Stabilisation de guides chirurgicaux par appuis implantaires provisoires - Implant n° 2 du 01/05/2019
 

Implant n° 2 du 01/05/2019

 

Chirurgie implantaire

V. Fabas   J. Routoulp   H.P. Fabas  

Les guides chirurgicaux sont maintenant incontournables, mais leur maintien lors des séquences de forage est souvent délicat et manque de prédictibilité, surtout chez l'édenté complet. Nous proposons une technique permettant de fixer des repères fiables dans un flux numérique total, afin de fiabiliser la stabilité du guide lors de la phase primaire permettant la pose des implants et de la prothèse instantanée.

Principes de la technique

L'évolution des techniques et...


Les guides chirurgicaux sont maintenant incontournables, mais leur maintien lors des séquences de forage est souvent délicat et manque de prédictibilité, surtout chez l'édenté complet. Nous proposons une technique permettant de fixer des repères fiables dans un flux numérique total, afin de fiabiliser la stabilité du guide lors de la phase primaire permettant la pose des implants et de la prothèse instantanée.

Principes de la technique

L'évolution des techniques et du matériel numérique permettent de proposer à nos patients des résultats fiables et plus rapides dans la réalisation des plans de traitement chirurgicaux et prothétiques implantaires[, ].

Il est maintenant admis que l'extraction, implantation et mise en charge immédiate font partie du quotidien des praticiens les plus aguerris aux techniques implantaires.

S'il est relativement facile de le faire dans les cas unitaires, cela se complique dès que le nombre d'implants augmente et si l'on travaille en flux numérique complet pour réaliser une mise en charge instantanée plurale voire complète sur des bridges maxillaires ou mandibulaires[, ].

La nécessité d'un guide chirurgical très précis nous a conduits à ajouter un dispositif à appui implantaire provisoire (AIP) qui solutionne les cas complexes et notamment les édentations totales, où les appuis muqueux ou osseux purs ne sont pas fiables.

Tout ceci ne peut être mis en place que grâce au trinôme technique : radiologie 3D, empreinte numérique et logiciel d'analyse de données.

Les différentes études montrent que la précision des guides chirurgicaux décroît depuis les plus précis (dentaires) au moins fiables (osseux) en passant par les muqueux. La précision que demande la technique de mise en charge instantanée ne pouvait se satisfaire de cette imprécision. Des impossibilités de pose de prothèses instantanées (engagement impossible dans les émergences implantaires) nous ont conduits à trouver une solution alternative fiable.

Cette technique devait avoir au moins autant de précision que l'appui dentaire, considéré comme le plus fiable, être simple de mise en place, économique et compatible avec le flux numérique complet qui correspond à notre mode de travail actuel et futur. Après réflexion, les mini-implants provisoires, détournés de leur vocation originelle, nous sont apparus comme la meilleure solution pour un appui fixe, fiable et provisoire bien-sûr, pour ne pas gêner la pose de la prothèse en fin d'intervention.

Les études menées par les différentes équipes ont confirmé la précision accrue des appuis dentaires[, ]. Toutefois, nous n'avons pas retrouvé d'études sur les guides à appui implantaire dans le contexte de flux numérique complet décrit ici.

La mobilité de certaines dents voire l'absence totale de dents dans certains cas nous ont donc conduits à cette méthode de stabilisation des guides chirurgicaux par le dispositif le plus stable, à savoir les mini-implants temporaires.

De fait, si l'on compare la mobilité dentaire et implantaire, la différence est en faveur des implants qui sont donc un point d'appui supérieur aux dents :

- mobilité d'une dent saine : transversale de 20 à 100 μm ; axiale de 30 μm ;

- mobilité d'un implant : transversale de 25 μm ; axiale de 5 μm.

Toutes ces données nous ont encouragés à tester les mini-implants pour stabiliser les guides chirurgicaux dans les cas d'édentations étendues ou totales ou de mobilités dentaires terminales où les repères dentaires ne sont plus fiables.

La spécificité de nos interventions en flux numérique complet avec mise en charge instantanée se satisfait pleinement de ces appuis de stabilité optimale.

Protocole clinique – step by step

Examen clinique

L'examen clinique définit le nombre de dents à remplacer et le type d'appui du guide chirurgical : dentaire, mixte (dents et AIP), ou AIP seul. Les AIP sont posés lors de cette session en choisissant le site le plus approprié.

Recueil des informations

Dans la même séance, les informations suivantes sont recueillies :

- Radiologie 3D : le recueil des données se fait en inocclusion pour éviter les superpositions des arcades et des fichiers DICOM sont enregistrés.

- Empreinte numérique : aux deux arcades séparément puis en occlusion avec le cas échéant les prothèses amovibles si l'édentation est totale. Des fichiers STL sont enregistrés.

- Étude du cas : après transfert des données DICOM et STL par mail au laboratoire de prothèse, phase de « nettoyage » du DICOM puis « matching » du DICOM sur le STL avec élaboration du projet prothétique (wax-up virtuel) ; de nombreux allers-retours commencent entre les deux entités afin d'étudier le cas et définir le guide chirurgical en fonction du projet prothétique.

Ce travail entre le praticien et le prothésiste peut se faire à distance grâce au flux numérique par le biais du système Synergie, DentalWings®.

Lorsque des extractions dentaires sont prévues, elles sont faites virtuellement sur les fichiers STL puis physiquement au début de l'intervention car le guide est prévu avec ces extractions et ne peut pas s'insérer autrement ; pour le confort du patient, tout est réalisé en une seule fois comme c'est le cas dans les classiques extractions, implantations immédiates, mais dans cette technique, la prothèse est préfabriquée et les AIP sont les repères pour poser le guide de manière sûre.

De même, entre le recueil des données et le jour de l'intervention, il ne doit pas y avoir de modification physique en bouche sous peine de non coaptation du guide aux dents ou AIP.

Jour de la chirurgie

- Après une anesthésie locale, ouverture d'un mini-lambeau en gencive kératinisée ou plus si nécessité de régénération.

- Essayage du guide qui doit rentrer parfaitement, soit sur les dents soit sur le ou les AIP.

- Séquences de forages implantaires classiques en faisant attention à l'irrigation du foret et pose des implants.

- Retrait des AIP et des dents restantes le cas échéant.

- Pose de la prothèse provisoire instantanée (PPI).

- Sutures résorbables au Vicryl®.

- Retouches sélectives des points d'occlusion.

- Contrôle radio de la pose des implants et de l'ajustement prothétique.

Situations cliniques

Extractions avec implantation immédiate mandibulaire et mise en charge immédiate

Patiente médecin urgentiste de 58 ans ayant déjà un bridge maxillaire sur implants fait 8 ans auparavant, selon une technique traditionnelle avec mise en charge à 3 mois [fig. 1].

Son souhait est de remplacer son arcade mandibulaire par un bridge complet et d'éviter si possible la temporisation qu'elle a mal vécu au maxillaire.

L'examen clinique retrouve une mobilité terminale sauf sur 33-43 qui peuvent stabiliser le guide.

Il est décidé d'extraire 37-47 et de poser deux mini-implants en distal afin d'avoir un appui mixte AIP et 33-43, et de lancer le plan de traitement, la fabrication du guide et de la prothèse provisoire instantanée (PPI).

Préparation du cas

- Pose des mini implants en distal de 37 et 47 extraites.

- Recueil des données radiologiques [fig. 2], empreinte numérique [fig. 3 et 4] et travail sur le logiciel coDiagnostiX [fig. 5 et 6].

- Réalisation du guide chirurgical [fig. 7], de la PPI et prise du rendez-vous chirurgical (maximum 2 à 3 semaines après).

Timing chirurgical

– anesthésie locale par infiltration mandibulaire totale [fig. 8].

– Avulsions de toutes les dents mandibulaires à l'exception de 33 et 43 qui présentent une excellente stabilité.

– Réalisation d'un mini-lambeau.

– Essayage du guide [fig. 9], vérification de la stabilité sur les dents restantes et sur AIP au niveau des logettes qui reçoivent les sphères implantaires ; l'excellente stabilité entre les AIP et les dents restantes a permis d'éviter dans ce cas la pose de vis d'ostéosynthèse qui, pour être efficaces, doivent être axiales et gênent donc la planification et les possibilités de choix de lieu de pose des implants.

– Pose des six implants Straumann Tissue Level avec ROG en secteur III ; au niveau de ce secteur, un implant TE (Tapered Effect) Tissue Level est posé pour plus de stabilité primaire du fait de sa morphologie conique. Par principe et en vue de normaliser nos traitements, tous nos implants Straumann® sont des SLActive, Roxolid. À la fin de la pose des implants, la stabilité est vérifiée à la clé dynamométrique afin d'autoriser le vissage de la PPI.

– Dépose des AIP et extractions de 33 et 43.

– Pose de la PPI et vérification de l'engagement prothétique [fig. 10 et 11].

– Fermeture au Vicryl 3/0.

– Panoramique de contrôle [fig. 12] en post-opératoire immédiat, qui confirme le bon engagement prothétique dans les émergences implantaires.

Les suites de l'intervention sont simples avec une alimentation molle et des conseils d'hygiène appropriés. La prothèse définitive sera prévue par le correspondant 6 à 9 mois après cette phase primaire. Une dépose est faite à 6 mois qui vérifie la bonne cicatrisation et autorise la phase de prothèse définitive [fig. 13 à 15].

Prothèse d'usage

À 6 mois et en l'absence de complications, la prothèse d'usage a pu être réalisée avec une nouvelle empreinte numérique des deux arcades et un enregistrement numérique de l'occlusion [fig. 16]. Notre choix s'est porté sur une prothèse (dents céramo-composite novo.lign®) transvissée sur barre Peek (BIO HPP de la société Bredent®) en direct implant, afin « d'amortir » les contacts occlusaux avec le bridge complet maxillaire céramique ; toutefois, dans le cas où le correspondant ne veut pas ou n'est pas équipé en empreinte numérique, il est possible pour lui de faire une empreinte classique à partir des implants.

L'intérêt de la technique se situe plus sur la phase provisoire que la définitive, qui peut donc se faire de manière tout à fait classique.

Implantation et mise en charge immédiate chez un patient édenté maxillaire

Patiente de 65 ans, édentée totale et désirant une solution fixe maxillaire.

L'examen clinique retrouve une édentation maxillaire totale et mandibulaire partielle compensée par prothèses amovibles.

Le plan de traitement comprend, dans la même séance, la pose de trois AIP en triangle [fig. 17] afin d'avoir une bonne stabilité (qui évite de plus la pose de vis de stabilisation et permet donc un choix de pose implantaire plus large au niveau de la conception du guide), la radio 3D et l'empreinte numérique. Le matching fait avec le logiciel CoDiagnostiX® permet le projet prothétique et la création du guide chirurgical de pose des implants.

Préparation du cas

– Pose des mini-implants en site rétro-incisif maxillaire et en 16 et 26.

– Recueil des données radiologiques [fig. 18], empreinte numérique avec et sans prothèse complète [fig. 19 et 20] (logettes découpées dans la prothèse pour les têtes des mini-implants) puis travail sur le logiciel CoDiagnostiX®.

– Réalisation du guide et de la PPI, prise du rendez-vous opératoire qui sera assez proche de la pose (environ 15 jours) : après validation du guide chirurgical à partir du montage virtuel, dépose virtuelle des AIP, puis grâce au système Synergie, le laboratoire adapte le montage virtuel sur la planification implantaire réalisée sur CoDiagnostiX ; le fichier STL peut alors être envoyé à l'usinage (usineuse Straumann M Series).

Les piliers provisoires sont des Variobases® rotationnels.

La précision du flux numérique et du logiciel d'étude permettent au préalable de paralléliser les implants, ce qui optimise l'insertion de la prothèse dans l'émergence implantaire. Sur les bridges de grande étendue, la plateforme Tissue Level nous paraît plus « tolérante » à l'insertion de la prothèse que les Bone Level, que nous réservons aux bridges de petite étendue dans les zones esthétiques.

Timing chirurgical

– anesthésie locale par infiltration maxillaire totale.

– Incision crestale à minima, sauf en secteur 2 pour ROG partielle (prévue lors de l'étude).

– Pose du guide sur les trois AIP avec contrôle de la position des boules grâce à des fenêtres ouvertes dans le guide [fig. 21].

– Pose des implants.

– Dépose des AIP.

– Vissage de la PPI qui s'adapte parfaitement [fig. 22 et 23].

– Radio panoramique de contrôle [fig. 24].

– Sutures résorbables au Vicryl 3/0.

– Réglage de l'occlusion.

Les suites sont simples et la patiente est revue régulièrement depuis un an avec contrôle de l'occlusion et des implants ; nous essayons de la motiver pour passer à la prothèse d'usage car il existe des risques de casse du matériau qui n'est que provisoire.

Discussion

Le dispositif AIP permet de recréer la précision des appuis naturels que sont les dents. La précision extrême que demande la mise en charge instantanée nécessite des appuis fiables et solides dentaires, mixtes (dents et AIP) ou AIP exclusifs.

Les implants monoblocs utilisés permettent cet appui, même s'ils n'ont pas été conçus pour cette utilisation avancée, de même que la trousse de chirurgie guidée qui, au départ, n'était pas faite pour la pose instantanée et nécessite des améliorations (customisation des instruments).

L'intérêt de la technique se situe surtout et essentiellement dans la phase primaire de pose des implants plus qu'à la réalisation de la prothèse d'usage qui peut être faite de manière traditionnelle ou numérique au choix du correspondant. Pour cette phase secondaire de prothèse d'usage, il semble cependant que la précision requise pour des matériaux très rigides (céramique) montre les limites de la précision de l'empreinte numérique actuelle pour des reconstructions de grande étendue et notamment sur bridge complet. Les progrès de l'empreinte numérique et des logiciels associés devraient rendre cette technique plus reproductible prochainement.

Il est cependant aussi possible une fois les implants posés de temporiser par une prothèse amovible, ou bien de réaliser une empreinte physique ou numérique avec mise en charge immédiate car l'étude prothétique a permis de mettre les implants selon l'axe prothétique idéal.

D'autres techniques permettent la mise en charge instantanée avec prothèse préfabriquée[, ] mais le flux numérique n'est pas total d'une part, et d'autre part la précision est moindre et c'est le collage en bouche de la prothèse provisoire sur les piliers provisoires qui permet de compenser cette imprécision.

Le but de cette présentation est de proposer une technique en un seul temps chirurgical et prothétique (provisoire) même dans les cas où les repères fixes traditionnels sont perdus, le tout dans un flux numérique total qui nous semble l'avenir de la discipline.

Ne négligeons pas cependant l'énorme travail du binôme praticien / prothésiste pour maîtriser le logiciel et s'en servir en amont, afin de permettre la précision de la technique et par là même le confort du patient.

Conclusion

La technique de mise en charge instantanée devient reproductible dans des mains entraînées grâce au progrès de la chaîne numérique, et les AIP permettent de solutionner le problème de fixation fiable du guide qui assure l'extrême précision permettant la pose de la prothèse préfabriquée en fin de chirurgie. Toutefois, un AIP spécifique serait le bienvenu, ce qui permettrait de pallier certaines imperfections lors de la prise d'empreinte numérique (artefacts). Les caméras intra-buccales doivent aussi évoluer dans le sens d'une plus grande précision afin de fiabiliser la technique. Enfin, la gestion numérique de l'esthétique (DSD) et de la fonction masticatoire (Modjaw) permettront d'améliorer encore la résolution de ces cas complexes.

Auteurs

Vincent Fabas

Chirurgien-Dentiste

Exercice libéral, Castres (81)

Jérome Routoulp

Prothésiste dentaire

Castres (81)

Henri-Paul Fabas

Stomatologiste

Exercice libéral, Castres (81)

hpfabas@gmail.com

Bibliographie

  • 1. Schnutenhaus S, Gröller S, Luthardt RG, Rudolph H. Accuracy of the match between cone beam computed tomography and model scan data in template-guided implant planning: A prospective controlled clinical study. Clin Implant Dent Relat Res 2018;20(4):541-549.
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  • 3. Pascual D, Vaysse J. Mise en charge « instantanée » d'une prothèse définitive en une seule étape. Titane ; HS 2017;87-104.
  • 4. Pascual D, Vaysse J. Chirurgie implantaire et prothèse guidées et assistées par ordinateur : le flux numérique continu. Revue de Stomatologie, de Chirurgie Maxillo-faciale et de Chirurgie Orale 2016;117(1):28-35.
  • 5. Sers L, Philippe B. Le bridge Immediate Smile® : Prothèse implantaire à mise en charge instantanée réalisée en préopératoire par usinage CAD-CAM à partir des données d'une planification SimPlant®. Implant 2012;18.
  • 6. Gallucci GO, Bernard JP, Bertosa M, Belser UC. Immédiate loading with fixed screw-retained provisional restorations in edentulous jaws: the pickup technique. Int J Oral Maxillofac Implants 2009;19(4):524-533.