Évaluation de l’efficacité des hémostatiques locaux après extraction dentaire chez les patients sous antiplaquettaires : un essai clinique randomisé - Clinic n° 04 du 01/04/2022
 

Clinic n° 04 du 01/04/2022

 

Revue de presse

Internationale

Charline CERVELLERA  

La gestion des hémorragies post-opératoires chez les patients sous antiplaquettaires peut parfois s’avérer compliquée. L’arrêt des antiplaquettaires est controversé et le risque de thrombose a été documenté chez des patients ayant suspendu leur traitement. Si de nombreuses études recommandent de ne pas interrompre les traitements, d’autres facteurs relatifs au patient influencent le risque hémorragique per et post-opératoire et le délai de cicatrisation : le statut de...


La gestion des hémorragies post-opératoires chez les patients sous antiplaquettaires peut parfois s’avérer compliquée. L’arrêt des antiplaquettaires est controversé et le risque de thrombose a été documenté chez des patients ayant suspendu leur traitement. Si de nombreuses études recommandent de ne pas interrompre les traitements, d’autres facteurs relatifs au patient influencent le risque hémorragique per et post-opératoire et le délai de cicatrisation : le statut de fumeur, les maladies systémiques comme l’hypertension ou le diabète. Différents protocoles ont été rapportés dans la littérature afin de minimiser les risques d’hémorragie et de favoriser la cicatrisation muqueuse.

OBJECTIF DE L’ÉTUDE

Le but de cette étude était de déterminer l’efficacité de 4 agents hémostatiques après extractions dentaires sans modification ni arrêt des antiplaquettaires en évaluant le risque hémorragique post-opératoire, la cicatrisation muqueuse, les éventuelles complications et la relation avec les comorbidités/habitus du patient.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Cet essai clinique randomisé incluait des patients traités au centre de soins dentaires de l’Université Magna Graecia de Catanzaro entre octobre 2017 et septembre 2019. Les patients devaient avoir plus de 18 ans, avoir un traitement antiplaquettaire (mono ou bithérapie) au long cours et nécessiter l’extraction d’au moins 4 dents non adjacentes. Quatre agents hémostatiques étaient utilisés pour chaque patient (un par site d’extraction) et répartis au hasard : alvéole comblée par L-PRF (groupe L-PRF), alvéole comblée par A-PRF+ (groupe A-PRF+), alvéole comblée par éponge hémostatique (groupe HEM) ; suture simple (groupe contrôle). Les données relatives à chaque patient étaient collectées (données démographiques et cliniques, habitus, traitement et type d’extraction). La durée totale du suivi était de 2 semaines après chirurgie (contrôle à 30 minutes post-opératoires, 1 semaine, 2 semaines). Le saignement était évalué à 30 minutes post-opératoires en utilisant la classification de Souto. Les complications post-opératoires étaient notées, la cicatrisation muqueuse à 1 semaine et 2 semaines était évaluée selon la présence ou l’absence de fibrine et le degré de fermeture de l’alvéole. Enfin, le saignement post-opératoire était corrélé aux comorbidités/habitus du patient.

RÉSULTATS ET DISCUSSION

L’étude concernait 102 patients (74 hommes et 28 femmes avec un âge moyen 64 ans) : 51 % étaient atteints d’hypertension, 49 % de diabète, 63 % d’hypercholestérolémie et 26 % d’obésité ; 33 % étaient fumeurs et 35 % consommaient de l’alcool ; 90 % des patients étaient traités par monothérapie et 10 % par bithérapie. Un saignement post-opératoire a été retrouvé chez 20 % du groupe contrôle, 12 % du groupe HEM, 2 % du groupe A-PRF+ et 5 % du groupe L-PRF (différence significative pour les groupes A-PRF+ et L-PRF par rapport au groupe contrôle). Le risque de saignement post-opératoire était donc réduit en cas d’utilisation du A-PRF+ ou du L-PRF. À 2 semaines, une cicatrisation muqueuse incomplète a été observée chez 30 % du groupe contrôle, 38 % du groupe HEM, 22 % du groupe A-PRF+ et 15 % du groupe L-PRF (différence significative pour le groupe L-PRF par rapport au groupe contrôle). Le L-PRF réduit donc le risque de cicatrisation incomplète. Aucune différence significative sur le saignement post-opératoire n’a été observée en cas de monothérapie versus bithérapie. L’hypertension et le diabète augmentent le risque de saignement post-opératoire. Le diabète et le fait de fumer augmentent le risque de retard de cicatrisation muqueuse. Cette étude confirme que l’arrêt des antiplaquettaires n’est pas recommandé car le risque de saignement post-opératoire est faible. Le L-PRF, malgré sa nécessité d’être préparé, semble être un moyen d’hémostase efficace grâce à la libération de facteurs de croissance. Il est aussi important d’évaluer les comorbidités/habitus du patient car ils peuvent jouer un rôle sur le risque de saignement post-opératoire et le délai de cicatrisation muqueuse.

PERTINENCE CLINIQUE

Cet article confirme les recommandations de la Société française de chirurgie orale de 2015 concernant la gestion péri-opératoire des patients traités par antithrombotiques : l’arrêt des antiplaquettaires n’est pas nécessaire en cas d’extractions dentaires. De nouveaux moyens d’hémostase locale tels que le L-PRF et le A-PRF+, moins coûteux que ceux utilisés traditionnellement, peuvent être utilisés afin de réduire le risque de saignement post-opératoire et de promouvoir la cicatrisation muqueuse. Il est aussi important de ne pas oublier que les comorbidités/habitus du patient influencent le risque de saignement post-opératoire et le délai de cicatrisation muqueuse et sont à prendre en compte lors de l’évaluation pré-opératoire du patient.