.):92-109.
  • 5. Noharet R, Pettersson A, Bourgeois D. Accuracy of implant placement in the posterior maxilla as related to 2 types of surgical guides: A pilot study in the human cadaver. J Prosthet Dent 2014;112:526-532. [doi: 10.1016/j.prosdent.2013.12.013].

Liens d’intérêts

Renaud Noharet déclare des liens d’intérêts avec Nobel Biocare, Dentsply Sirona et 3Shape en tant que consultant formateur et déclare que le contenu de cet article ne présente aucun conflit d’intérêts.