ENREGISTREMENT DES RAPPORTS MAXILLO-MANDIBULAIRES EN PROTHÈSE IMPLANTO-PORTÉE DANS LES CAS D’ÉDENTEMENTS TERMINAUX OU ENCASTRÉS POSTÉRIEURS
Occlusion
Benjamin WOLOSZCZYK* Mickael COTELLE**
*CCU, UFR d’odontologie, Amiens Pratique libérale, Saint-Martin-Boulogne
**Pratique libérale, Arras
Certaines réhabilitations nécessitent un montage des modèles maxillaire et mandibulaire sur articulateur, physique ou virtuel. Que l’on utilise un arc facial ou non (cela reste préconisé), le positionnement du modèle maxillaire ne pose pas de problème particulier. Celui du modèle mandibulaire peut être moins aisé, car il exige de trouver une position unique, stable et répétitive, reproduisant fidèlement les rapports maxillo-mandibulaires, donc l’occlusion, du patient.
La présence d’édentements multiples, contigus ou non, peut rendre complexe la mise en rapport précise des modèles de travail par le laboratoire (ou par le praticien le cas échéant).
Si l’édentement est terminal et étendu, la difficulté sera majorée. Le manque de référence postérieure et l’absence de contacts répartis en trépied sont source d’erreur de positionnement, synonyme de future perte de temps.
Dès lors, et afin que les travaux soient réalisés dans une position la plus fidèle possible à la situation intra-buccale, il peut être conseillé de préciser au mieux le positionnement des modèles entre eux en fournissant au laboratoire un « mordu » occlusal, ou « table sectorielle » [1], physique ou numérique. Cela permet d’objectiver de façon plus fiable la relation maxillo-mandibulaire (RMM) [2].
Cette étape clinique ayant pour but d’apporter un maximum de précision, elle nécessite une grande rigueur sous peine d’induire un effet inverse à celui recherché.
Pour un enregistrement physique, la réflexion doit se porter sur l’instant propice, le protocole, le support à utiliser, ainsi que sur le matériau qui sera positionné sur ce support.
Pour l’enregistrement numérique, la technique ainsi que l’étendue de l’enregistrement méritent réflexion.
Bien que nécessitant d’y consacrer du temps, un enregistrement fiable de la RMM permet d’éviter la multiplication des séances cliniques et, in fine, d’obtenir plus aisément un résultat fonctionnel satisfaisant, ainsi que de réduire les coûts et temps de traitement.
La réalisation de prothèses implanto-portées (PIP) s’intégrant parfaitement dans l’occlusion statique et dynamique du patient (ce qui est l’objectif fonctionnel recherché de manière systématique) impose de disposer d’empreintes fidèles et de modèles de travail correctement positionnés entre eux, reproduisant parfaitement l’occlusion d’intercuspidie maximale (OIM).
Dans les cas d’édentements multiples, encastrés ou terminaux, ce positionnement n’est pas toujours aisé, notamment si les dents restantes ont des morphologies occlusales aux faibles reliefs, naturellement ou consécutivement à des restaurations inadéquates, ou si la perte de calage est étendue. Certaines situations cliniques imposent donc d’enregistrer l’OIM (l’on retrouve parfois le terme de position d’intercuspidie maximale (PIM)) [3], afin de limiter les risques d’erreurs de positionnement des modèles de travail entre eux, qu’ils soient physiques ou numériques. Cet apport de précision limitera le temps d’ajustement occlusal.
Nous pourrions citer les situations suivantes :
- les pertes de calage postérieur concernant au minimum toutes les molaires (cas clinique 1).
L’absence de molaire facilite un effet de bascule lors du positionnement des modèles entre eux. Plus l’édentement est important et plus ce risque est présent ;
- les édentements intercalaires contigus concernant 3 dents ou plus (cas clinique 2).
Malgré la présence de plusieurs références occlusales, notamment d’une ou plusieurs dents terminales assurant le calage postérieur, l’absence de plusieurs couples de dents peut favoriser une difficulté à positionner les modèles entre eux, notamment dans les cas d’usures généralisées ou si de nombreuses réhabilitations ont déjà été effectuées, sources potentielles de pertes de relief et donc de moindre stabilité ;
- les édentements multiples dispersés, associés à un contexte de dents restantes présentant un faible relief naturellement, ou consécutivement à des usures pathologiques ou des restaurations inadaptées. Le risque d’erreur lors de la mise en relation maxillo-mandibulaire est alors réel.
À noter : les situations cliniques ou l’OIM est unique mais instable, ou lorsque le patient a plusieurs positions potentielles, ne font pas partie des indications de prise de RMM. En effet, une optimisation occlusale préprothétique est alors indiquée [3-5] en première intention et les réhabilitations différées.
L’enregistrement de la relation inter-arcades est une étape cruciale lors de la réalisation de prothèses implanto-portées, notamment dans les cas d’édentements multiples et de perte de calage postérieur.
Le positionnement d’un matériau sur un support permet l’enregistrement de la RMM, essentiel afin de pouvoir reproduire fidèlement l’OIM du patient sur l’articulateur.
« Ces supports doivent être le plus rigides possible, parfaitement stables et se positionner de la même manière sur le modèle et dans la cavité buccale » [6].
• Les vis de cicatrisation : positionnées pour maintenir à distance les tissus mous, les vis de cicatrisation peuvent aussi être utilisées pour l’enregistrement occlusal [7, 8]. Cependant, elles offrent peu de stabilité pour le matériau sus-jacent, notamment s’il présente une importante fluidité initiale.
• Les tuteurs : certains fabricants proposent des tuteurs (figures 1a et 1b), à clipser sur l’implant, à ajuster en hauteur au besoin, et qui servent ensuite de pilier sur lequel un des matériaux décrits ci-après est déposé. La stabilité relative, la rotation possible ainsi qu’une surface occlusale modeste rendent peu fiable cet enregistrement, qui devra ensuite être complété.
• Les piliers provisoires : le recours à des piliers provisoires résout les deux premiers inconvénients décrits précédemment ; en effet, vissés, ils seront parfaitement stables. Le troisième inconvénient est toujours présent, et majoré, en plus de la présence d’une tête de vis qui ne peut être recouverte.
• L’armature : en zircone ou en titane, l’armature de la future prothèse est le support idéal pour recevoir et parfaitement maintenir un matériau d’enregistrement occlusal [7]. Cela sous-entend d’envisager une réhabilitation comprenant un pilier sur lequel sera collée une armature, recouverte d’une couche de matériau céramique stratifié.
Synthèse : les trois premiers supports pourront servir à réaliser un premier enregistrement de la RMM, approximatif. Un second, bien plus précis, pourra être effectué lors d’une éventuelle étape d’essayage d’armature.
Remarque : régulièrement utilisé en prothèse amovible partielle, l’enregistrement des rapports occlusaux via une base et un bourrelet en cire ne paraît pas être la solution de choix en prothèse implanto-portée. Cela nécessite une base stable et une parfaite maîtrise du réchauffement de la cire. In fine, cette solution n’apporte pas plus de précision.
Les matériaux doivent être visco-élastiques, précis, stables, faciles à manipuler et capables d’enregistrer rapidement la relation inter-arcade afin de limiter le risque de mouvements pouvant altérer la fiabilité de l’enregistrement.
Dans les cas cliniques exposés, couramment rencontrés, les matériaux suivants peuvent trouver leur utilité.
• Silicones réticulant par addition (Vinyl Polysiloxane/VPS) : ils sont reconnus pour leur grande précision et leur stabilité dimensionnelle, qualités essentielles pour permettre de reproduire fidèlement la RMM [9]. Ils dérivent des silicones utilisés pour les empreintes, leur rigidité complémentaire venant de l’adjonction de charges à base de quartz [6].
- Honigum Putty Soft Fast (DMG) : ses propriétés permettent un enregistrement rapide, une bonne précision du fait de la texture soft, une stabilité dimensionnelle et une résistance au déchirement lors du retrait. La prise rapide permet de limiter les risques de mouvements parasites et donc d’erreur.
- Jet Blue Bite Fast (Coltène) : matériau conçu spécifiquement pour l’enregistrement de l’occlusion. Sa consistance initiale permet de limiter les risques de mouvement d’évitement lors de la mise en relation des arcades. Son temps de prise est rapide, moins de 40 secondes en bouche. Ce matériau possède une faible élasticité résiduelle permettant également de limiter l’effet de rebond lors de l’affrontement des modèles. Il peut être ajusté au bistouri ou à la fraise en cas d’excès venant prendre appui sur les dents adjacentes ou sur les tissus mous.
À noter : en cas de fluidité initiale importante, il existe un risque de diffusion dans les sillons et anfractuosités des dents antagonistes, rendant très aléatoire le repositionnement parfait du mordu sur le modèle ; certains auteurs préconisent de retirer ces zones, ou de passer une fraise boule dans les fonds des sillons sur les modèles.
• Cires
Arti-Pink Wax (Bausch) : cire conçue pour l’enregistrement occlusal. Elle possède une dureté moyenne permettant une manipulation facilitée. Elle se ramollit au bain-marie à 55 °C. Sa surface est lisse, permettant un enregistrement assez précis des détails occlusaux. La stabilité dimensionnelle est relativement modeste, et une déformation existe au retrait. Pour un gain de précision supplémentaire, l’enregistrement de la relation inter-arcade à l’aide de cire sert surtout à obtenir un support, qui pourra être rebasé à l’aide d’un matériau de type pâtes eugénol/oxyde de zinc. Les formulations sans eugénol sont à rejeter en raison de variations dimensionnelles importantes [6].
Après avoir éliminé les excès de cire d’indentation pour assurer un repositionnement optimal, il est possible de compléter les cires d’occlusion par des cires de précision, telles que l’Aluwax. Cette dernière, enrichie en poudre d’aluminium, améliore l’intégrité et maintient la chaleur nécessaire à une prise d’empreinte plus précise.
L’Arti-Pink Wax utilisé dans cette présentation est une plaque X-hard de 3 mm d’épaisseur. La société Bausch prévoit de commercialiser des plaques d’épaisseurs différentes, notamment moins épaisses.
Synthèse : ces deux familles de matériaux ont des indications différentes. Les matériaux seront choisis selon les situations cliniques et selon l’avancée du traitement (empreinte initiale ou séance d’essayage). Ils seront disposés sur les supports précédemment décrits afin de favoriser leur repositionnement fiable sur les modèles.
L’enregistrement numérique de la RMM est une méthode de plus en plus populaire qui offre plusieurs avantages par rapport à l’enregistrement physique. Il est plus rapide, plus précis a priori [10], et permet une visualisation en trois dimensions de la RMM. Pour les cas cliniques exposés ci-après, le matériel suivant a été utilisé :
- Trios 5 (3Shape) : il s’agit d’un scanner intra-oral permettant de capturer des images numériques des tissus durs et mous, d’effectuer l’enregistrement numérique de la relation inter-arcades, ainsi que d’aider à la conception et la fabrication assistées par ordinateur (CFAO) ;
- corps de scannage, ou scan body : dispositifs fixés aux implants, conçus pour être détectés par le scanner intra-oral, ils permettent de capturer précisément la position et l’orientation des implants (figure 2).
Le patient a une OIM unique, stable et répétitive, une équilibration occlusale préprothétique n’est donc pas nécessaire.
Lors de la première séance clinique, l’empreinte de l’arcade concernée par la réhabilitation implanto-portée est réalisée (généralement avec un élastomère, polyéther de préférence).
L’empreinte de l’arcade antagoniste, fréquemment faite à l’alginate, doit être conservée en milieu humide et, idéalement, coulée dans l’heure qui suit, sous peine de perte de stabilité dimensionnelle et donc de précision [2].
La présence d’édentements multiples et contigus impose une empreinte à « ciel ouvert » à l’aide de transferts vissés.
La technique à « ciel fermé », à l’aide de transferts clipsés (figure 5) ou repositionnables, ne sera envisagée que si le passage du tournevis est impossible au niveau du transfert le plus distal, interdisant le vissage, puis le dévissage (figure 6) car une source d’erreur non négligeable existe.
Concernant le cas clinique présenté, en l’absence des deux molaires maxillaires gauches, il pourrait être compliqué pour le laboratoire de positionner correctement les modèles entre eux (figure 7). La moindre bascule, même minime, engendrerait un travail en sur ou sous-occlusion.
Pour cette raison, lors de la même séance, l’utilisation des vis de cicatrisation, comme support d’un matériau d’enregistrement de l’occlusion, permet la réalisation d’une première prise de RMM, imprécise mais importante tout de même, notamment si l’édentement concerne toutes les molaires. Un second enregistrement, plus précis, pourra être réalisé si une étape d’essayage d’armature est prévue.
Lors de cette première prise, il est indispensable de bien vérifier la compréhension du patient sur le mouvement qui est attendu, c’est-à-dire une fermeture lente, l’absence de mouvements parasites durant 60 secondes, et une pression musculaire non exagérée. « Venez mettre les dents en contact sans serrer fort » est une phrase généralement bien comprise. Faire quelques mouvements tests avant de positionner le matériau est souvent utile.
L’espace présent entre les vis de cicatrisation et les faces occlusales des dents antagonistes étant important, l’utilisation d’un silicone lourd (Honigum Putty Soft Fast) est indiquée.
Le « mordu » ainsi que les empreintes sont adressés au laboratoire. Le prothésiste doit vérifier le positionnement aisé, répétitif et stable du mordu sur chaque modèle (figures 8 et 9).
Il est bien entendu nécessaire de fournir au laboratoire des vis de cicatrisation identiques à celles utilisées en bouche afin qu’il puisse positionner le mordu sur celles-ci (figure 10).
Important : si le projet prothétique prévoit de solidariser les futures prothèses d’usage, la réalisation d’une clé en plâtre est alors indispensable afin de valider la parfaite adéquation entre la position des implants en bouche et celle sur modèle. Celle-ci est vissée, en quinconce, toute rupture du plâtre signifierait que l’empreinte est erronée et à refaire.
Pour un gain de temps évident, il serait idéal de pouvoir effectuer un second enregistrement de la RMM lors de cette séance à l’aide de la clé en plâtre. Cela n’est pas possible.
Tout d’abord parce qu’en général la hauteur de la clé et de ces piliers (non indexés) est plus importante que l’espace prothétique disponible, ne permettant pas au patient de venir en occlusion (figure 11). Ensuite parce que même si cet espace était suffisant, le matériau disposé sur la clé ne serait que peu stable.
Dans le cas clinique présenté, le choix a été fait de solidariser les couronnes. Une étape d’essayage d’armature, en zircone dans le cas présent, est alors conseillée. L’adaptation de l’armature est vérifiée sur modèle et en bouche. L’insertion de l’armature doit être passive, c’est-à-dire non forcée et sans crissements. L’absence de hiatus entre le ti-base et l’implant est contrôlée visuellement et radiologiquement. Un vissage en quinconce est là encore préconisé.
Grâce au premier enregistrement de la RMM, le laboratoire peut concevoir des armatures homothétiques et libérant un espace optimal pour la stratification future (figure 12). Cet espace doit être précisé par un second enregistrement, nettement plus précis car les armatures permettent de positionner un matériau en quantité suffisante, et de garantir sa stabilité et son repositionnement.
L’enregistrement de la relation inter-arcades est ici précisé à l’aide du Jet Blue Bite Fast (figures 13 et 14) ou de l’Arti-Pink Wax (figure 14). Ces matériaux s’interposent entre l’armature et les surfaces occlusales des dents antagonistes.
Ils ne doivent pas interférer avec les dents adjacentes en occlusion sous peine de fausser l’enregistrement de la RMM (notion de perturbation des boucles réflexes). Les puits de vissage présents sur les surfaces occlusales des armatures (dans le cas de la réalisation de prothèses transvissées) permettent une légère pénétration du matériau, ce qui améliore sa stabilité sur l’armature et facilite son repositionnement.
Le recours à la cire Arti-Pink Wax X-Hard de 3 mm est possible ; elle est ramollie dans un bain-marie à 55 °C puis interposée sur les armatures jusqu’au refroidissement et durcissement (figure 15).
Ces enregistrements sont envoyés au laboratoire afin de vérifier l’exactitude du premier montage sur articulateur. En cas de delta, le montage (du modèle mandibulaire uniquement) est réalisé de nouveau à l’aide de ce second mordu.
À noter : la prothèse implanto-portée peut être monolithique. Dans ce cas, un second enregistrement n’est pas possible. Il convient alors de vérifier la qualité du premier enregistrement de la RMM afin d’éviter de transmettre au laboratoire un enregistrement incorrect, et de prévoir un temps d’ajustement occlusal plus conséquent.
L’acquisition numérique offre une alternative, contemporaine et fiable, à l’enregistrement physique de la RMM.
Lors de la première séance clinique, les vis de cicatrisation sont déposées et l’acquisition numérique débute par la numérisation des profils d’émergence des futures couronnes implanto-portées et de la totalité de l’arcade (figure 16).
Les scan body sont ensuite vissés sur les implants et sont scannés, sans nécessité de reprendre la totalité de l’arcade, le logiciel étant capable de matcher les deux acquisitions.
Il est ensuite demandé au patient de venir en OIM pour permettre l’enregistrement de celle-ci (figure 17). Les conseils et tests (mouvements de fermeture répétés et maintien de l’occlusion sans pression exagérée) préalablement décrits sont applicables également.
À noter : il est conseillé de bien sécher les faces vestibulaires des dents bordant l’édentement lors de la prise d’empreinte numérique initiale, car ce sont ces faces vestibulaires qui vont servir à l’algorithme pour positionner les arcades dans l’espace lors du rapport inter-arcade. Des surfaces bien enregistrées vont faciliter le repositionnement numérique et améliorer la précision.
Dans le cas où une inocclusion serait constatée le jour de la pose, un nouvel enregistrement de la RMM est nécessaire.
En méthode physique, un matériau de type silicone sera positionné sur les prothèses (uniquement), le patient invité à venir en OIM passive. L’utilisation de l’Arti-Pink Wax 3 mm n’est pas possible dans ce cas, l’épaisseur du matériau étant trop importante pour un espace d’inclusion minime en général, cela risquerait de fausser l’enregistrement. Pour une acquisition numérique, il est conseillé de reprendre une RMM avec les prothèses en inocclusion en place. Si les prothèses paraissaient être en occlusion sur les modèles, physiques ou numériques, l’erreur doit être recherchée principalement au niveau de la contraction musculaire réalisée par le patient lors de la prise de RMM. Une contraction trop importante peut engendrer une bascule mandibulaire et ainsi sous-estimer l’espace vertical réellement disponible en OIM passive. Une erreur de positionnement peut aussi se produire dans un flux numérique en cas de mauvaise gestion des données.
Dans le cadre de la restauration implanto-portée d’un édentement encastré unitaire, l’enregistrement de la RMM n’est pas utile en méthode physique, mais sera réalisé en technique numérique [1].
En revanche, pour les édentements encastrés étendus ou multiples non contigus, la réalisation d’un mordu physique (sur vis de cicatrisation, tuteurs, piliers provisoires et/ou armatures), ou numérique, est parfois préconisée afin de positionner et stabiliser les modèles entre eux, faciliter et rendre plus précis le montage sur articulateur.
Dans le cas présenté, l’OIM est unique, répétitive et stable. Cependant, la version de la dent terminale (dent 48) peut être source d’erreur lors du montage sur articulateur, notamment et surtout si une prise d’arc facial n’est pas effectuée. En effet, le recours à une table de montage ne reproduit que très rarement la position exacte du maxillaire dans les trois plans, cela pouvant largement influencer les rapports occlusaux.
À noter : l’utilisation de l’articulateur (physique ou numérique) est fortement recommandée compte tenu de l’ampleur de l’édentement (figures 18 et 19). En plus des risques d’erreur au niveau statique, aucun préréglage dynamique ne peut être sollicité ni effectué au laboratoire avec des modèles non montés sur articulateur.
Rappel : si l’OIM est instable ou non répétitive, une étude occlusale est indiquée, et une équilibration préprothétique pourrait être nécessaire afin d’obtenir la stabilité souhaitée. Il est inenvisageable de réaliser la réhabilitation d’un large secteur édenté dans un contexte d’OIM instable.
Face à un édentement aussi conséquent, la réalisation d’une prothèse implanto-portée représente un investissement conséquent. L’enregistrement précis de la relation inter-arcades est donc primordial pour garantir un résultat fonctionnel optimal, sans répétition de séances d’ajustage, chronophage pour tous.
C’est pourquoi il peut être intéressant, mais non indispensable du fait d’une OIM jugée stable, de réaliser un premier enregistrement de l’occlusion lors de la séance des empreintes.
Que ce premier enregistrement soit fait ou non, il est conseillé, voire indispensable de réaliser une séance d’essayage d’armature si les prothèses sont solidarisées. Cette séance doit permettre, de plus, de vérifier la validité du montage sur articulateur par la réalisation d’un second mordu, à l’aide par exemple du Jet Blue Bite Fast ou de l’Arti-Pink Wax.
Cette étape cruciale permet de confirmer que les rapports inter-arcades présents sur l’articulateur correspondent parfaitement à la réalité intra-buccale.
Ce mordu ainsi que les armatures sont repositionnés sur l’articulateur ; l’ensemble des contacts préexistants sur le reste de l’arcade doivent être retrouvés. Pour un contrôle précis, un ruban marqueur 8 µm (ou Shimstock 8 µm) doit être bloqué par les contacts dentaires, articulateur refermé. On notera également que la tige antérieure ne doit pas avoir quitté la table incisive.
Si ce n’est pas le cas, le modèle mandibulaire doit être remonté avec le nouvel enregistrement. Ce nouveau montage permet de finaliser les prothèses implanto-portées dans une situation au plus proche de la réalité.
L’enregistrement numérique s’effectue lors du premier rendez-vous clinique. Les logiciels d’acquisition numérique proposent un protocole incluant systématiquement la prise de l’occlusion droite et gauche (mordus 1 et 2). Il est essentiel de vérifier que les rapports occlusaux proposés numériquement correspondent à ceux présents en bouche. Si tel est le cas, une étape d’essayage d’armatures n’est pas indispensable, sauf si le projet prothétique prévoit une solidarisation, imposant alors une séance de vérification de l’insertion passive. Afin d’optimiser la fiabilité et la précision de cette méthode, il est recommandé d’initier le scannage du côté de l’hémi-arcade concernée par la réhabilitation prothétique (figure 20) [11].
Les deux méthodes décrites pour l’enregistrement de la RMM lors de réhabilitations implanto-portées d’édentements postérieurs encastrés ou terminaux, ont la particularité d’être fiables et reproductibles.
La méthode physique permet d’obtenir un enregistrement précis de l’occlusion lors de l’éventuelle séance d’essayage des armatures. Le premier enregistrement, bien qu’imprécis, permet une approche des rapports inter-arcades et, ainsi, la réalisation des prothèses finalisées, voire d’armatures correctement dimensionnées et homothétiques.
Il est impératif de veiller à ce que le matériau, quel qu’il soit, ne recouvre que les supports et ne vienne interférer entre les dents non concernées par la réhabilitation. Cela est toujours source d’erreur lors de l’affrontement des modèles.
De plus, la connaissance des propriétés physico-chimiques et le respect du temps de travail sont primordiaux. Le praticien doit utiliser un matériau qu’il connaît et qu’il maîtrise.
Concernant la méthode numérique, l’enregistrement de la RMM est préconisé lors de la première séance, dans le même temps clinique que les empreintes. Cet enregistrement est considéré comme précis, et donc non systématiquement doublé lors de la séance (éventuelle) d’essayage. Sa précision peut (doit) être vérifiée extemporanément par comparaison entre le nombre et la localisation des points de contacts occlusaux intra-buccaux, et ceux proposés par le logiciel.
La comparaison des deux méthodes décrites suggère que l’avantage principal de la méthode numérique est la rapidité de mise en œuvre puisque les empreintes et l’enregistrement de l’occlusion sont réalisés en un seul temps clinique. De plus, cet enregistrement de l’occlusion ne nécessite l’utilisation d’aucun matériel consommable contrairement à la méthode conventionnelle [12].
Différentes études cliniques montrent que l’enregistrement numérique de la relation inter-arcades présente des résultats fiables [10, -16]. Il semble que les retouches occlusales soient moins importantes à la suite de l’enregistrement numérique de l’occlusion par rapport à l’enregistrement physique [11].
Cependant, la précision des contacts occlusaux obtenus sur les enregistrements numériques varie en fonction de la pression exercée. L’enregistrement numérique de l’occlusion avec une force occlusale importante (notion d’OIM active) plutôt qu’avec une force occlusale faible (notion d’OIM passive) pourrait améliorer la précision des contacts occlusaux obtenus [10].
Pour les deux techniques, la prise de RMM est plus complexe dans les cas de perte de calage postérieur. Le risque de bascule mandibulaire est important et directement dépendant de l’étendue de l’édentement et de l’intensité de contraction musculaire, subjective. Un double enregistrement peut être utile, la répétition préalable des mouvements ainsi que l’application des consignes (« mettez les dents en contact sans serrer fort ») également.
Enfin, cet enregistrement de l’occlusion statique peut être complété par un enregistrement dynamique, numérique, permettant au laboratoire de réaliser des travaux s’intégrant au mieux dans la cinématique mandibulaire, respectant ainsi le schéma fonctionnel initial ainsi que l’enveloppe fonctionnelle.
Les auteurs remercient le Dr Henri Delcourt (Le Touquet) et la société Straumann pour la partie chirurgicale. Remerciements à Thierry Harel (EURL Hardent) pour la partie prothèse.
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.